Hong-Kong : La censure chinoise menace ce joyau du cinéma mondial

Raphaël Iggui | 25 août 2021 - MAJ : 25/08/2021 14:41
Raphaël Iggui | 25 août 2021 - MAJ : 25/08/2021 14:41

Le gouvernement chinois est sur le point de faire passer un projet de loi afin d'élargir et de durcir la censure autour du cinéma.

Lorsque la rétrocession de Hong-Kong à la Chine par le Royaume-Uni fut officialisée en 1997, une bonne partie des réalisateurs les plus talentueux de l'archipel avait déjà fui vers les contrées hollywoodiennes : John WooRingo LamDante LamTsui Hark...En effet, la perspective de voir l'ex-colonie britannique retomber dans l'escarcelle chinoise, donc sous le joug du Parti Communiste Chinois, poussa cette génération à s'expatrier pour anticiper la censure et autres entraves à la liberté artistique

Le territoire de Hong-Kong devint alors semi-autonome par rapport à la Chine et le PCC s'engaga à maintenir le mode de vie Hong-Kongais... pour une durée de 50 ans. Néanmoins, Pékin exerce déjà un contrôle direct et indirect fort sur la situation politique Hong-Kongaise, encore renforcé depuis les mouvements de contestation de 2019. Le prochain projet de loi de censure visant le cinéma va dans ce sens dans ce sens.

 

photo, Chow Yun-FatCinéastes Hong-Kongais protégeant leurs bébés

 

Ce mardi 24 août, un projet de loi, visant à élargir les pouvoirs du Comité de censure au nom de la sécurité nationale, a été dévoilé avant son examen par le Conseil législatif, le Legco, soit l'équivalent du parlement pour Hong-Kong. Selon le South China Morning Post, le ministre du commerce Hong-Kongais, Edward Yau Tang aurait introduit ces nouvelles mesures en ces termes : 

"Cette fois, les amendements sont clairs et concis. Le but est de consolider nos fondements légaux en ce qui concerne le domaine de la censure afin d'anticiper les actes qui iraient à l'encontre de la sécurité nationale [...] Derrière les amendements conférant au premier secrétaire le pouvoir de révoquer les autorisations d'exploitation délivrées antérieurement à certains films, il y a des chances que des films déjà sortis soient interdits d'écrans."

 

photo, Wu BaiLe comité de censure à l'oeuvre

 

La loi présentée dans ce projet aura donc une valeur rétroactive, s'appliquant à des cas de figure antérieure à sa mise en application. Un domaine de mise en application qui risque d'être relativement vaste puisque qu'une notion aussi floue que la "sécurité nationale" n'a pas de périmètre d'application juridique défini. Un tel projet de loi offrirait au gouvernement Hong-Kongais, un droit de vie et de mort artistique sur de nombreuses oeuvres. Les films censurés ne pourront d'ailleurs pas faire appel ou contester les décions du Comité de censure

Pour de nombreux observateurs, il s'agit à l'évidence d'une manifestation supplémentaire de la main mise de Pékin, qui applique une censure extrêmement sévère sur le territoire chinois pour les productions nationales comme étrangères, ce projet de loi peut aussi être lu comme un autre moyen de faire taire la contestation sur le sol Hong-Kongais. Le Hollywood Reporter estime ainsi que des films aux discours militants comme l'anthologie dramatico-dystopique Ten Years (inédit en France) ou le documentaire Joshua contre une superpuissance présents sur le catalogue Netflix risquent de purement et simplement disparaître du territoire. 

 

PhotoUne liberté d'expression qui fait grise mine

 

Le projet de loi prévoit également de punir plus sévèrement les enregistrements illégaux de film, en portant la sanction pénale à 3 ans de prison et 128 000 dollars américains d'amende. Mais on retiendra surtout qu'elle vient entériner un état de fait, le durcissement du pouvoir Hong-Kongais sous l'impulsion des dirigeants chinois qui renforcent leur tutelle sur l'archipel afin d'y étouffer toute contestation démocratique et progressivement asseoir leur contrôle sur des pans entiers de la société, création artistique incluse. 

