Unicorn Wars, Hunt, La Piedad... les meilleurs films vus à L'Etrange Festival 2022

Mathieu Jaborska | 20 octobre 2022 - MAJ : 20/10/2022 15:00
Mathieu Jaborska | 20 octobre 2022 - MAJ : 20/10/2022 15:00

Cette année, la programmation contemporaine de l'Étrange Festival proposait des curiosités en tous genres, dont certaines viendront éclabousser les salles et les bacs de DVD dans les mois à venir.

La saison des festivals bat son plein, pour le plus grand bonheur et la plus grande fatigue de la rédaction d'Ecran Large. Pas question, dans tous les cas, de rater l'Étrange Festival, qui s'est tenu du 6 au 18 septembre 2022 au Forum des images. Comme d'habitude, la programmation étant tentaculaire, nous avons dû faire une sélection. Cette édition proposait une fois de plus des cartes blanches passionnantes, une compétition de court-métrage, plusieurs rétrospectives de qualité (Fleur Pâle dans la salle 500 du Forum, une belle expérience), ainsi que toutes sortes de festivités cinématographiques.

Faute de temps et de capacité de démultiplication, on se contentera donc d'évoquer la programmation de longs-métrages contemporaine, c'est-à-dire la compétition et les séances hors compétition. Plusieurs de ces films se faufileront plus tard en France, parfois en salles, souvent en vidéo. Entre grosses productions coréennes, films à récompenses et étrangetés remarquées, on fait le point.

 

Unicorn Wars : photoTout va bien se passer...

 

Huiles de palme

Ne comptez pas sur nous pour nous livrer à une célébration exaltée des grands gagnants de cette édition : sur les 12 films présentés en compétition cette année, 11 ont été vus par l'auteur de ces lignes... Et c'est évidemment le douzième qui a remporté le Prix du public. On n'a donc rien à dire de La Fuite du capitaine Volkonogov, sauf notre bon vieux Alexandre Janowiak qui l'avait vu à Venise en 2021. Voici ce qu'il en disait à l'époque dans un tweet : "Une puissante fresque sur le système soviétique, jonglant habilement entre une noirceur épouvantable, un humour grinçant et une dose de poésie bienvenue"Autant dire que ça a l'air tout à fait mérité comme prix.

En revanche, concernant le lauréat du grand prix Nouveau Genre Canal+, le norvégo-suédois Sick of Myself, l'auteur de ces lignes considère que c'est le pire ramassis de cynisme réac' et autosatisfait vu dans le cadre du festival et donc fort logiquement le moins bon des films de la sélection, qui ferait passer le cinéma de Ruben Östlund pour un sommet d'humanisme lyrique.

En parlant du loup, on en voit le bout de la palme. Impossible de ne pas le signaler : Sans filtre était projeté en avant-première. Votre serviteur n'étant pas un immense fan de The Square (comme vous l'avez sans doute deviné), il a passé son tour et vous redirige vers la critique enthousiaste de la Palme d'or de son estimé collègue (Alexandre encore lui). Pour les amateurs de misanthropie nordique (le premier étant clairement inspiré du deuxième), Sans Filtre vient de terminer son exploitation, tandis que Sick of Myself polluera nos écrans le 12 avril prochain.

 

Sick of Myself : photo, Andrea Bræin Hovig, Kristine Kujath ThorpOn vit vraiment dans une société

 

Trêve de bougonneries. L'autre grande attente cannoise présentée hors compétition était largement à la hauteur et restera peut-être le moment le plus fort de cette éditionLa Femme de Tchaïkovski transcende complètement son postulat de biopic un peu rance, pour croquer à travers le point de vue féminin les zones d'ombre de l'Histoire, des Grands Hommes et du récit idéalisé et consensuel que la bonne société putrescente projette sur leur vie. La complexité du personnage aliéné campé par l'excellente Alyona Mikhailova et la virtuosité de la mise en scène de Kirill Serebrennikov se chargent de rendre ça digeste, et même parfois déchirant. Pitié, que ses films continuent à être projetés à l'Étrange Festival !

Passons sur L'Origine du mal. Non pas que le film soit indigne d'intérêt, au contraire. Mais il a déjà fait le bonheur des spectateurs français, presque 100 000 à l'heure où nous écrivons ces lignes. Si vous en avez encore l'occasion, ne loupez pas ce jeu de dupes chabrolien en diable et diablement sournois en prime. Autre film cannois, Hunt n'avait pas bénéficié de la même réputation. Pourtant, malgré sa longue durée, il explore les limites de l'engagement politique avec une virulence rare et un suspens assez efficace, notamment lors d'un climax plein à craquer de retournements de situation. Mais il n'était pas le seul à représenter la Corée du Sud cette année.

 

헌트 : Photo Lee Jung-jaeAvec plein de gens qui se regardent mal

 

Délices coréens

Les organisateurs de l'évènement plaisantaient eux-mêmes à ce sujet : la programmation de cette édition donnait la part très belle au cinéma coréen, sous toutes ses formes, sous toutes ses coutures, et avec tous ses excès. Outre Hunt, les cérémonies d'ouverture et de clôture ont ouvert, puis fermé les hostilités, avec deux divertissements populaires destinés à démolir le box-office localThe Roundup et Alienoid.

