Pour bien commencer 2022, épargnez-vous Mort à 2021 sur Netflix

Mathieu Lapon | 8 janvier 2022
Mathieu Lapon | 8 janvier 2022

Après Mort à 2020, le deuxième faux documentaire satirique Mort à 2021 est tombé sur Netflix. Une bonne intention dont on se serait finalement bien passé.

On espérait des années 2020 un peu plus de rayonnement que la décennie précédente. Malheureusement pour nous, les feux d'Amazonie, la pandémie de Covid-19, les polémiques sanitaires, les incidents de Black Lives Matter, le cirque de la présidentielle américaine et la crise militaire afghane nous ont d'emblée infligé un joli doigt d'honneur, et secoué l'actualité pendant deux années bien chargées en péripéties.

C'est là que Netflix se sent obligé de venir à notre rescousse, pauvres hères tristounets que nous sommes, pour nous redonner la banane avec ses faux documentaires satiriques Mort à 2020 et Mort à 2021. Une intention qui paraît plus que bienvenue, car on aurait bien besoin de trouver un peu d'amusement dans tous ces drames... mais il y a l'intention et l'exécution. À l'occasion de la récente diffusion de Mort à 2021, retour sur ces deux "mockumentaires".

 

 

On dit "mockumentaire" ("moquerie" + "documentaire"), mais, concrètement, quelle forme tout cela prend ? Alternant entre images télévisuelles réelles et interviews de personnages fictionnels commentant ces actualités, on est dans le mi-documentaire mi-fiction qui sent bon la comédie sociale. Les personnages sont tous des clichés.

De la "pro-vax" un peu cruche et angoissée par tout à la caricature de milliardaire qui se fout grassement des discours de la COP26, tous les sujets sont balayés et tout le monde en prend plein la poire, quelle que soit sa position sur la Covid-19, son vaccin, les déclarations du gouvernement républicain, la remontada des démocrates, les émeutes de BLM et l'assaut sur le Capitole (oui, ça se dit "rétrospective mondiale", mais c'est très américano-centré).

 

Mort à 2020 : photo, Leslie JonesMême le "hater" en a pour sa haine

 

Le bon et le mauvais rire

On se dit que voir une antivax hystérique être empêtrée dans ses contradictions et un influenceur aux allures de hipster se la jouer engagé sur les réseaux sociaux aurait de quoi nous soutirer un rire. Et Mort à 2021 y parvient, mais pas vraiment de la façon qu'on espérait. Là où on croyait rire aux éclats sous des élans de déchéance intellectuelle, on souffle des rires nerveux, et trop souvent parce que la blague est éculée et pas assumée à 200%.

Le concept nous vendait une comédie américaine qui, dans sa plus grande tradition, n'a pas peur de faire des tâches. Ici, c'est à peine si on daigne dire un truc un peu stupide en fin de phrase, pour finir sur un regard en coin benêt à la caméra. La pauvre Lucy Liu ne joue rien de rien dans son rôle de journaliste ; la comédie autour du personnage de médecin de Samson Kayo consiste à le voir s'agacer autour d'un musicien qui joue un air hors champ qui convient à la gravité de ses propos (on vous avait dit que c'était éculé) sur la pandémie. 

 

Mort à 2020 : photo, Diane MorganLa tête qu'on tire devant Mort à 2021

 

Le pire étant quand un historien conservateur (Hugh Grant) passe de son habituelle psychorigidité puritaine ("La royauté britannique est incritiquable", "James doit rester un homme blanc", vous voyez le genre de réflexions) à des comparaisons complètement ubuesques - mais très sérieuses - entre la politique militaire de Joe Biden en Afghanistan... et l'Empire de Star Wars. Ça sort comme ça, de nulle part. On n'a même plus l'impression de suivre le même personnage tant ça part en nawak sur dix secondes.

Alors voilà, il reste bien l'hystéro-antivaxo-républicano-raciste (Cristin Milioti) sous bracelet électronique qui tire des têtes à faire pâlir le Joker, ou l'influenceur aux remarques à 45 de QI sur l'écologie (Joe Keery) pour nous faire souffler du nez, mais c'est à peu près tout et ça tourne très vite en rond (alors que ça ne dure qu'une heure). Et après ces trop légères fulgurances, on en revient aux compilations de one man show gênant, qui donnent envie de se planter les pouces dans les orbites.