Reste encore à savoir l'impact que la loi aura sur les productions mais également occidentales. Les différentes plateformes comme Netflix ou Amazon Prime Video ne se sont pas encore prononcées mais il est fort à parier que personne n'ait envie de se fâcher avec l'empire du milieu. En 2020, sans passer par la case censure (même si il faudrait parler d'auto-censure de la part de DisneyMulan en avait déjà fait les frais

Dans ces conditions, il semble bien que ce soit directement la survie et la disponibilité des oeuvres qui soient en jeu. Se retrouveront donc en première ligne les cinémathèques internationales, dont on espère qu'elles pourront prendre les mesures indispensables au rapatriement des créations menacées, ainsi que protéger leurs fonds. A l'heure où il y a fort à parier que les grandes plateformes ne sacrifieront pas leurs intérêts économiques, la copie physique et le marché vidéo pourraient rapidement devenir un moyen secondaire mais vital, pour protéger, partager et transmettre ces longs-métrages. 

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commentaires
Simon Riaux
01/09/2021 à 17:40

@rientintinchti

Quand bien même nous constatons quotidiennement que ce n'est pas un sujet dont vous êtes très familier, le nôtre, de sujet, c'est bien le cinéma.

Déso !

rientintinchti
27/08/2021 à 13:57

Comme si le cinéma était le seul indicateur de l'extinction de notre démocratie...

Matrix R
26/08/2021 à 20:27

Quand sauront-ils que Art et politique ne font pas bon ménage ?

Simon Riaux
26/08/2021 à 13:25

@rientintinchti

Vous auriez un exemple de législation entrée en vigueur ces derniers mois, en France, bridant la création cinématographique ou établissant une censure rétroactive ?

C'est pour un ami.

rientintinchti
26/08/2021 à 13:22

C'est malheureux ce qui se passe là bas. Mais ce site joue les progressistes humanistes dès qu'il s'agit d'un autre pays mais ne dit rien au sujet de notre démocratie qui s'éteint ici et en ce moment même...

Kyle Reese
26/08/2021 à 00:06

C’est évidement triste mais c’était totalement prévisible après la main mise sur le territoire.
HK va rentrer dans l’ordre établit chinois avec tout ce qui va avec, control, cens*re etc …
Réjouissons nous d’avoir vécu pour les plus anciens la découverte de ces pépites incroyable à une époque de folie créatrice et pour les plus jeunes curieux et passionnés de pouvoir y avoir accès, d’une manière légale, les éditions internationales dvd et bluray et illégale (impossible de supprimer totalement les films une fois mise à disposition sur le net) Le gouvernement chinois ne peut rien contre tout ce qui a été édité hors de son territoire. Après c’est sur que pour les principaux intéressés, les chinois de Chine ce sera peut être une toute autre affaire.

JR
25/08/2021 à 21:42

Bof, ça pleurniche pas des masses...
C'est une nouvelle, si elle s'affirme, qui n'est pas réjouissante d'un point de vu idéologique, pour le reste... Tout se trouve sur le net...

alulu
25/08/2021 à 19:23

À moins que la Chine ferme ses frontières définitivement, les voyageurs Chinois auront toujours accès aux films interdits. Certains cadres sont complètement déconnectés de la réalité. Le coté rétroactif est débile, ces films pour la plupart ont donnés un coup de projecteur sur la Chine de façon plutôt positive et non pas bloqués le développement du pays, ils n'ont jamais été un frein. Et certains qui pleurnichent ici avec la cancel-culture.....

Le Barjack
25/08/2021 à 18:21

A part pour le coté cinéma, il est pas super sourcé, cet article...
Difficile de se faire une idée.

Cinégood
25/08/2021 à 17:07

Les plateformes ont déjà des catalogues différents par pays. Elles peuvent très bien laisser les films censurés par la Chine disponibles pour les autres territoires. C'est surtout malheureux pour les chinois qui voient ainsi une partie de leur patrimoine artistique disparaître sous leurs yeux.

Le plus inquiétant ce sont les productions à venir qui vont être formatées pour être disponibles en Chine et ailleurs. A ce rythme, quand Netlfix voudra pénétrer le marché Afghans, il y aura trois films et deux séries en catalogue et encore ! (Heureusement, ce marché ne vaut rien pour eux !)

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