Marvel : la version d'Ant-Man-salopard qu'on ne verra jamais dans le MCU

Puisqu'Ant-Man et la Guêpe : Quantumania est bientôt en salles, on revient sur ce comics où Hank Pym devient un homme violent et absolument pas héroïque, et que Marvel Studios n’adaptera jamais.

Ant-Man va avoir droit à son troisième volet avec Scott Lang (Paul Rudd) et Hope Van Dyne (Evangeline Lilly) comme héros principaux. Pourtant, dans les comics, Hank Pym/Ant-Man (Michael Douglas dans le MCU) et Janet Van Dyne/La Guêpe (Michelle Pfeiffer dans les films) sont des personnages fondateurs de l'univers Marvel. Surtout, les deux partagent une histoire bien trop noire pour qu'on la voie dans une production du studio-usine.

Janet Van Dyne et Hank Pym forment un couple super-héroïque majeur de la série Avengers démarrée en 1963 par Stan Lee et Jack Kirby. Mais dans Avengers #213 de 1981, scénarisé par Jim Shooter et illustré par Bob Hall, Pym se voit coller une étiquette qu’il ne pourra plus jamais retirer : celle d’avoir battu sa femme.

La violence conjugale est trop courante dans les comics, et n'a que rarement des conséquences pour les coupables. L'intrigue développée dans ce numéro d'Avengers, et ceux qui suivent, va briser ce paradigme pour une histoire plus réaliste que jamais.

La fin d'un héros

un homme qui se sent petit

Depuis sa création au début des années '60, Hank Pym est écrit comme un rat de laboratoire, à l’inverse de Janet Van Dyne. C’est une femme sociale, courageuse et réputée auprès des Avengers comme du public de l’univers Marvel. Contrairement à beaucoup de super-héros, elle ne cache pas sa réelle identité, ce qui fait d’elle une célébrité harcelée par les journalistes. En plus de ça, c'est une créatrice de mode reconnue – elle change de costumes très souvent –, ce qui lui permet d’amasser une belle fortune. Plus tard, elle va militer pour plus de super-héroïnes parmi les Avengers.

Devant la réussite de sa femme, Pym souffre de la comparaison, lui qui est déjà instable mentalement. Son complexe d’infériorité n'est pas aidé par un groupe de héros composé d'un super-soldat héros de guerre, d'un dieu nordique beau gosse et d'un génie en armure. Tout ça le pousse à revoir sa formule de rétrécissement. À l'avenir, il peut aussi se faire grandir, gonflant au passage son ego (et sans avoir eu besoin de cliquer sur une étrange pub en ligne).

Le nom Avengers, c'est elle !

Pour illustrer ses troubles psychologiques, il n’y a qu’à regarder ses nombreuses identités (Ant-Man, Yellowjacket, Giant-Man et Goliath) qui accompagnent généralement une remise en question de sa part ou un désir de changement. Pire encore, il fait sa demande en mariage à Van Dyne alors qu’il est en pleine crise schizophrénique sous le nom de Yellowjacket, un état où il se sent plus confiant et arrogant. La Guêpe se sent contrainte d'accepter sa proposition.

Au rang des exploits super-héroïques de Hank Pym, on retient surtout de lui la création du pire ennemi des Avengers, Ultron (dont Tony Stark récupérera la paternité dans le MCU). Mis à l’écart par le groupe de surhumains, il ne fait même plus partie de l’équipe régulière, alors que la Guêpe y est toujours. De toute façon, Hank Pym n'aime pas vraiment être un justicier, c'est avant tout un scientifique.

Un couple avec des bases saines

de héros à minable

Tout ce passif conduit Hank Pym à enchaîner les fautes jusqu’à être condamné à passer en cour martiale devant les Avengers (pour l'homicide involontaire d'une femme ayant perdu le contrôle de ses pouvoirs). Avant le procès, Pym s’enferme dans son laboratoire pour concevoir un robot destiné à attaquer les Avengers. La machine est pensée pour n'être arrêtable que par Yellowjacket. Ainsi, le héros déchu croit redorer son blason avec ce plan hautement débile. Cependant, Janet Van Dyne le découvre épuisé après des jours sans sommeil à travailler. En lui ordonnant de le laisser en paix, Hank Pym l'attaque physiquement et verbalement.

Durant le jugement de son mari, la Guêpe va révéler son coquard à Captain America, Thor, Iron Man et Tigra. Dans le même temps, le robot de Pym débarque et c’est Van Dyne qui parvient, ironiquement, à le stopper. Complètement anéanti mentalement, Yellowjacket s’enfuit pour finalement être arrêté et emprisonné plus tard.