 

Mort à 2021 : photo, Cristin MiliotiUne lumière de bêtise dans le néant

 

Vous l'aurez compris, le mockumentaire passe à côté de la franche rigolade à cause d'un humour assez pauvre, qui donne presque la sensation que les multiples scénaristes derrière le projet se sont contentés de piocher au pifomètre des mèmes récents sur Internet, puis de les écrire sur un bout de papier toilette qu'ils ont nonchalamment refilé aux acteurs. Entre la pesanteur des images télévisuelles et cette transition comique qui ne fait que trop rarement mouche, c'est limite si on ne finit pas plus dépressif qu'au lancement du visionnage.

La mention spéciale "à deux doigts d'appuyer sur la détente" revient à la cruche pro-vax (Diane Morgan) qui tient un discours sur le confinement qui bifurque à 180 degrés de l'aura du récit, en expliquant avec un regard mélancolique - et sans rien pour désamorcer la chose - que le contact humain, aussi puéril peut-il être parfois, lui manque. Pour l'humour, on repassera.

 

Mort à 2021 : photo, Diane Morgan Ce moment gênant où le film oublie qu'il est une comédie

 

Pire que Mort à 2020 ?

Oui et non. Oui, parce que Mort à 2021 s'est amputé de l'un des excellents points positifs de son prédécesseur : Samuel L. Jackson. Le célébrissime acteur, qui campe dans Mort à 2020 un reporter sans filtre, avait un sens de la réplique jubilatoire. Entre ironie et désinvolture, le personnage était une machine à produire de la verve ("Avoir le choix entre Biden et Sanders, c’est comme être coincé dans la sélection de personnages d’un Tekken gériatrique").

Quand on le voit apparaître à l'écran, on avait tout simplement plus envie des autres (et surtout pas de Tracey Ullman en Reine Elizabeth, qui est cantonnée à avoir les lèvres pincées, un air hautain et pour seul gag de tirer une tête d'ahurie en consultant l'Instagram de sa belle-fille). On aurait aimé que les deux films soient du niveau de cette prestation, et pas celle de Lisa Kudrow, contrainte de jouer une élue républicaine qui répète ses baratins comme un droïde, soit le gimmick qui marche une fois, deux fois, puis qui provoque un sursaut subit de narcolepsie.

 

Mort à 2020 : photo, Samuel L. JacksonUn regard qui veut tout dire

 

Et non, ce n'est pas tellement pire que Mort à 2020, dans la mesure où cette prestation, aussi bonne soit-elle, n'est pas le fruit d'un effort de transformisme pour Jackson, qui n'a fait que tacler tout et rien comme il sait si bien le faire sur les talk-shows américains. En constatant cela, c'est limite si on se demande quel est l'intérêt de la partie fictionnelle de l'œuvre, qui ne parvient pas à zigzaguer d'une comédie à l'autre sans procurer des frissons désagréables dans le dos.

Quitte à vous infliger des théories du complot du vaccin 5G, des politiques négationnistes et des informateurs TikTok, le tout sur fond d'hystérie américaine à 140 décibels, autant vous lâcher sur une fiction comique bien ancrée dans son délire : Don't Look Up. C'est plus acerbe, plus festif, plus mouvant. Et comme c'est aussi sur Netflix, c'est à quelques clics de Mort à 2021, qui vous semblera bien gentillet et maladroit, en comparaison.

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commentaires
Laurent SFN
14/01/2022 à 13:24

Un peu déçu. On prend la même recette que 2020 mais ça sent le réchauffé et le concept commence à tomber dans l'auto-caricature.

evaman10
10/01/2022 à 12:32

J'avais beaucoup aimé la cuvée 2020. Il me tarde de voir la 2021 (oui j'ai un peu de retard)

Storm is Coming
09/01/2022 à 17:53

pendant que les gens sont hypnotisés par la petite Boîteboite noire, ils regardent pas le Ciel,
2022 sera encore meilleur que 2021

Adam
08/01/2022 à 17:51

Erf..Je suis bon public. J’ai adoré 2020 et 2021 que j’ai regardé les soirs du réveillon sans famille pour cause de Covid.
même si effectivement Jackson me manque les autres personnages restent extra.
Mais je reconnais que dans le genre dont look up est plus poilant

Andarioch1
08/01/2022 à 16:17

Salut,

pas forcement d'accord avec la critique. Perso j'ai trouvé ça raisonnablement drôle. Rien de fou, hein! Mais un côté jeu de massacre plaisant qui défoule. Après c'est vrai que c'est très américain pour américain, et qu'au lieu de parodier à partir des évènements de l'année le mockumentaire s'attache surtout à ce qui a fait les gros titres aux states (Megan et Harry, c'est pas de l'actu). C'est là son point fort finalement, de montrer qu'au milieu des horreurs, des scandales et des catastrophes l'info qui buzze c'est finalement la couleur ou le sexe du prochain Bond.