Armageddon Time est un flop mais James Gray s'en fout (un peu)

François Verstraete | 23 décembre 2022 - MAJ : 23/12/2022 18:46
François Verstraete | 23 décembre 2022 - MAJ : 23/12/2022 18:46

James Gray se fiche un peu de l'échec d'Armageddon Time et s'inquiète plutôt de la dictature du box-office au sein de l'industrie cinématographique.

Chaque semaine, la presse et le monde du cinéma attendent fébrilement les résultats du box-office, tels des amateurs de sport, avides de connaître les dernières performances de leur équipe favorite. Ces chiffres sont devenus tellement importants que le succès ou l’échec du film en salles prévaut parfois sur ses qualités. L’Histoire risque-t-elle de se souvenir des recettes et de la rentabilité (ou non) d’Avatar 2 : La Voie de l’eau, plutôt que du film lui-même ?

Ce terrible constat frappe encore plus violemment le cinéma hors blockbuster, avec notamment les revers essuyés par quelques grands réalisateurs ces dernières années (Steven Spielberg, Guillermo del Toro, George Miller, ou encore Ridley Scott). James Gray appartient à ce groupe d’artistes. Même si la profession et la critique ont souligné son importance, le réalisateur de The Yards et The Lost City of Z connaît flop sur flop, à l’image d’Ad Astra. Et l’excellent Armageddon Time n’a pas fait mieux.

 

Armageddon Time : photo, Michael Banks Repeta, Anne Hathaway"Tu t'es encore planté au box-office"

 

Un triste constat

Cependant, les piètres recettes d’Armageddon Time ne semblent pas affecter James Gray plus que ça, à en croire son récent entretien auprès de GQ. Le réalisateur confirme que son dernier film n’a pas été un succès (budget de 15 millions, à peine 6 millions au box-office) :

« Commercialement, Armageddon Time a été un échec. Mais comme tous les autres films en ce moment. Je vais préciser, car je sais que ce n’est pas exact. Black Panther : Wakanda Forever n’a pas été un échec. Mais dans la période actuelle, tous les films indépendants et hors franchise fonctionnent mal et sont, d’une certaine manière, tous sur un pied d’égalité. »

 

Armageddon Time : photo, Michael Banks RepetaLe désespoir, mais ensemble

 

Certes, James Gray oublie des exceptions comme le phénomène Terrifier 2 ou l’incroyable Everything Everywhere All at Once, mais c’est pour prendre un peu de recul et hauteur sur ces chiffres :

« Mais vous savez, en tant que cinéphile, que l’échec d’un film au box-office n’a aucun impact sur le regard porté sur un film dans le temps. Je suis un cinéphile et je n’ai aucune idée des recettes au box-office d’Orange Mecanique par exemple. J’essaie donc de me détacher de cette obsession pour le box-office. Parce que je ne peux rien y faire. »

On est là pour ça : en 1972, Orange mécanique a encaissé plus de 114 millions au box-office, pour un budget d'environ 1,3 million. De rien.

 

 

Armageddon Time : photo"Nous, on s'en fout du box-office"

 

Des auteurs à la peine

Avec ces propos, James Gray se range du côté de Martin Scorsese, qui regrette lui aussi l’importance presque morbide des chiffres du box-office. Le cinéaste expliquait en octobre 2022 au New York Film Festival : 

"Depuis les années 80, on se concentre sur les chiffres. C'est assez répugnant. Le coût d'un film est une chose. Savoir qu'un film coûte un certain montant, qu'ils attendent au moins de récupérer leur argent. L'emphase maintenant est sur les nombres, le coût, le week-end du démarrage, combien ça a fait aux Etats-Unis, combien ça a fait en Angleterre, combien ça a fait en Asie, combien ça a fait dans le monde. En tant que réalisateur, et en tant que personne qui ne peut imaginer la vie sans cinéma, je trouve toujours ça insultant".

James Gray dresse un tableau clairvoyant et un poil amer de l’industrie cinématographique actuelle. Car il n’est pas le seul auteur d’envergure à avoir essuyé un lourd revers au box-office récemment. Ridley Scott avec Le Dernier Duel (30 millions de dollars au box-office, pour 100 millions de budget), George Miller avec Trois mille ans à t’attendre (8,7 millions au box-office, 60 millions de budget), Guillermo del Toro avec Nightmare Alley (à peine 40 millions au box-office, 60 millions de budget) et Steven Spielberg avec West Side Story (62 millions pour 100 millions de budget) ont subi également la dure loi de ce satané box-office.

 

Armageddon Time : photo, Michael Banks Repeta, Anthony Hopkins"Ne t'inquiète pas, un jour ils comprendront"

 

Pire encore pour Steven Spielberg : son dernier film, The Fabelmans, n'a pas bien démarré aux Etats-Unis (pour l’instant 8 millions de recettes sur le territoire domestique, avec une stratégie de sortie limitée classique). Il sort le 22 février 2023 en France.

