Festival du Film Britannique de Dinard 2011 - Compte-rendu

Vincent Julé | 17 octobre 2011
Vincent Julé | 17 octobre 2011

Comme l'a dit un festivalier lors de la cérémonie de clôture, le Festival du Film Britannique de Dinard est peut-être le seul festival français où le public et le jury, les spectateurs et les stars se côtoient autant. Lors de cette édition 2011, il a ainsi été possible de chanter avec the ultimate grandaddy, John Hurt, de boire un verre avec l'impressionnante Hayley Atwall ou de parler tatouages avec Thomas Turgoose, le jeune et talentueux acteur de This is England. Dinard, this is england, cinema and music !

De You Instead à Jig en passant par Everywhere and nowhere, la musique était un thème dominant de cette année, et s'est concrétisé pour les festivaliers par une masterclass sur la musique de films animée par Cédric Delelée de Mad Movies, avec une sacrée tablée : les compositeurs Harry Gregson-Williams et Armand Amar, les réalisateurs Shane Meadows, Eric Lartigau, Hugh Hudson, Tony Britten. Tout a été dit ou presque, de la relation compositeur-réalisateur aux fameux temp tracks, en passant par la manière de travailler ou de trouver l'inspiration.

Pour le cinéma et les films, tour d'horizon, pitch et avis des films présentés !

 

 

You Instead, de David Mackenzie (2011)

Adam, grande star américaine et la jeune rockeuse britannique Morello, jouent dans le même festival de rock : T in the Park en Ecosse. Dans des circonstances inattendues, ils se retrouvent menottés l'un à l'autre, et se rendent vite compte que leur seul point commun est leur maîtrise du sarcasme...

Parmi les films aux sujets très lourds de la compétition de cette année, You Instead, le deuxième film de David McKenzie présenté à Dinard, arrive comme une véritable bouffée d'air frais et alcoolisé. Car l'ambiance du festival « T in the Park », où a été tourné le film pendant 4 jours et demi, est véritablement palpable dans Rock n'Love (titre  « français » du film). L'énergie inhérente à un festival de musique traverse la pellicule pour atteindre directement notre corps, nous donnant une irrémédiable envie de bouger. Saupoudrée d'une histoire d'amour si ce n'est originale, franchement attachante, le film ressemble à un excellent cocktail qui donne juste l'ivresse qu'il faut pour être joyeux et que l'on a envie de déguster encore et encore.

 

 

Tyrannosaur, de Paddy Considine (2011)

L'histoire de Joseph, un homme tourmenté par la violence et une colère qui le conduit à l'autodestruction. Alors que la vie de Joseph tombe dans une spirale de troubles, une chance de rédemption apparaît sous la forme d'Hannah, travaillant pour une œuvre de charité chrétienne. Leur relation se développe et il s'avère qu'Hannah cache un secret personnel qui aura un impact dévastateur sur leurs deux vies.

Grand gagnant de ce festival de Dinard, le premier film de Paddy Considine est une vraie claque. Percutant par son sujet traité sans aucune fioriture, le film est le parfait exemple d'un cinéma social anglais sans compromis où l'espoir est éteint pour laisser place à une réalité qui fait mal. Peter Mullan y incarne Joseph, cet homme malheureux et ne sachant traduire son mal-être que par la violence. Il ne se contente pas de jouer son personnage, il est Joseph. Impressionnant, il imprègne la pellicule et sans aucun misérabilisme, parvient à donner corps à une réalité presque banale que l'on aurait tendance à ignorer au quotidien.

 

 

Oranges and sunshine, de Jim Loach (2011)

Margaret Humphreys, une assistante sociale de Nottingham, a mis au grand jour un des plus grands scandales de l'histoire récente: la déportation organisée d'enfants défavorisés du Royaume-Uni. Elle a permis à elle seule de réunir des milliers de familles, d'obliger les autorités à rendre des comptes et d'attirer l'attention du monde entier sur cet affreux dysfonctionnement de la justice. Des enfants d'à peine quatre ans, croyant que leurs parents étaient morts, étaient envoyés dans des orphelinats à l'autre bout du monde, principalement en Australie. On leur avait promis des oranges et du soleil, mais ils ne trouvèrent à l'arrivée qu'une vie de travail forcé dans des institutions.

Film du fils de Ken Loach, Jim Loach et l'on observe que la tendance sociale voire dénonciatrice semble être de famille. Mais contrairement aux films de Loach père (sauf les derniers comme Looking for Eric ou Route Irish), le fils se paye un casting très rôdé et connu du grand public comme Emily Watson, Hugo Weaving ou encore David Wenham. Des acteurs impeccables qui pourtant n'arrivent pas à faire décoller ce film à l'histoire pourtant touchante. Trop de musique empathique et trop de maniérisme dans la mise en scène empêchent l'émotion de circuler sur un sujet pourtant émouvant. Avec un sujet similaire à celui des Magdalene Sisters, le film de Loach n'atteint jamais la grâce et l'âpreté du film de Peter Mullan.

 

 

Lou, de Belinda Chayko (2011)

Aussi rapidement que le père de Lou sort de sa vie, son grand-père, y fait irruption en semant le désordre dans la petite maison que Lou partage avec sa jeune maman et ses deux soeurs. Doyle, le grand-père atteint de la maladie d'Alzheimer, confond Lou avec sa propre femme. En entrant dans son drôle de jeu, Lou croit pouvoir utiliser Doyle contre sa mère. Sans s'y attendre, elle découvre ce que c'est qu'être aimée.

