Après la crise à Hollywood, les tensions montent en Corée du Sud contre Netflix

Eden David-McCrann | 8 août 2023 - MAJ : 08/08/2023 19:01
Eden David-McCrann | 8 août 2023 - MAJ : 08/08/2023 19:01

En Corée du Sud, la tentation pour les syndicats d'acteurs de suivre l'exemple hollywoodien et de se mettre en grève face à Netflix grandit.

La double crise hollywoodienne continue, et n'est pas près de s'arrêter. Le 9 août marquera en effet le centième jour de protestation de la WGA (le syndicat des scénaristes). Ainsi, elle dépassera officiellement la durée de la précédente grève, celle de 2008, qui s'est arrêtée au bout de 99 jours. De nouvelles négociations menées au début du mois d'août n'ont pas abouti, et les tensions ont même mené à la syndicalisation des artistes en effets spéciaux de Marvel. 

Pour rappel, l'une des principales revendications des grévistes, c'est la garantie de royalties pour les films et séries diffusés sur les services de streaming. En effet, Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney + payent les créateurs de contenu en une fois, après la signature de leurs contrats, mais ne leur versent pas de revenus supplémentaires, même si le projet sur lequel ils ont travaillé connaît un immense succès. C'est un nouveau modèle économique totalement en défaveur des artistes. Et si les acteurs et scénaristes américains ont décidé de s'y opposer, c'est une situation qui pose aussi problème dans d'autres pays. 

 

Kingdom : photo, Ryu Seung-ryongNetflixDom

 

game over

Song Chang-gon, acteur et président actuel du syndicat des acteurs coréens (KBAU), est particulièrement préoccupé par la question. Dans une interview accordée au Los Angeles Times, il a révélé que Netflix évitait activement ses appels et ses demandes de renégociations des contrats :

« L'une de leurs priorités quand ils s'insèrent dans un marché local, ce devrait être d'établir un moyen de communiquer avec des groupes comme nous. Mais il n'y a aucune réponse de leur part [...] Le principal problème, c'est que les gros budgets de Netflix ne sont pas partagés à parts égales : la majorité de l'argent revient aux acteurs-stars et à certains scénaristes célèbres. Pour la majorité des acteurs secondaires, les salaires ont stagné ou baissé drastiquement [...]

Les tournages d'originaux Netflix sont bien plus intenses en matière de travail, surtout pour des films fantastiques, de zombies ou de monstres. On attend des acteurs qu'ils reviennent encore et encore pour filmer un seul épisode, sans recevoir de compensation supplémentaire [...]  Il y a assurément des points de convergence entre nous et la SAG-AFTRA. Ce serait utile que des organisations similaires de par le monde travaillent ensemble et développent un sens de solidarité. Je pense que c'est important. »

 

Black Knight : photoBlack Knight on the picket line

 

C'est forcément une question particulièrement épineuse en Corée du Sud, car c'est là qu'ont été produits certains des plus gros succès de Netflix. Squid Game demeure en effet la série la plus regardée de tous les temps sur la plateforme. L'entreprise américaine ne s'en cache pas, car elle a récemment annoncé qu'elle investirait 2,5 milliards supplémentaire en Corée du Sud dans les années à venir.

Pourtant, dans un bref communiqué transmis au Los Angeles Times, Netflix a réaffirmé que les services de streaming n'étaient pas tenus de payer de royalties [traduction du terme anglais "residuals", NDLR] à ses artistes, comme doivent le faire les télédiffuseurs. De plus, l'entreprise n'est pas légalement considérée comme un employeur dans le pays, et n'a donc pas d'obligation de négocier avec les syndicats. Une combine légale, mais qui reste assez douteuse. Song Chang-gon a conclu en affirmant qu'il envisageait de se rendre à Los Angeles pour rencontrer la SAG-AFTRA. 

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commentaires
Grey Gargoyle
01/10/2023 à 00:03

@GTB
"Beaucoup de mots pour au final confirmer ce que je dis [...] Leur non-sens est manifeste. [...]il faut savoir être honnête, le succès d'un film est parfois beaucoup l’œuvre du marketing que du scénariste."

Heureusement que je n'ai pas lu ça avant.

Condescendant et imbu de lui-même! (°_°)

Dire que j'ai perdu mon temps à lui répondre...