Alors pourquoi parler à notre tour de ce box-office si répugnant ? Parce qu'il dicte le marché et les carrières de bien des artistes, qu'on le veuille ou non. Et qu'il permet de rappeler au public qu'il a une voix importante dans l'affaire, avec son ticket de cinéma.

Tout savoir sur Armageddon Time

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commentaires
Geoffrey Crété - Rédaction
24/12/2022 à 15:51

@Isac654

On en avait effectivement parlé dans des articles sur The Northman et Resident Evil, mais à chaque fois, ça reste la même chose : aucun chiffre, pas de données précises et-ou complètes, donc beaucoup de flou. C'était le cas sur The Northman, où une productrice disait juste que ça avait été rentable, sans donner de précision ; et sur Resident Evil, je crois que c'est seulement un acteur qui a rapporté la vague parole du studio, affirmant que c'était ok.

On trouve parfois des données sur des sites spécialisés, notamment pour le territoire USA, mais ça ne permet jamais de véritablement répondre à cette question. D'autant plus que ça se joue sur la durée, et plus le temps passe, moins ces chiffres sont des sujets (les studios n'en parlent quasiment jamais, le public s'y intéresse souvent moins après la sortie ciné, et les médias en parlent peu). Ajoutons aussi à cela les nombreux débats (qui amènent parfois à des procès sur les pourcentages qui doivent revenir aux artistes, sur les recettes) sur la rentabilité réelle d'un film... de quoi se dire que ce sujet est bel et bien un peu caché, pour arranger les choses.

Lorsqu'on fait un bilan box-office, on se contente donc de dire que la carrière du film n'est pas finie, et que ça peut booster les chiffres.

Isac654
24/12/2022 à 15:43

Une question pour Écran Large ! Est ce que les locations de films par les plate-formes mondiales telles (Netflix, Prime Vidéo) ou locales (Canal+ et OCS en France) sans compter la VOD permettent aux producteurs de retrouver leurs billes et par conséquent au film d'être rentable ? Supposons qu'Armaggeddon Time soit louée sans arrêt par Canal+ en France, Sky en Angleterre voir Netflix et Prime Vidéo. Ne pourrait il pas être rentable à un moment donné ? Sans compter la VOD qui semble avoir sauvé The Northman ou Résident Evil Raccoon City... Évidemment si le film a perdu une centaine de millions de dollars là ça me semble mort!

Hocine
24/12/2022 à 15:13

C’est un débat intéressant, complexe et probablement sans fin.
L’idée ne serait pas de mépriser tel type de films, dans le fond ou dans la forme: cela n’aiderait en rien à la compréhension et à l’appréhension de l’industrie du cinéma aujourd’hui, de ses mécanismes et de ses rouages. Il est évident que les investisseurs et autres partenaires financiers ont pour objectif de maximiser leurs profits: nous n’allons pas remettre en cause ce principe élémentaire dans une économie de marché. Néanmoins, ce principe, aussi légitime soit-il, ne suffit pas à justifier la diversité de plus en plus réduite des types de films, à Hollywood notamment.
Auparavant, les profits des blockbusters permettaient justement aux majors de mettre en chantiers des projets moins commerciaux sur le papier mais artistiquement plus ambitieux: cela ne les empêchait pas de réaliser des bénéfices pour autant. De plus, posséder des films artistiques dans leurs catalogues était non négligeable dans le prestige des studios. De même, beaucoup de réalisateurs fonctionnaient ainsi: un film pour eux et un film pour les studios. Ce qui leur permettait de préserver leur indépendance artistique et de satisfaire leurs partenaires financiers.
Maintenant, les questions à se poser, sont les suivantes: pour quels types de films, le public est toujours prêt à se déplacer en masse ? Quel est l’intérêt réel des patrons des studios et des investisseurs pour le cinéma et son histoire ?
Lorsqu’on apprend qu’un David Zaslav pointait du doigt le dernier film d’Eastwood, pour expliquer les malheurs de la Warner, on a un début de réponse qui n’est pas à l’avantage des réalisateurs, hélas.
Les blockbusters sont nécessaires dans l’économie du cinéma, certes.
En contrepartie, cela devrait normalement permettre à des David Lynch, Brian De Palma, John Carpenter, Oliver Stone, Francis Ford Coppola, Michael Mann, Martin Scorsese, Abel Ferrara, James Gray et autres réalisateurs singuliers, d’être en mesure de travailler à Hollywood, sans se trouver dans des situations précaires. Aujourd’hui, force est constater que nous sommes loin de ça. On a plus l’impression qu’on est dans la logique selon laquelle chaque centime investi dans un film, doit être rentable à tout prix. Voici sans doute la raison pour laquelle on assiste à une Marvelisation du paysage hollywoodien.

