Test Sherlock Holmes : The Awakened – enquête au pays de Lovecraft

make lovecraft, not war

En préambule, on souhaiterait préciser qu’évoquer ce nouveau jeu Sherlock Holmes nous tenait à cœur pour plusieurs raisons. D’abord, disons que l’auteur de ses lignes a une affection particulière pour la licence, et ce depuis le Sherlock Holmes : La Boucle d’argent de 2004. Une affection qui nous pousse aujourd’hui à avoir quelques mots au sujet du studio Frogwares qui – malgré sa taille modeste et ses moyens limités – a toujours travaillé avec passion sur ses jeux, afin de faire la part belle à des univers de littérature qui les passionnent. 

Malgré le conflit qui ravage actuellement le pays dans lequel est basé le studio, Sherlock Holmes : The Awakened est l’un des premiers jeux ukrainiens qui nous arrivent en bon état (avant S.T.A.L.K.E.R. 2) depuis le début de la guerre. Par ailleurs, les visions d’horreur éprouvantes que Sherlock subit durant ce jeu, ainsi que certains discours anti-guerre de Watson, nous frappent d’autant plus fort quand on les lie directement aux évènements actuels. C’est donc dans une période très difficile que la passion de Frogwares a dû cette fois s’exprimer. 

En gardant ces informations en tête, il est ainsi épatant que Sherlock Holmes : The Awakened soit un jeu d’une telle qualité, malgré tout, et compréhensible qu’il ne soit malheureusement pas à la hauteur des ambitions de son prédécesseur, Sherlock Holmes : Chapter one. 

Voyage au cœur des ténèbres 

sherlock dans la tourmente

The Awakened est un remake de Sherlock Holmes : La Nuit des sacrifiés (2006), dans lequel le héros de Conan Doyle doit faire face aux mythes lovecraftiens. Le but pour Frogwares était ainsi de se saisir de ce scénario au potentiel exaltant, utilisant les mécaniques très efficaces de gameplay de Sherlock Holmes : Chapter One pour le sublimer. Et cela démarre bien puisque dès l’introduction, on retrouve tout ce qui faisait le charme du jeu précédent (système de déductions satisfaisant, pas de mini-map pour l’exploration, un décor très travaillé, etc.).

Tous les ingrédients semblent réunis pour recréer la réussite de Chapter One. Malheureusement, puisque Frogwares a dû revoir ses ambitions à la baisse, Sherlock Holmes : The Awakened n’exploite que superficiellement ses multiples mécaniques. Le jeu se concentre à la place sur ses phases d’enquêtes classiques et qui s’enchaînent les unes des autres durant une intrigue beaucoup plus linéaire que prévu. De fait, l’aventure n’a ainsi guère l’ampleur, la liberté et la générosité de son prédécesseur.

C’est d’autant plus frustrant que les reliques de ce que le jeu aurait pu être sont toujours là – comme les divers décors de semi-open world (qu’on parcourra trop vite), les archives ou les déguisements.

Où sommes-nous ? Kaddath, Sarnath, R’lyeh ? 

impossible n’est pas holmes

Néanmoins, le jeu se tient du début jusqu’à la fin, sans se perdre ou flancher. Malgré la rigidité des personnages (les visages surtout), le titre de Frogwares est techniquement soigné et artistiquement abouti. Grâce à son ambiance réussie (notamment durant le troisième chapitre, est délicieusement sordide) et à un très bon sens du rythme, The Awakened parvient à capter l'attention du joueur jusqu’à son climax.

Il arrive ainsi à tenir solidement sa principale promesse : celle de corréler la mythologie lovecraftienne avec celle de Sherlock Holmes, et de confronter avec succès les deux univers. Le parti pris d’un Holmes (incarnant la rationalité absolue) mis face au Mythe de Cthulhu (un surnaturel qui échappe à la raison) s’exécute parfaitement. Sans jamais trancher la question du fantastique, Frogwares ne ménage pas son héros et remet en cause l’existence du surnaturel pour  interroger le joueur lui-même sur sa perception des évènements.

Les déguisements sont toujours là, mais ne servent plus que de cosmétiques

La crise de foi de Holmes est d’autant plus tangible qu’elle est mise en scène durant des phases hallucinatoires (aux énigmes un peu hasardeuses) ultra-cohérentes avec les thèmes lovecraftiens adaptés. Frogwares a très à cœur de créer une investigation occulte digne d’un JDR de L'Appel de Cthulhu en y invoquant les décors les plus cultes (un sinistre asile, des marécages de Louisiane, un phare en pleine tempête) et ne lésinant pas sur le macabre et le grotesque.

Enfin, si l’aventure que le studio nous propose est certes un poil trop courte, elle parvient à bâtir de solides bases pour l’avenir de la licence, en ne se fichant jamais du joueur. Les enquêtes sont toujours plaisantes, la narration est soignée, et les thèmes abordés sont matures et intelligents. Ce n’est pas parfait, mais Frogwares a réussi son objectif, malgré tout. Rien n’arrête Sherlock Holmes, ni les Grands Anciens, ni la guerre.

Test effectué sur PC. Sherlock Holmes : The Awakened est disponible sur PC, PS5, PS4, Xbox Series, Switch et Xbox ONE, depuis le 11 avril 2023