Cinéma, censure et subvention : l'étrange interview de Jean-Luc Mélenchon

Jacques-Henry Poucave | 12 avril 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Jacques-Henry Poucave | 12 avril 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Nos camarades de Sofilm ont eu la bonne idée d’aller interviewer le candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon sur son rapport au cinéma. Et le résultat intrigue.

On vous recommande chaudement de lire cet entretien, assez riche, le candidat du Front de Gauche ayant déjà fait montre plus d’une fois de sa maîtrise de la culture aussi bien populaire que classique. C’est donc sans surprise qu’on le découvre capable de citer et de proposer des interprétations précises d’œuvres ou scènes l’ayant marqué, dans Danse avec les Loups, ou Out of Africa (si si). C'est également avec plaisir que l'on découvre un oeil acéré, qui pointe avec pertinence les éléments constitutifs de plusieurs oeuvres fondatrices.

Ce qui titille nettement plus en revanche, c’est le rapport que semble entretenir l’homme politique avec le contenu des œuvres, le rapport qu’il entretient avec la liberté créatrice ainsi que la représentation de certains thèmes.

 

jean-luc melenchon

 

« Le sexe et la violence, autrefois c'était subversif. Maintenant, c'est y échapper qui est subversif. Au Front de gauche, on a beaucoup parlé du financement de la création, du modèle spécifique du cinéma français… Mais on est passé à côté du débat sur les contenus. Ce qui ne veut pas seulement dire la critique du contenu bourgeois réactionnaire d'un film : ce n’est pas le sujet. Le sujet, c'est : Quelles valeurs humaines on met en avant ? Notre devoir n'est pas d'esthétiser pour la millième fois de la cruauté, de la brutalité, sous prétexte de les dénoncer. Nous avons besoin d'apprendre à être doux, à être tendres. »

Tout d’abord, on n’est pas franchement convaincus qu’estimer ce qui relève ou non de la subversion soit dans les attributions (ou les compétences) de Jean-Luc Mélenchon, ensuite, on s’étonne de ce que sous-entend le candidat quant à l’usage des subventions.

 

Photo Eva Mendes

La violence dans toute son inconditionnelle laideur

 

Veut-il dire que le politique doit s’enquérir des messages transmis par les œuvres ? L’idée d’un art d’état, ou d’un art perçu comme « édifiant » (voir le vieux mythe du cinéma éduquant et donnant naissance à un homme nouveau) a des airs de retour en arrière terrible. Sans compter que les commissions du CNC, si elles ne suivent pas en l’état une logique de valeurs à promouvoir au sein des œuvres subventionnées, sont déjà plus ou moins consciemment assujetties à des tropismes esthétiques problématiques (mépris pour le cinéma de genre, bienveillance à l’égard de groupes relativement restreints de cinéastes ou sociétés de productions).

De même, lorsque Jean-Luc Mélenchon est interrogé sur l’action de Promouvoir, association catholique intégriste fondée par des militants d’extrême droite et spécialisée dans la censure d’œuvres cinématographiques, l’homme politique utilise un biais étonnant. L'association avait à l'époque remporté sa première bataille juridique en obtenant que le métrage soit classé X, ce qui lui interdisait de facto une exploitation en salles, et limitait plus que drastiquement sa diffusion en vidéo. Une pétition avait été lancée pour obtenir l'annulation de cette décision.

 

baise-moi-2000-05-g

 

« On m'a demandé de signer la pétition pour que Baise-moi puisse changer de catégorie, j'ai pas signé. J'en avais assez qu'on vienne me tirer par la manche en me disant : « C'est parce que c'est subversif que la censure… » Ce sont des histoires, ça n'avait rien de subversif. Je me fichais complètement de savoir dans quelle catégorie c'était classé. Je ne l'ai même pas vu, je me suis juste fait raconter ce qui se passait. Cela ne m'intéressait pas. Il ne faut pas se réjouir de manger de la chair crue avec les ongles parce que Marx nous enseigne que ce n'est pas la même faim apaisée qu'en mangeant de la viande cuite avec des couverts… »

Ici, l’homme politique ignore (volontairement ?) la problématique de la censure, mais aussi celle des contraintes économiques liées à la classification d’un film. Ce faisant il prend le risque de valider la démarche de Promouvoir à l'égard de Baise-Moi car en choisissant de ne traiter la question que sous l'angle de la subversion, qui devrait ou non légitimer la censure d'une oeuvre, le tribun évacue incroyablement vite la question de la liberté d'expression.

À croire que Jean-Luc Mélenchon a une idée très (trop) précise de ce que doivent accueillir les salles de cinéma.

