Left 4 Dead : avant Back 4 Blood, retour sur ce monument du jeu de zombies

Antoine Desrues | 20 août 2021
Antoine Desrues | 20 août 2021

En attendant sa suite spirituelle Back 4 Blood, le cultissime Left 4 Dead méritait bien qu'on revienne sur sa naissance d'outre-tombe.

Si le très attendu Back 4 Blood assume jusque dans son titre d'être la suite spirituelle de Left 4 Dead, c'est tout simplement parce que les développeurs de Turtle Rock Studios sont les heureux parents de ces deux jeux coopératifs à base de cervelles de zombies à exploser. Mais alors, pourquoi ne pas simplement sortir le tant fantasmé Left 4 Dead 3, plutôt que cette nouvelle franchise à l'inspiration évidente ?

Tout simplement parce qu'entre-temps, le studio s'est retrouvé entre les mains de l'éditeur Valve, dont le fameux moteur Source a été essentiel à la naissance de ce FPS fondateur des années 2000. Cependant, Turtle Rock a fini par retrouver son indépendance, quitte à devoir laisser derrière lui les droits de sa franchise. Mais que s'est-il donc passé ? Et comment les astres se sont (temporairement) alignés pour donner lieu à un tel jeu culte ?

 

photoLa dream team : Bill, Louis, Zoey, Francis

 

Army of the dead

Fondé en 2002 par Michael Booth, Turtle Rock Studios s'est surtout composé de développeurs s'étant rencontrés lors de leur participation au jeu Command and Conquer : Red Alert. Comme tout le monde à cette époque, ils ont été particulièrement impressionnés par Half-Life, mais surtout par le mod le plus populaire que le jeu a engendré : Counter-Strike. Avant même la création de la société, Ashton Chris, l'un de ses six membres originaux, a décidé de devenir designer des textures sur ce projet confrontant terroristes et forces anti-terroristes, et a donc rejoint Valve au moment où l'entreprise de Gabe Newell a racheté le mod pour en faire un jeu à part entière.

Installée pendant un temps dans le garage de Michael Booth, l'équipe de Turtle Rock a donc eu l'opportunité de collaborer sur le second volet du FPS tactique : Counter-Strike : Condition Zero. Au vu de cette réussite sortie en 2004, Valve a continué à confier des projets jeune studio, autant sur le portage Xbox du premier Counter-Strike que sur sa suite Source et Half-Life 2 : Deathmatch. Mais par la suite, Turtle Rock a voulu s'essayer à un tout nouveau jeu, et Valve a immédiatement offert son soutien.

 

photoTacti-cool

 

Mais l'ambition de Booth et ses compères ne s'est pas immédiatement tournée vers les morts-vivants. Cependant, l'équipe a eu très vite l'envie de proposer une expérience multijoueur nouvelle, en obligeant les joueurs à collaborer plutôt qu'à se tirer dessus. Le légendaire Secret of Mana leur ayant servi de référence principale sur ce point, Turtle Rock a envisagé un titre de fantasy avec des magiciens.

Pour autant, afin de tester la viabilité de leur game design, les développeurs ont utilisé Counter-Strike et la polyvalence du moteur Source pour créer un mod, intitulé Terror Strike. Fortement inspirée par le cinéma d'exploitation, cette proposition a repris à son compte les bases de CS, puisqu'il fallait incarner une équipe d'anti-terroristes contrainte de planter un appât à zombies, et survivre à l'immense horde de PNJ (alors armée de couteaux) qu'il déclenchait.

A partir de là, l'histoire s'est écrite très vite. Le prototype de Turtle Rock a été présenté à Chet Faliszek et Erik Wolpaw, deux scénaristes de Valve (auxquels on doit notamment l'incroyable écriture de Portal et de sa suite) qui sont tombés immédiatement amoureux du concept. Dans la même journée, Gabe Newell a entendu parler du jeu, et a proposé à Faliszek et Wolpaw d'aider Turtle Rock dans la production de ce qui deviendra le premier Left 4 Dead.

 

photoUn rêve humide de George Romero

 

Maître mot : coopassion

Encore aujourd'hui, Left 4 Dead et sa suite sont de purs miracles de jeux vidéo, dont l'épure n'a d'égale que leur brillante rejouabilité. Face à l'arrivée prochaine de Back 4 Blood, il est même hallucinant de voir que le second opus, sorti en 2009, possède encore près de 20 000 joueurs connectés en simultané sur Steam (une prouesse pour un jeu vieux de douze ans).

Mais qu'est-ce qui a rendu cette proposition si unique et fondatrice dans l'industrie ? Sans doute une envie d'expérimenter sur le plan psychologique et social à travers le jeu vidéo, à une époque où le multijoueur en ligne se démocratisait au travers de deux extrêmes : le MMORPG, avec sa multitude de personnes connectées à un même serveur, et le versus grandement popularisé par des FPS comme Counter-Strike et Halo 2. Dès lors, Left 4 Dead s'est conçu comme une pure réaction chimique, où divers éléments ont été jetés dans la marmite jusqu'à obtenir un condensé de coopération exigeante mais équilibrée, poussant les joueurs à se serrer les coudes pour espérer survivre.

 

photo"They're coming to get you, Zoey..."

 

Sur ce point, le moteur Source a été d'une aide importante, puisque l'outil révolutionnaire de Valve s'avère particulièrement utile dans la conception de niveaux assez ouverts, donnant l'impression d'une exploration immense même au travers d'une progression assez scriptée. Or, si Chet Faliszek et Erik Wolpaw ont grandement contribué à faire de chaque campagne de Left 4 Dead un hommage malin au cinéma d'horreur et d'exploitation, la conception de ces niveaux thématiques (un aéroport, un hôpital...) a pu rapidement amener les joueurs débutants à se perdre. Autant dire qu'avec une horde d'infectés aux fesses, ce level-design plus sinueux qu'il en a l'air a apporté son lot de panique.