Film perturbant que le Lou de Belinda Chayko. Pourtant le sujet, si tendancieux qu'il peut être, n'est pas la raison du malaise. Encore moins John Hurt qui atteint presque le statut de « papi de tous les papis » avec ce rôle. Non, le malaise vient de la petite fille qui joue Lou, la jeune et très jolie Lily Bell-Tindley. Très jolie ? Peut-être même trop. Ce qui dérange dans le film est la façon dont la jeune fille est filmée : à à peine 11 ans, elle y est hyper-sexualisée créant un véritable trouble chez le spectateur. Ce statut de mini-vamp lui donne également un mauvais rôle dans ce film où la réalisatrice semble presque accuser la jeune fille d'être responsable de l'erreur (due à la maladie) que commet son grand-père. Assez dérangeant.

 

 

L'Irlandais, de John Michael McDonagh

Boyle est un flic flegmatique et solitaire, amateur de Guinness, de poésie et de prostituées à ses heures perdues. En poste dans un village de la côte irlandaise, il passe ses journées à faire respecter la loi... au pub local. Malheureusement pour lui, des trafiquants de drogue ont choisi cette région endormie comme base pour leurs opérations... Le FBI dépêche alors sur place son meilleur expert anti-drogue. Entre le flic bedonnant et raciste, et le super-agent du FBI, noir et inflexible, la coopération va être difficile...

Ce n'est pas une surprise d'apprendre que le frère de John Michael McDonagh n'est autre que Martin McDonagh, réalisateur de Bons baisers de Bruges. En effet, avec L'Irlandais, il veut faire comme lui, comme un grand. A savoir une comédie policière retord avec Brendan Gleeson. L'acteur l'aide d'ailleurs beaucoup avec un grand numéro, mais cela ne suffit pas. Au-delà de son absence d'intrigue et d'enjeu, le film s'enferme trop vite dans un humour systématique et paresseux, où chaque cliché du polar est pris à contre-pied, mais pas trop non plus, il ne faudrait pas surprendre le spectateur.

 

 

 

44 Inch Chest, de Malcolm Venville (2010)

Colin Diamond, un garagiste un peu louche mais sympathique est au fond du gouffre. Liz, son épouse qu'il adore depuis plus de 20 ans, le trompe avec un jeune et beau serveur et lui annonce qu'elle le quitte. Ivre de rage, Colin perd la tête, et la bat violemment. Avec quatre de ses amis, il kidnappe alors Loverboy et le séquestre dans une maison abandonnée. La vie de Loverboy est en sursis: Colin fera t-il ce qu'un homme (comme lui) se doit de faire en abattant son "rival", ou doit-il se montrer magnanime et relâcher son ennemi ?

Ray Winstone, John Hurt, Ian McShane, Tom Wilkinson, Melvil Poupaud... quel casting pour quel film ? Oui, c'est un point d'interrogation et donc une question. En effet, à la fois huit clos, thriller psychologique, exercice de style, théâtre filmé, ce premier long-métrage avance longtemps masqué, sans réel enjeu, avant (ou plutôt à la fin) de révéler que cette absence, cette attente (de Godot ?) est sa nature même. Devant ce verre à moitié vide, autant dire que le spectateur apprécie l'abattage des acteurs, tous parfaits, quitte à être soûlé.

 

 

Jig, de Sue Bourne (2011)

Mars 2010. Le 40e Championnat du monde de danse irlandaise se tient à Glasgow. Trois mille danseurs venant des quatre coins du globe arrivent avec, dans leurs bagages, familles et professeurs. Réunis à Glasgow pendant une semaine d'une intensité dramatique, ils arborent costumes couverts de diamants, perruques et faux bronzage. Le but du jeu ? Gagner un des tant convoités titres mondiaux. Les concurrents le veulent et ont consacré une année entière à réaliser ce rêve.

Avec ce film présenté en clôture, le festival a voulu refaire le coup de Sounds like teen spirit, documentaire sur l'Eurovision Junior de la chanson de 2009 et toujours honteusement inédit en France. A priori aussi peu glamour, la danse irlandaise se prête aussi moins à la mise en scène, car, bon, à part filmer des pieds dansants et sautillants. Sans parler de l'absence de traitement musical et surtout de vrai regard sur ces candidats. A la manière d'un quelconque reportage télévisée, le film table sur les faits, la réalité, et oublie de raconter une histoire, leurs histoires. En salles le 30 novembre.

 

 

Perfect Sense, de David MacKenzie (2011)

Deux personnes tombent amoureuses alors que le monde court à sa perte... En effet, une maladie est en train de se répandre, faisant perdre à la population toutes perceptions sensorielles.

Encore une histoire d'amour sur fond de fin du monde, ou plutôt de fin de l'humanité. Si l'on croit à ce couple, et surtout ses acteurs Ewan McGregor et Eva Green, difficile d'acheter complètement cette épidémie où chaque perte de sens est précédée d'un pique émotionnel : colère, tristesse, fringale... Un parti pris idiot pour un traitement trop sérieux et une sorte de préquelle à Blindness. En salles le 9 novembre.

 

 

Compte-rendu rédigé par Vincent Julé et Perrine Quennesson.

 

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Remerciements à Moonfleet, Jérôme Jouneaux, Matthieu Rey, Cédric Landemaine, Mounia Wissinger et toute l'équipe du festival.

 

 

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