SmogAlt
24/12/2022 à 14:33

Énième film nombrilisme et donneur de leçon sur le privilège blanc.
Flop mérite. Qui a envie voir tout ses réalisateurs blancs vouloir nous raconter une partie de leur jeunesse ?
Et ça faisait longtemps que j'avais pas vu un personnage principal aussi insupportable.

LeRoiBoo
24/12/2022 à 12:55

Et si tout simplement les gens vont voir les films qu'ils aiment et s'en foutent du box office.
Je suis pas fan de Gray, Ad Astra était chiant, vide et scientifiquement n'importe quoi.

Peut être les gens ont fini d'avoir envie de voir des films qui parlent de souvenir des USA dans les années [insérer l'année] Ils veulent autre chose.

Quand Spielberg se ramasse, c'est pas réellement lui , mais un film qui est finalement "peu utile", parce qu'il ne parle pas a beaucoup de monde contrairement à ce qu'il faisait avant.
Et avec l’avènement des séries à gros budget, tu ne peux pas te permettre d'être aussi manichéen qu'avant. De faire des méchants et gentil et s'arrête ensuite.

Eddie Felson
24/12/2022 à 11:04

@Terryzir +1000
@Akmack
« Et si on laissait Avatar à part? »
Avant d’avoir vu le 2 j’aurais dit oui là non car désolé, j’ai beau aimé voir adoré Cameron et ses films, sa mise en scène ect mais quand autant de talent se met au service d’une coquille vide - un scénario indigent et inexistant - je pense au contraire que ce film est l’exemple type de ce qui caractérise les maux de ce qui fonctionne aujourd’hui en salle, des FX fabuleux en veux tu en voilà et au service d’une histoire écrite sur le coin de la nappe du restaurant! Le ciné comme parc d’attraction, j’en ai ma dose dans le sens où il n’y a quasiment plus que cela, de plus en plus et les rares qui s’aventurent à proposer autre chose sont au mieux accueillis par une indifférence polie voir con.descendante du grand public qui finit par ne plus savoir apprécier un autre type de cinéma & qui n’essaye même plus d’ailleurs! Triste époque

ZakmacK
24/12/2022 à 09:22

@terryzir et si on laissait avatar en dehors de ça ? C’est un film vraiment à part dans le sens qu’effectivement c’est un grand spectacle. Par contre c’est aussi un film d’auteur (le réalisateur en a écrit le scénario) avec un discours que l’on peut trouver simpliste mais qui est réel au niveau de l’écologie. Et enfin il y a en prime le côté technologique au niveau de la 3d et des effets spéciaux.

Après j’aime beaucoup les films de james Gray aussi, hein.

Terryzir
24/12/2022 à 03:33

James Gray a eu un succès d'estime au milieu des années 2000 avec We Own The Night et Two Lovers. Mais ça, c'était avant l'arrivée torrentielle de la malbouffe (en paraphrasant @Eddie Felson) qui a gangréné tout le secteur depuis (Marvel & Co).

Le public est responsable de cet état de fait, faut arrêter de le dédouaner.

Avant, on avait un cinéma pour adulte, si ce n'était pour cinéphile averti. On prenait la dernière mouture d'un Scorsese, d'un Mann ou d'un Malick très au sérieux. Aujourd'hui, c'est fini : tout est fait pour capter la marmaille en masse. Inculte et peu regardante sur la qualité de ce qui lui est projeté, elle est facilement divertie / bernée par la technique (cache-misère du fond) et se rue dans les salles comme s'il s'agissait du dernier parc d'attractions ou jeu vidéo à la mode.

Avatar est actuellement l'exemple type de ce médiocre produit d'appel très chatoyant qui n'a plus rien à voir avec le cinéma. Cette coquille vide aura beau avoir l'incontestable succès planétaire qu'on lui promet, elle n'arrivera jamais à la cheville du pire navet de James Gray (The Immigrant ?).
Une oeuvre culte se fiche de la tendance, elle n'a pas besoin de rencontrer le public de son temps pour marquer son époque. Et ça se vérifie dans tous les autres domaines artistiques. Pourvu que le cinéma préserve ses lettres de noblesse le plus longtemps possible...

Faurefrc
23/12/2022 à 21:24

Quelques films ayant connu un sévère echec au box office sont devenus cultes. Je pense à Blade Runner ou Fight Club par exemple.
En revanche de bons films ignorés par le public et tombés dans l’oubli, la liste commence à être longue.
Bref, ça va commencer à être compliqué pour Gray de monter ces futurs projets. N’est pas Scott ou Fincher qui veut

Maxime
23/12/2022 à 21:16

J’adore James Gray mais je comprends pas ses propos je veux dire que aucun de ses films n’a été un succès j’adore ses films vraiment mais il ne devrait pu être surpris des échecs de ses films au box office à moins que secrètement il rêve d’avoir un succès public ?

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