Festival International du Film Policier de Beaune : compte-rendu J1 & J2

Thomas Messias | 10 avril 2010
Thomas Messias | 10 avril 2010

Arriver en Bourgogne, découvrir les vignes, lire mille panneaux indiquant des visites de caves à proximité mais se préparer à passer quelques jours dans des salles obscures, à découvrir les films de la sélection au lieu de profiter de la ville et de ses fameux produits locaux : tel est le sacerdoce du bon festivalier, dont le travail est rendu plus facile par l'apparente qualité du programme de la deuxième édition de ce festival.

 

Le festival s'est ouvert jeudi soir avec la présentation de Petits meurtres à l'anglaise, comédie policière de Jonathan Lynn portée par le trio Bill Nighy - Emily Blunt - Rupert Grint. Le film a allègrement divisé l'audience, critiques comme grand public, en raison de sa propension à jouer aux montagnes russes sur les questions du rythme et de l'humour. Un quart d'heure délicieux pour un quart d'heure d'ennui, tel est grosso modo le programme d'un film néanmoins charmant, qui doit beaucoup à l'interprétation de son excellent trio d'acteurs, en particulier un Bill Nighy repoussant sans cesse les limites du flegme britannique. Dans le même esprit que The matador (autre comédie décalée mettant en scène un tueur professionnel), Petits meurtres à l'anglaise vaut plutôt le détour.

 

La journée du vendredi commençant tôt, il fallait songer à rentrer à l'hôtel dans un état correct afin de s'assurer une nuit de sommeil suffisante. Il fallait en effet être sur pied dès 8h30 afin de découvrir, dans une salle quasiment vide, le nouveau film d'Alexandre Arcady. Le public avait-il boudé Comme les cinq doigts de la main ? Non : il s'agossait simplement d'une projection réservée aux journalistes ayant obtenu des interviews de l'équipe le soir même, pendant la présentation du film au public. Polar familial autour de cinq frères désireux de venger la mort de leur père trente ans auparavant, Comme les cinq doigts de la main lorgne vers le cinéma de James Gray en incorporant une bonne dose de tragédie grecque dans sa base de polar. Mais Alexandre Arcady semble bien fatigué, et la mise en scène souvent téléphonée ne fait que mettre en relief les énormes défauts d'une intrigue extrêmement prévisible, qui se terminera par des scènes d'action vraiment too much. Reste une bande d'acteurs qui, même loin de leur meilleur niveau, livrent des prestations relativement touchantes. À commencer par un Vincent Elbaz vraiment vibrant dans le rôle du vilain petit canard de la fratrie.

 

À peine le temps d'avaler une poignée de biscuits et de passer dans la salle voisine que démarrait la projection de Dans ses yeux, film argentin lauréat de l'Oscar du meilleur film étranger. Incarné par l'excellent Ricardo Darin, le héros du film est un ancien enquêteur qui, tantant de devenir écrivain, décidé d'écrire sur une affaire de viol et de meurtre qui l'avait profondément marqué. L'occasion pour lui de se pencher non seulement sur les rouages de l'affaire, mais également sur sa relation avec une collègue qui lui a toujours plu mais à laquelle il n'a jamais avoué son amour. Brillamment mis en scène, tout à tour tragique et hilarant, Dans ses yeux est un film assez inattendu et forcément charmant, un Memories of murder sud-américain avec les différences d'humour et de traitement que cela laisse supposer. Et s'il peine à conclure dans les temps, le film de Juan José Campanella s'impose comme prévu comme l'un des favoris de la compétition.

 

Après un déjeuner rapide et quelques essais techniques en vue des interviews du soir, direction The killer inside me, le dernier film de Michael Winterbottom. Ou l'adaptation d'un roman de Jim Thompson dans lequelun jeune et gentil shérif parvient de moins en moins bien à masquer ses pulsions violentes et son envie de cogner de jolies jeunes femmes jusqu'à la mort. Transcendé par un Casey Affleck parfait, dont la tête de genre idéal cadre mal (donc bien) avec la personnalité cachée, le film est très loin d'être le ratage annoncé par l'ami Laurent Pécha à Berlin : c'est au contraire le formidable portrait de celui qu'on aimerait décrire comme un taré ou un schizophrène mais qu'il est difficile d'aborder de cette manière tant son comportement semble ordinaire en dehors de ces quelques montées de violence. Un film violent et glaçant, qui a fait glousser d'indignation une partie de la salle et a simplement pétrifié le reste des spectateurs.

 

Après une pause nécessaire (repos des yeux, préparation des questions), passage par la case interviews avec Alexandre Arcady, Patrick Bruel, Matthieu Delarive et Françoise Fabian pour la promotion de Comme les cinq doigts de la main. Tout ce petit monde arrive en retard mais détendu après avoir présenté le film au public de beaune. Sans crier gare, et sans doute grisé par le vin de Bourgogne, Bruel s'installe au piano, chante en hébreu une chanson du film, multiplie les blagues et les digressions, puis redevient immédiatement sérieux lorsqu'il est temps de répondre aux questions sur le film.

 

La séance d'interviews trainera en longueur à cause d'une organisation légèrement défaillante, et je devrai annuler de justesse la dernière projection prévue, celle du mexicain Backyard, pour me rabattre sur la seule chose à faire à Beaune après 22 heures : s'installer en terrasse et manger un morceau avec un verre de Bourgogne ou plus. Rappelons cependant que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé. Il me faut de toute façon être frais en vue de la projection samedi matin de Loin d'Eden, le film franco-israélien de Danny Lerner, porté par une Olga Kurylenko  que je rencontrerai en début d'après-midi. Il y a des week-ends qui commencent plus mal...

 

 

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