Les studios ruinent le cinéma, pas Netflix, selon Charlie Kaufman (Eternal Sunshine...)

Mathias Penguilly | 7 juillet 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathias Penguilly | 7 juillet 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Dans la grande bataille qui oppose Netflix à "l'expérience de cinéma traditionnel", en salles, le réalisateur a choisi son camp.

Charlie Kaufman est ce qui ressemble le plus à un génie maudit au coeur de l'industrie du cinéma américain. Oscarisé en 2005 pour l'écriture du scénario d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind avec Pierre Bismuth et le réalisateur Michel Gondry, l'artiste avait également été nommé dans cette catégorie en 2000 et en 2003 pour Dans la peau de John Malkovich et Adaptation respectivement. Malgré toutes ces distinctions, il n'a pas connu les mêmes succès en tant que réalisateur.

 

SynecdocheCharlie Kaufman et feu Philip Seymour Hoffman

 

En 2008, il prend la caméra pour la première fois avec Synecdoche, New York, une jolie fable sur un metteur en scène raté qui reproduit la ville de New York dans un entrepôt géant. Bien qu'il soit reconnu par certains comme un chef-d'oeuvre du début du 21e siècle (sélectionné à Cannes, le critique Roger Ebert l'avait nommé meilleur film de la décennie), le film se plante misérablement au box-office : il réalise moins de 5 millions de dollars de recettes mondiales, pour un budget hors marketing quatre fois supérieur. Kaufman réitère la (mauvaise) expérience quelques années plus tard avec Anomalisaun drame en stop-motion qui lui aussi a fait un four (5,5 millions récoltés pour un budget de 8 millions) à son grand regret, malgré une jolie réception critique (Grand Prix du jury à Venise en 2015).

Alors que I'm Thinking of Ending Things, son nouveau film, est sur le point de sortir sur Netflix, Kaufman s'en est pris aux grands studios pour défendre la liberté créative que permet la plateforme SVoD. Dans un article de IndieWire, le cinéaste a sévèrement brocardé les studios hollywoodiens :

 

Charlie KaufmanKaufman, artiste introspectif et incompris

 

"Je pourrais jouer et expérimenter, mais l'industrie a énormément changé. Tout a commencé autour de 2008, lorsque les studios ont arrêté de faire des films et ont commencé à faire des super-productions. La raison pour laquelle Netflix attire les cinéastes, c'est parce qu'il n'y a nulle part ailleurs où on peut aller pour faire ces choses. C'est vraiment rageant pour moi, quand les gens disent que Netflix détruit les films parce que, non, les films [d'aujourd'hui] ont détruit les films, les studios ont ruiné les films et c'est la vérité."

Une certaine rancoeur semble poindre dans le discours du cinéaste - et c'est compréhensible étant donné que personne à Hollywood n'a voulu subventionner Frank or Francis son dernier projet (une comédie musicale avec Steve CarellCate Blanchett, Jack Black et Nicolas Cage).

Interrogé par le New York Times sur I'm Thinking of Ending Things, Kaufman a décrit son nouveau film Netflix comme "petit, bizarre et un peu compliqué". Implacable, il a même ajouté, au grand dam de ses fans : "Honnêtement, j'ai approché ce film comme si c'était mon dernier en tant que réalisateur".

 

Charlie KaufmanKaufman pense à mettre fin à sa carrière de cinéaste

 

Son nouveau film est l'adaptation du roman éponyme de Ian Reid, un thriller psychologique centré sur une jeune femme sur le point de présenter son fiancé à ses parents, qui vivent dans une ferme reculée. Le couple sera joué par Jesse Plemons et Jessie Buckley (Chernobyl) et toute l'intrigue sera construite autour de la psychologie et de la paranoïa des protagonistes. Sa sortie sur Netflix est prévue pour le 4 septembre 2020.

Kaufman a lui décidé de passer du cinéma à la littérature en publiant Antkind, son premier livre, un pavé de 700 pages à paraître à la fin de l'année.

 

AntkindKaufman lâche la caméra et garde le stylo

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commentaires
Birdy
10/07/2020 à 10:45

Autre paramètre qui m'influence grandement pour me déplacer au cinéma : identifier la qualité par le réalisateur. Les grands réalisateurs qui me feraient camper devant une salle le 1er jour pour voir leur dernière merveille sont de plus en plus rares : Nolan, Tarantino, Spielberg, Fincher, Audiard, Villeneuve, Chazelle, Almodovar, James Gray, Paul Thomas Anderson, Brad Bird, Wes Anderson...

Et là, on touche sans doute au problème évoqué par Kaufmann : ils ne parviennent plus à monter leurs projets avec autant de facilité, et galèrent 3-5 ans au lieu d'1 pour lancer la prod.

Birdy
10/07/2020 à 10:38

Parmi les responsables, n'oublions pas le spectateur qui donne son argent en priorité à ces blockbusters, il est coupable d'influencer le marché. Quand ces fameux films originaux ne marchent pas, est ce parce que les gens ne savent pas qu'ils existent et offrent une alternative, ou parce qu'ils préfèrent la même soupe ?
Autre question : le prix du billet. A 12€, tu vas voir le dernier film qui en a coûté 200, pour en prendre plein les mirettes, ou celui qui rendra pareil sur ta tv 50 pouces ? Bcp pensent d'abord "grand (et pas bon) spectacle" en allant au cinéma.

Myst
08/07/2020 à 13:16

J'attend toujours le successeur de Master And Commander ! Dernier chef d'oeuvre historique qui ne soit pas un blockbuster d'action et de cgi.

TheTruth
08/07/2020 à 09:56

'Cet homme dit la vérité !!!'

De Passage
07/07/2020 à 18:05

Les studios ET les salles de cinémas, qui diffusent eux-aussi ce qui rapportent le plus (un peu compréhensible mais bon), certains cinéma (perso, j'en connais qu'un) sortent des films qui sortent de l'ordinaire.

steph
07/07/2020 à 16:32

Entièrement d'accord.... Netflix a repris les films que les studios ne font plus (romance, historique,...) Les gros studios ne font plus que des films à grosse rentabilité

Uleertel
07/07/2020 à 16:14

Assez d'accord avec lui. Je dirais même que les superproductions des années précédentes pouvaient parfois être de vrais films d'auteur et faire preuve d'originalité. Aujourd'hui, à part quelques grand réalisateurs comme Nolan et une étrange anomalie comme Dune (par un licence porteuse pour la jeunesse), les grosses productions ne sont que des suites de suites de licences. Et même les rares nouveautés sont des tentatives de lancement de licences.