Le premier, fausse suite de The Outlaws (dans le sens où il n'est pas nécessaire de l'avoir vu), est une pure comédie d'action ultra-efficace et franchement violente, dont on louerait les accents reaganiens absurdes si le film était sorti aux États-Unis. L'armoire à glace Dong-seok Ma est toujours aussi irrésistible en distributeur automatique de bourre-pifs, d'autant que les séquences de baston sont très bien torchées. Un petit bonbon à déguster bientôt chez Metropolitan, comme Spiritwalker, qui gâche beaucoup trop vite son ambitieux concept pour qu'on s'y attarde outre mesure.

 

The Roundup : photo, Dong-seok MaEt un troisième film est déjà prévu

 

Le second est un blockbuster numérique boursoufflé de plus de 2h20 au pitch trépané du bulbe (une faille temporelle et un robot extraterrestre relient un conflit entre moines dotés de super-pouvoirs au XIVe siècle et invasion alien au XXIe siècle). Rigolo quand il étale sans vergogne ses anachronismes, parfois divertissant, mais le plus souvent assommant, il risque de difficilement passer la frontière, surtout que son cliffhanger insolent n'a pas manqué de s'attirer les moqueries de la salle.

Au rayon des trips sombres et violents, on était également servis avec Hot Blooded, polar se déroulant quasi essentiellement dans les bas fonds du port de Busan. La tambouille habituelle, techniquement très aboutie, narrativement captivante, mais oubliée instantanément à la sortie de projection. On n'oubliera cependant pas aussi facilement le complètement con Project Wolf Hunting, vendu comme un film d'action en huis clos, mais en vérité authentique slasher décérébré, qui noie ses nombreux défauts sous des hectolitres de sang et des dizaines de minutes de cabotinage, piochant autant dans Predator (oui) que dans le méga-bis HK. Dommage que ça dure aussi longtemps, par contre.

 

Project Wolf Hunting : photoDu sang sur les murs, de l'eau dans le cerveau

 

Pluie de pépites

Évacuons aussi les déceptions comme Life for sale, qui pâtit d'un problème de rythme et de montage assez handicapant, de même que les OVNIS bancals comme La Tour, le nouveau film de Guillaume Nicloux, qui s'est fait pas mal saquer dans la foulée de sa projection alors qu'il faut lui reconnaître une radicalité étouffante assez inédite. Dommage que le reste soit aussi... téléguidé. Reste une flopée de curiosités dont les programmateurs du festival ont le secret, parfois promises à une sortie chez nous.

C'est le cas du fameux Unicorn Wars, présenté en marge d'une rétrospective consacrée à son éminent réalisateur, Alberto Vázquez, et attendu dans nos salles le 28 décembre. L'hybridation gaillarde de Full Metal Jacket et de My Little Pony donnait envie, mais risquait de s'en tenir à sa satire gore bourrin et multicolore. Que nenni : au cours d'un épilogue passionnant, le cinéaste parvient à approfondir son discours et justifier ses partis pris. Un final à la hauteur de la qualité de l'animation, bluffante.

 

Unicorn Wars : photoCe n’était pas leur guerre...

 

Niveau divertissement efficace, chacun dans leur genre, Dual et Attachment faisaient le café. Le premier, porté par Karen Gillan et un Aaron Paul très amusant, parvient à compenser son statut de film-concept malin avec un humour pince-sans-rire, voire carrément à froid qui fonctionne plutôt bien. Le second parvient à compenser son statut de film de trouille générique sur le folklore juif avec des touches de comédie et surtout un sous-texte sur la vie de couple plus sombre que prévu. Deux bonnes surprises.

Enfin, il y a les inclassables qui, cette année, s'alignaient sur une mode du cinéma fantastique et indépendant américain : le minimalisme. Un minimalisme qui finit par desservir les néanmoins intéressants Family Dinner (une première partie passionnante, un climax très décevant) et We Might as well be dead (relecture de I.G.H un peu trop timide), mais qui donne son sel à L'Etrange histoire du coupeur de bois, déambulation neigeuse poétique qui envoie valser toute structure narrative pour se consacrer à une sorte de surréalisme discret, laquelle rebutera les allergiques aux films qui prennent leur temps, mais bercera agréablement les autres.

 

Metsurin tarina : Photo Jarkko LahtiCoup de boule

 

Peut-être encore plus apte à diviser ses spectateurs, La Piedad a pourtant largement convaincu une partie du public. Il faut dire que son réalisateur Eduardo Casanova, ex-acteur de sitcom passé derrière la caméra, a été accueilli comme une rock-star lors de la présentation pour le moins mémorable (ceux qui étaient présents confirmeront) de son long-métrage. Et il faut avouer que son style à la fois outrancier (le montage parallèle avec la Corée du Nord, il fallait oser) et simplissime (les décors) ne nous a pas laissés indifférents. Et c'est bien pour ça qu'on vient chaque année.

Tout savoir sur La Femme de Tchaïkovski

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