Je me demande comment vous faites pour les attirer ainsi vers vos articles. Ça m'inquiète pour mon cas personnel. Suis-je aussi infect quand je laisse un commentaire ? :'-(

Bon courage

GTB
14/08/2023 à 13:31

@Grey Gargoyle > Beaucoup de mots pour au final confirmer ce que je dis. La partie la plus parlante étant celle où vous évoquez que les conséquences négatives en cas d'échecs (répétés) se ressentent sur la carrière ensuite. Admettons cette façon d'aborder la chose...alors il en va de même en cas de succès. Enchaîner les projets à succès boost la carrière en terme de proposition et de rémunération. Pourquoi donc, faut-il y ajouté une part des recettes en plus ? Toujours ce principe de non équivalence où l'échec se paie sur la carrière seulement, mais le succès se paie sur la carrière + les recettes.

Je ne vais pas m'attarder sur les justifications livrées pour cette non réciprocité des risques et bénéfices. Leur non-sens est manifeste. Un acteur prend un risque en prenant du temps sur un projet (temps qui est rémunéré quoiqu'il arrive) alors que ceux qui paient la production, eux, perdent bien plus concrètement jusqu'à ce que le film passe la barre de la rentabilité. A quel moment le risque est équivalent entre celui qui travaille et est payé pour, et ceuli qui paie en espérant un retour sur investissement du projet ? Sans parler du fait que si l'acteur prend un risque en donnant du temps à un projet, il en va de même pour les studios qui finance un projet plutôt qu'un autre, prenant le risque de faire confiance au travail d'une équipe.

Quant à la valeur apporté par le scénariste, les acteurs, les équipes...il faut savoir être honnête, le succès d'un film est parfois beaucoup l’œuvre du marketing que du scénariste. Si, comme moi, on considère le travail des équipes comme essentielles et parfois la véritable raisons d'un succès, il faut de manière équivalente et sans mauvaise foi admettre que parfois ça n'est absolument pas le cas, voire que ce sont leurs erreurs qui amènent l'échec.

C'est bien le rôle des studios et producteurs de prendre un certain risque. On est d'accord. Une prise de risque ça se paie. Elle est bien plus importante pour les studios que pour les équipes. Ce qui se reflète dans la part des recettes.

Qu'on me comprenne bien. Je souhaite que les équipes travaillent dans des conditions un minimum décentes, que leur travail soit respecté et rémunéré à sa juste valeur; qu'une part des recettes soit versé à hauteur de la valeur apporté ayant joué sur ce succès....mais justement il faut que ça soit cohérent avec la valeur apportée et le lien avec ledit succès. Est-ce que Jurassic Word Dominion a dépassé le milliard grâce au travail des scénaristes? M'est avis que la raison de ce succès se trouve ailleurs.

Grey Gargoyle
09/08/2023 à 16:45

@GTB
Pour rebondir sur votre commentaire, vous avez présenté le couple risque/rentabilité en prenant le point de vue du financier du film. C'est effectivement sous cet angle que cela peut être vu.
En fait, il suffit de vous mettre dans la peau du scénariste ou de l'acteur pour analyser les choses de son point de vue.
Quelle valeur ajoutée son travail a-t-il dégagée ? Reste-t-il propriétaire des biens immatériels résultant de son travail ? Quelles conséquences pour lui en cas d'insuccès pour la suite de sa carrière ? Quels risques financiers a-t-il pris en s'investissant en terme de temps pendant plus de 6 mois de sa vie sur tel projet plutôt qu'un autre ?
Pour une actrice, a-t-elle atteint les objectifs qu'elle s'était fixée avant la quarantaine parce qu'après cela, sa carrière peut prendre une autre tournure ?
Quels impacts auront sa réputation et sa notoriété sur sa capacité de négociation ?
Vous indiquez qu'un groupe de sociétés peut avoir misé sur le mauvais cheval et que cela se traduira par des pertes comptables qui peuvent diminuer ses fonds propres et en parallèle dégrader sa trésorerie. C'est indéniable. Cependant, c'est précisément la qualité du travail des scénaristes et des acteurs qui peut diminuer la probabilité d'un risque de perte (ainsi que le travail du réalisateur, bien sûr). La valeur d'un bien immatériel culturel est directement corrélée à son originalité et à sa créativité. En conséquence, il semble assez logique que celles et ceux ayant participé à la création de valeur demandent une compensation.
En ce qui concerne le partage des pertes, je ferai la comparaison avec le financement bancaire d'une entreprise. Le banquier participe au financement tout en sachant qu'il peut y laisser des plumes s'il échoue et que l'entreprise devienne insolvable. De même, si le scénariste ou l'acteur échouent souvent, leurs carrières vont se terminer rapidement. Il est donc logique, en cas de succès, qu'ils estiment que c'est en partie grâce à leur travail que le film est profitable.
Cette approche risque/rentabilité ne me semble pas incohérente.
Bien cordialement

johnnnnnnnnnnnnboyega
09/08/2023 à 06:01

j'suis complètement d'accord avec toi GTB, c'est déjà arrivé qu'un acteur répartissent son salaire avec toute l'équipe du film ? je connais personne qui a fait ça moi je sais pas si t'as des exemples

