Netflix se plante royalement en Inde face à Disney+ et Amazon

Clément Costa | 27 janvier 2022
Clément Costa | 27 janvier 2022

Leader incontesté du streaming, Netflix se plante totalement en Inde. Pour le plus grand bonheur de Disney+ et Amazon Prime Video.

Dans le monde entier, la guerre du streaming fait rage. Les grandes plateformes se battent pour s'installer partout, le pus vite possible. Premier arrivé et donc leader évident, Netflix reste la référence sur le marché. Cependant, la concurrence est rude : HBO Max prêt à conquérir l’Europe, Amazon Prime Video déjà confortablement installé et même Disney+ vise de nouveaux marchés.

Dans tous les cas, Netflix reste encore le leader avec ses 222 millions d’abonnés dans le monde. Juste devant les plus de 200 millions d'abonnés d'Amazon Prime Video certes, et bien loin devant Disney+ (118 millions) ou HBO Max (75 millions).

 

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Mais il y a tout de même une ombre au tableau. Si on regarde de plus près, le géant Netflix s'est planté dans un territoire clé : l'Inde. On parle beaucoup de la Chine, marché lucratif et complexe, mais l'Inde pèse aussi très lourd. Avec ses 1,38 milliard d’habitants, le deuxième pays le plus peuplé au monde est une mine d’or pour la production audiovisuelle.

En 2019, le box-office indien annuel (toutes industries régionales cumulées) s’élevait à 2,5 milliards de dollars, et ce malgré une très mauvaise moyenne de salle par habitant. Pour la comparaison, on compte environ 10 000 écrans en Inde contre plus de 80 000 écrans en Chine. Un marché en pleine explosion, une culture cinéphile bien marquée et trop peu de salles pour satisfaire le public : la bataille semblait gagnée d’avance pour Netflix.

 

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DES CHIFFRES QUI NE PARDONNENT PAS

Lors de son arrivée sur le sol indien en 2018, Netflix voit les choses en grand. D’entrée de jeu, le géant du streaming clame haut et fort qu’il vise pas moins de 100 millions d’abonnés dans le pays. En janvier 2022, les chiffres oscillent entre 5 et 6 millions. Pas besoin de calcul savant pour comprendre qu’on est très loin du compte.

Et le chiffre passe encore plus difficilement si l’on fait la comparaison avec ses deux concurrents majeurs. On compte pas moins de 22 millions d’abonnés chez Prime Video et le grand gagnant est sans le moindre doute Disney+, pourtant arrivé en Inde avec deux ans de retard sur Netflix, avec ses 46 millions d’abonnés. Le succès grandissant de ces deux concurrents prouve bien une chose : l’Inde est un marché de rêve pour les plateformes de streaming. Mais encore faut-il avoir la bonne stratégie de conquête.

 

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LA STRATÉGIE DE L’ÉCHEC

Toute première production originale Netflix en Inde, Le Seigneur de Bombay était le démarrage parfait. Non seulement la série a été un triomphe critique, mais aussi une véritable sensation pop culture dans le pays. Il ne restait plus qu’à transformer l’essai.

Mais mis à part de rares réussites (Delhi Crimes, Bulbbul, Dans La Nuit Solitaire), Netflix va surtout enchaîner les ratés avec des projets originaux bâclés (Mrs Serial Killer, La Vengeance du Professeur, Vetâla). Le plus frappant sera son incapacité à allier succès critique et grand public, ce qui offre des œuvres à la portée souvent très limitée.

Et quand la plateforme tente de racheter des films prévus pour la salle, elle se retrouve avec des brouillons inachevés comme l’immonde Drive de Tarun Mansukhani, même pas digne d’un mauvais DTV. Difficile d’être crédible quand on passe pour le bac à recyclage des gros studios.

 

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Amazon Prime Video produit à peu près autant de projets originaux que Netflix sauf qu'il y a une différence. Prime a défini son public cible : les cinéphiles et le public des grandes villes. Made In Heaven, Breathe et Paatal Lok étaient taillés sur mesure pour ce public-là. Même les plus gros succès populaires comme Mirzapur et The Family Man restent adressés à un public exigeant. Côté rachats de films prévus pour la salle, Prime a frappé très fort avec deux des films bollywoodiens les mieux reçus de l’année passée : Sardar Udham et Shershaah.

Mais Prime Video a également beaucoup investi hors Bollywood. Des succès colossaux comme KGF – Chapter 1 ou Jai Bhim ont attiré le public du sud de l’Inde qui ne parle pas hindi et ne regarde pas de productions bollywoodiennes. Une stratégie qui traduit une meilleure compréhension du marché national : Bollywood représente 40-50 % de recettes annuelles en moyenne, il est donc crucial de viser d’autres industries régionales pour attirer l’ensemble du pays.