Le début de la fin

Ce qui rend cette scène particulièrement choquante repose sur plusieurs détails. Déjà, Janet Van Dyne se présente en nuisette, et non pas en tenue de super-héroïne, à un Hank Pym en costume de Yellowjacket. Cette différence vestimentaire vient accentuer la position d'abus de faiblesse de Pym. L’image est d’autant plus poignante que, même si les super-héros se mettent souvent sur la tronche, ils en tirent peu souvent des séquelles visuelles. Or là, la Guêpe a l'œil tuméfié par le coup.

À jamais, l'ombre de ce drame va suivre les deux personnages. Hank Pym est jugé par les Avengers dans un nouveau procès pour le meurtre de la magicienne. Sa relation brisée avec Janet Van Dyne ne fait qu'aggraver son cas, sa dépression et ses pulsions autodestructrices. Il est finalement renvoyé des Avengers. En 1998, dans Avengers Forever, son état troublé en tant que Yellowjacket revient le temps de cette série. Même, dans les années 2010, il sera encore fait mention de son geste violent aux détours de quelques dialogues.

Même au fond du trou, Hank creuse encore

la femme dans le frigo

Pourtant, rien de tout ça n’aurait dû arriver, à peu de choses près. L’auteur du comics, Jim Shooter, s'est exprimé sur le sujet en 2011 sur son site personnel dans un article titré Hank Pym n'était pas un homme battant sa femme :

« Dans cette histoire, il y a une scène dans laquelle Hank est censé avoir accidentellement frappé Jan en levant la main de désespoir et de frustration – faisant une sorte de geste façon "éloigne-toi de moi" sans la regarder. Bob Hall, à qui John Buscema avait appris à toujours aller vers l'action la plus extrême, a transformé ça en point de non-retour ! Il n'y avait pas le temps de le faire redessiner, ce qui, jusqu'à ce jour, a fait connaître l'histoire tragique de Hank Pym comme celle de l'histoire de "celui qui bat sa femme". »

Même si la gifle de Hank Pym aurait dû être une maladresse, cela n'excuse en rien l'acte. Fort heureusement, les années ont gardé en mémoire ce comics pour en faire un élément important de la relation entre la Guêpe et Ant-Man.

Dans l'univers alternatif Ultimates, la scène est encore plus cruelle

Car Pym est un cas presque unique de héros ayant payé pour la violence conjugale qu'il a exercée sur sa femme. L'atteinte à l'intégrité physique des héroïnes des planches de BD américaines sert régulièrement aux développements des personnages masculins. L'auteure de comics Gail Simone (Wonder Woman, Deadpool, Batgirl) a appelé cette facilité scénaristique "la femme dans le frigo". Le nom vient de Green Lantern #54 de 1994 où le héros découvre sa petite amie Alexandra DeWitt assassinée et placée dans le réfrigérateur.

L'un des exemples les plus cités de ce phénomène d'écriture est le cas de Gwen Stacy tué par le Bouffon Vert (scène adaptée dans The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un héros) ou Barbara Gordon rendue paraplégique par le Joker dans Batman : The Killing Joke.

Mais on peut en mentionner d'autres, plus similaires à la situation de la Guêpe. Mary Jane enceinte est frappée par un Peter Parker fou de rage dans la Saga du Clone de 1994 – l'une des pires histoires sur le personnage, et donc très vite oubliée. Susan Storm et ses enfants ont régulièrement connu la violence psychologique et physique de Mr Fantastique, des faits là aussi largement passés sous silence.

Ni la première ni la dernière

Ainsi, la différence avec la Guêpe est que le geste impardonnable qu'elle a subi par son mari n'a pas été effacé par le temps. Bien au contraire, il a participé à refaçonner les deux personnages, notamment Hank Pym. Avengers #213 a donc franchi un cap inédit dans l'histoire des comics. Désormais, même le statut de super-héros ne protège plus les hommes violents.

Cet acte vient déboulonner les icônes Marvel de leurs piédestaux pour les ramener à la réalité. Ainsi que l'a voulu Stan Lee, les dieux modernes de la Maison des Idées sont écrits comme des êtres extraordinaires aux problèmes tout à fait humains. Un développement bien éloigné des versions aseptisées du MCU de Janet Van Dyne et de Hank Pym. De leurs équivalents comics, il ne reste que la personnalité, et encore.