GTB
09/08/2023 à 03:36

Si je comprends bien l'envie (et surtout le besoin) de vivre correctement de son boulot, ça ne suffit pas à être cohérent lorsque les exigences ne tournent qu'autour du partage des recettes mais pas les pertes.

Peut-on m'expliquer pourquoi ça semble si normal qu'il faille partager les recettes en cas de succès, mais que les studios se démerdent en cas d'échec. Si les équipes qui œuvrent peuvent être la source de la valeur et du succès d'une œuvre, ils peuvent aussi être la source d'un ratage. Acceptent-ils dans ce cas de ne pas être payé, voire de rembourser ?
Autant je trouve légitime de se battre pour que son métier puisse être exercé dans des conditions décentes, qu'il soit rémunéré comme il se doit, qu'il soit surtout respecté...autant le côté "on veut notre part en cas de succès, mais on ne veut pas les risques en cas de pertes" sonne pas très vertueux.
Depuis 2ans nombre de films chers se plantent royalement, entraînant des pertes de dizaines, de centaines de millions. Et ça c'est que pour la gueule des studios par contre.

Faudrait avoir le détail des chiffres, mais à mon avis globalement dans l'hallucinante prolifération audiovisuelles actuelles, plus ça va, plus les recettes de la plupart des productions ne sont pas dingues je pense (voire dans le négatif) et quelques cas rares, eux, rapportent un max.
Soderberg avait l'air de dire que si les studios et plateformes ne dévoilent pas les données précises et détaillées, c'est soit parce qu'elles gagnent beaucoup plus qu'on ne le pense...soit qu'elles gagnent beaucoup moins qu'on ne le pense. Et on met cette idée en lien avec le fait de faire du nettoyage dans les catalogues...ce qui veut dire que c'est financièrement plus avantageux de les dégager. Je pense que beaucoup plus de production qu'on ne le pense sont pas/peu/modérément rentables.

Sinon SAG-AFTRA pourraient aussi œuvrer pour éviter des disparités gargantuesques de revenus. Genre une cotisation qui permette un soutien global de la profession. Parce qu'il est bien gentil Dawyne Johnson avec son don d'1 million; mais il le prend son chèque de 50 millions pour un film quand il sait le reste de l'équipe en galère. On ne peut pas vraiment dire qu'il y ait un mouvement des stars pour un système plus homogène. Combien d'acteurs ont demandé à ce que leur salaire et intéressements soit reparti pour l'équipe ?

Grey Gargoyle
09/08/2023 à 00:33

Bonjour,
très intéressant.
Merci beaucoup pour ces informations
Bien cordialement

Mandrill
08/08/2023 à 17:34

Alice in Borderland c'est japonais !

Tamago
08/08/2023 à 14:25

Euh...sympa la photo d'Alice in Borderland, une série japonaise, pour illustrer un article sur la Corée...

Cinégood
08/08/2023 à 14:02

En France, un accord a été signé (et négocié âpremant) entre la SACD et Netflix dès 2014. Les auteurs n'ont pas été lésé et c'est une bonne nouvelle. La SACD est l'organisme qui représente les auteurs et leur reverse leurs droits. Ce n'est pas un syndicat.

@Depardiou
Une gréve des acteurs en France ?
Le monde des comédiens se divise en deux catégories : la plus grande (98%) qui galèrent et font d'autres jobs pour boucler les fins de mois, la plus petite (2%) qui prennent 200 000 €/jour pour tourner la série "Qui rie sort" (C'est un exemple, mais vous avez compris l'idée)
Les premiers ne peuvent pas se permettre de faire grève (et ça aurait peu d'impact), les seconds n'ont aucune raison de la faire. Pas contre, ils vous donneront avec plaisir des leçons de morale et de solidarité. ;-)

Depardiou
08/08/2023 à 13:48

Rassurez-vous, ce ne sera pas le cas en France, les acteurs étant trop occupés à signer des lettres ouvertes ou à toucher des subventions publiques. On aura encore droit à nos Tuches 5 !

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