 

Virginie Despentes

Tout savoir sur Max Pécas

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
dhuriot
13/04/2017 à 16:05

Ce serait honnête que l'entretien date d'il y a un an, non ?...

Julien Sorel
13/04/2017 à 12:28

L'article est orienté et mal écrit, il est dommage qu'aucune question concrète du journaliste soit retranscrite et posée à jlm avec ses réponses: on pense à une interview mais il s'agit de prendre quelques citations très hachées clairement à charge... C'est dommage car en effet le sujet ciné/politique/ censure/ financement est clairement un sujet intéressant mais là, extraire deux réponses de Mélanchon, certes foireuses, sur la violence et sur Baise-moi, n'est ni éclairant, ni approfondi, ni honnête, bref, cet article est un torchon...

Oli L.
13/04/2017 à 12:24

A préciser tout de même que Mr Mélanchon précise à plusieurs reprises : "Là, c'est le littéraire davantage que l'homme politique qui vous parle."
Ne pas tirer des conclusions hâtives. Son propos est bien plus que la politique n'a pas à se mêler du cinéma et de l'Art en général. Là on interroge l'homme sur ses goûts et ses idées et comme toutes personnes de principes défendant une idéologie à lui, il a les siens.

Kennedy
13/04/2017 à 10:33

Cher Ecran Large, ne mettez pas le doigt dans l'engrenage de la news politique, s'il-vous-plaît.
On peut excuser les articles BD et autres trucs qui n'ont pas leur place ici, mais je pense que beaucoup d'entre nous vont sur votre site comme ils vont au cinéma, "pour se changer les idées".
On est parfaitement capables de nous rendre sur un site d'actus politiques, ça prend deux secondes.
Je pense sincèrement que c'est une erreur de rentrer dan ce jeu là.

Charles
13/04/2017 à 07:26

En effet vous faites ce que vous voulez, bel exemple de réponse... Dans mes souvenirs, je ne vous ai pas vu traiter des manifestations du front national contre "chez nous", ni même de la censure ou tentative de censure de certains maires FN du dit film dans leur cinéma... pourtant bel exemple d'actualité politique qui entre en collision av le monde audiovisuel.

Pareil, je ne vous ai jamais vu parler du soutient de Fillon à promouvoir... Donc oui permettez moi de vous dire qu'en effet je vous trouve un poil gonflé de venir dire ça, mais aussi que votre article est très orienté. Car comme le précise hubb, il y a une autre manière d'analyser ces propos, donc un poil de retenu aurait été bienvenue .. (mais apparemment depuis 2/3 jours c'est la mode de taper sur Mélenchon, on va pas vous en vouloir )

Bond
13/04/2017 à 00:22

Et bien moi je trouve l'idée intéressante, je ne vois pas ce qu'il y a d'anormal pour un site qui parle de cinéma d'interroger en pleine campagne présidentielle, les candidats sur leur approche concernant la censure , le financement du cinéma etc....

hub33
12/04/2017 à 22:24

Jacques Henry, tout est dans la première ligne "« Le sexe et la violence, autrefois c'était subversif. Maintenant, c'est y échapper qui est subversif."
si vous n'avez pas compris cette phrase (j'imagine que tu as moins de 30 ans, et encore, je suis large), tu ne peux pas comprendre; et sans doute ne comprendra jamais. Il s'agit d'une pensée qui estime que la 'consommation du sexe et de la violence par écran interposé" a atteint ses limites. à savoir, qu'elle ne se bat pour rien d'autre que ...... du fric à emmagasiner.
La subversion en 2017, c'est cuisiner (au lieu de manger des trucs déjà fait), c'est faire son potager (au lieu de prendre la merde des multinationales de l'agro industrie), c'est de se dire que tout de même Jacques Tourneur (un réalisateur tu connais pas), est mile fois plus épatant que les 200 réalisateurs en circulations, etc etc. Bref tu vis déjà dans Matrix. et Mélanchon, (qui a ses défauts hein), dit juste, que bon ben, il serait temps de se reprendre en main. (je précise que je suis Anarchiste, mais il est vrai que le moins con du lot en ce moment est ce mélanchmachin)

geo84
12/04/2017 à 19:01

les trolls du leader minimo sont pas contents ^^

4lstroM
12/04/2017 à 18:40

Ils font ce qu'ils veulent à la rédac' et si ca vous plaît pas et bien ne venez pas :) c'est simple.
En tout cas moi j aime bien que l on traite du cinéma via les politique car tout est lié ( credit impots, subvebtions...)

La Rédaction - Rédaction
12/04/2017 à 18:33

On fait ce qu'on veut, par exemple traiter de l'actualité politique quand elle touche à l'audiovisuel.

Plus