Néanmoins, une fois que les joueurs ont retenu la voie optimale, il fallait bien que le titre se renouvelle. Et c'est là qu'est entré en jeu la réussite principale de Left 4 Dead : "The Director", une intelligence artificielle responsable de la dramaturgie d'une partie. Selon le niveau de réussite des joueurs, c'est elle qui gère le rythme d'apparition des zombies, des armes, des éléments de soin, et surtout des infectés spéciaux, dont les mécaniques d'approche ont été pensées pour éviter que certains survivants ne décident de faire cavalier seul. Si un Smoker vous isole avec sa langue extensible, si un Hunter vous tombe dessus pour vous étriper, ou si vous avez le malheur de réveiller une Witch, vous aurez nécessairement besoin de vos camarades pour vous relever.

 

photoFous ta cagoule

 

En bref, Left 4 Dead a dû beaucoup à la passion de son équipe pour l'intelligence artificielle, et en particulier celle de Michael Booth, qui était déjà un vétéran dans le domaine, capable de s'acharner sur C++ pour donner vie au titre. Lors d'une interview pour GamesRadar, il a expliqué la nécessité de cette ambition :

"Nous voulions que certains éléments arrivent à des moments précis, d'une manière assez proche des méthodes d'écriture traditionnelles autour des expériences dramatiques. Mais nous nous sommes immédiatement confrontés au fait que les joueurs sont malins et qu'ils mémorisent ce genre de choses. Nous venions de la création de Counter-Strike, et nous voulions créer quelque chose de rejouable à l'infini."

Ainsi, derrière la fabrication irréprochable du jeu, Left 4 Dead s'est perfectionné lors de longues phases de test, où Turtle Rock et Valve ont invité dans leurs bureaux des personnes aux horizons sociaux-culturels différents, afin de tester la viabilité de leur game design. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'expérience s'est révélée aussi convaincante que surprenante. Au fil des ans, les témoignages des équipes de Valve ont été nombreux, évoquant avec délice cette équipe de policiers surentraînés finalement boulottés par les morts-vivants, tandis que d'autres se souviennent émus de ces joueurs expérimentés de CS qui ont choisi de soutenir tout le long d'une campagne un père de famille néophyte venu jouer avec son fils.

 

photoValérie Damidot serait fière

 

Nouvelle vague d'infections

En janvier 2008, Valve a donc pris la décision de racheter Turtle Rock Studios peu de temps avant la sortie de Left 4 Dead au mois de novembre. Gabe Newell a même renommé la structure Valve South, et a au passage récupéré certains de ses employés dans la maison-mère. Malheureusement, c'est là que les ennuis ont commencé.

Si Left 4 Dead s'est instantanément imposé comme un succès, Valve a annoncé la sortie de sa suite à peine un an plus tard, au grand désarroi des fans qui ont vite senti que la longévité de leur nouveau jeu de cœur allait être sacrifiée au profit de ce nouvel opus. Cela n'a pas empêché Left 4 Dead 2 de frapper encore plus fort, avec de nouveaux personnages, de nouveaux infectés, de nouvelles campagnes et un contenu vite enrichi par la présence des éléments du premier volet.

Néanmoins, avec ses effectifs réduits et un certain manque de communication avec Valve, l'équipe de Turtle Rock a compris qu'elle n'aurait pas les épaules assez solides pour assurer la production d'un nouveau AAA. A cause de cette gestion discutable de ses ressources, Valve a accepté que la structure retrouve son indépendance en 2010, en lui rendant même son nom et son logo.

 

photoBack 4 Blood sera-t-il le successeur légitime ?

 

Si le fantasme de Left 4 Dead 3 est sans nul doute mort à ce moment-là, Michael Booth et ses protégés ont rapidement songé à bouleverser une nouvelle fois le rapport au multijoueur. Face à une décennie orientée vers le gameplay asymétrique, le studio a commencé à conceptualiser un FPS où une équipe de soldats devrait s'allier contre un autre joueur surpuissant, qui incarnerait pour sa part un immense monstre extraterrestre. Malheureusement, à sa sortie en 2015, cet ambitieux projet, intitulé Evolve, s'est pris une volée de bois vert de la part des joueurs à cause de son équilibrage perfectible, de son manque de contenu et surtout de sa politique de microtransactions, obligeant à repasser souvent à la caisse pour vraiment profiter du jeu.

C'est pourquoi, après un tel échec, Turtle Rock a encore tout à prouver sans le soutien de Valve. Si Back 4 Blood se veut comme un retour aux sources, Left 4 Dead impose encore aujourd'hui son ombre tutélaire sur tout un pan du FPS multijoueur. Après avoir laissé leur franchise phare derrière eux, il reste maintenant à voir si ses papas ont réussi à la refaçonner sous un nouveau nom, tout en retrouvant sa recette magique plus complexe qu'il n'y paraît... Mais les astres ne s'alignent pas si souvent.

Back 4 Blood sera disponible sur PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series X/S, PC et sur le Xbox Game Pass à partir du 12 octobre 2021.

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commentaires
Driss
22/08/2021 à 14:30

Super jeu et excellent papier. Merci

LeRoiBoo
22/08/2021 à 12:08

Il ne faut pas oublier le sympathique World War Z.

captp
22/08/2021 à 09:35

Baser toute sa com sur l4d pour au final s'essuyer les groles sur ce qui à fait l'essence même du jeu et faire moins bien dans absolument tout 12 ans après.
rien ne va sur B4b ... rien.
La bonne nouvelle c'est que la place est toujours à prendre .