 

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De son côté, Disney+ est arrivé avec une stratégie totalement différente. Le catalogue Disney est loin d’avoir en Inde l’attrait qu’il a chez nous. La firme aux grandes oreilles s’est donc alliée à Star India pour créer une plateforme réservée au pays : Disney+ Hotstar. L’avantage ? Un très grand catalogue de productions télévisuelles locales déjà taillées sur mesure pour le grand public et les familles. Pas étonnant donc que Disney+ Hotstar produise beaucoup moins de contenus originaux que ses deux autres concurrents.

Mieux encore, la plateforme a obtenu les droits de diffusion de l’Indian Premier League de cricket, le sport national. On comprend mieux pourquoi les abonnements ont si vite grimpé en flèche.

 

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VIVRE OU SURVIVRE

Pour se donner une chance de survivre à ces premières années d’échec cuisant, Netflix va tenter une toute nouvelle approche en 2022. Le prix mensuel d’un abonnement basique passe ainsi de 499 roupies par mois (5,91) à 199 roupies (2,36). L’abonnement réservé uniquement aux tablettes et téléphones baisse lui aussi, passant de 199 roupies à 149 roupies (1,76).

Des prix cassés qui tombent pile au moment où la concurrence se sent suffisamment en sécurité pour augmenter ses tarifs. En effet, Amazon Prime Video a annoncé en décembre que son abonnement annuel de 999 roupies (11,82) passait à 1499 roupies (17,74).

 

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Pour faire face, Netflix ne fait pas que baisser les prix. La firme dépense sans compter pour racheter les films repoussés à cause de la pandémie. Elle prévoit également des séries événements à gros budget. Notons cependant une récente grosse désillusion avec l’annulation cette semaine d’une série spin-off des blockbusters Baahubali qui était vendue comme le « Game Of Thrones indien ». Rien que ça. Netflix Inde avait déjà investi près de 20 millions de dollars sur ce projet abandonné.

Une chose est certaine, cette bataille va forcément pousser les plateformes à se surpasser. Le grand gagnant de l’histoire sera certainement le public, qui aura l’embarras du choix dans les mois à venir.

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commentaires
Clément Costa - Rédaction
27/01/2022 à 22:48

@Kouak : Déjà, très joli jeu de mot, c'est validé !

Plus sérieusement, le marché indien est effectivement bien plus "conservateur" que le notre. Par exemple, il est extrêmement rare de voir plus d'un ou deux films Hollywoodiens dans le top 10 box-office annuel en Inde (déjà quand il y en a un c'est qu'il a marché de façon hors norme...ou que l'année indienne a été très pauvre).

Contrairement au marché français qui a besoin de séries Netflix événement qu'importe l'origine (Squid Game, La Casa de Papel, The Witcher et autres), le public veut des productions locales avant tout. Ne reste plus qu'à trouver la bonne formule.

GTB
27/01/2022 à 19:58

@zetagundam > Alors, non...et pour 2 raisons. La première étant que Netflix est loin de balancer que de la daube. Ce genre d'affirmation à la "Netflix = daube" ne démontre rien d'autre qu'une méconnaissance de la plateforme. Une affirmation aussi bête et vide de sens que "le cinéma c'est pourri" sous prétexte que sur les milliers de films qui sortent par an l'écrasante majorité sont bien loin du chef-d’œuvre.
La deuxième raison est justement le propos de l'article : l'inde est un marché différent. Et c'est pas nouveau, tu peux avoir le meilleur produit du monde, si tu ne connais pas, ne maîtrise pas ton marché, tu vas dans le mur. Le cas Netflix en Inde n'est qu'un exemple de plus parmi de nombreux autres.

Et troisième raison en bonus, puisque c'est l'évidence même: l'intelligence n'a strictement aucun rapport avec les goûts artistiques, culinaires etc...

zetagundam
27/01/2022 à 16:42

Les Indiens seraient t'ils plus intelligents que le reste du monde en refusant de bouffer la m.erde que netflix fournit à longueur d'années et qui semblent satisfaire la majorité ?

Kouak
27/01/2022 à 14:05

Bonjour,
Héééééé oui ! Suffit pas de faire du "local" pour plaire aux "locaux"...
Mais soyons cléments mister Costa (Désolé fallait que je la fasse ) car combien de séries françaises, sur la "multitude" présente, avons-nous réellement regardé ?
Je dois bien avouer, pour ma part, que je ne me jette pas sur les réalisations dites "nationales"...

Par contre des découvertes comme Baahubali , Ghoul, Aranyak ou encore le seigneur de Bombay, moi, je suis preneur... Et friand...
Même si pour le seigneur de Bombay, j'ai un peu accusé le coup au début...(Je n'y comprenais rien! ) Mais il est vrai que l'on se fait vite prendre au jeu... ;-)

Bref ! Le tout est de savoir si l'Inde est "conservatrice" dans les productions séries / cinoche ou si, bien au contraire, elle s'ouvrirait volontiers à autre chose...
C'est un pari risqué...