Brie Larson en a marre des critiques de cinéma blancs

La Rédaction | 14 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 14 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Les débats et prises de positions appelant à de profondes transformations au sein de l’industrie hollywoodienne s’accélèrent. Et dérapent parfois.

Il y a quelques heures, Brie Larson était sur la scène du Beverly Hilton, pour recevoir un Crystal Award. À cette occasion, la comédienne oscarisée, vue dans Kong : Skull Island et prochainement dans Captain Marvel, a donné un discours largement consacré à l’inclusion au sein du 7e Art américain et à la visibilité des minorités.

Un programme devenu classique, pour ne pas dire convenu, depuis la polémique #OscarsSoWhite, puis le scandale Weinstein, qui ont consécutivement remis en cause en profondeur la répartition des pouvoirs à Hollywood. Mais Brie Larson, qui a abordé à cette occasion la question de l’uniformité sociale des journalistes culturels, s’est un chouïa enflammée.

 

Photo Brie LarsonBrie Larson

 

« Est-ce que je dis que je déteste les mecs blancs ? NON. Mais si vous faîtes un film qui est une lettre d'amour aux femmes de couleur, il y a une chance follement basse pour qu'une femme de couleur ait la chance de le voir et écrire dessus."

"Le public n'a pas suffisamment l'occasion de lire des choses qui sont écrites par ceux pour qui le film a été fait. Je n'ai pas besoin d'entendre ce qu'un mec blanc de 70  ans n'a pas aimé dans Un raccourci dans le temps. Ça n'était pas fait pour lui. Je veux entendre quel sens ça avait pour les femmes de couleur, les métis, pour les adolescentes de couleur."

Déjà, il n’est pas sûr que quiconque ait envie d’entendre ce que qui que ce soit a à dire sur Un raccourci dans le temps. Cela étant établi, si on ne peut qu’adhérer au fond du discours de Larson, tant il est vrai et indiscutable que la presse cinématographique souffre de n’être absolument pas représentative du public auquel elle s’adresse, le raisonnement développé par la comédienne apparait, au mieux, comme sacrément défaillant.

 

Photo Oprah WinfreyUn raccourci dans le glaucome 

 

Tout d’abord, partir du principe que seule la cible prioritaire d’un long-métrage est compétente pour s’exprimer sur son contenu est aberrant. À moins d’attendre la résurrection des dinosaures, on n’est pas prêt de lire un texte pertinent sur Jurassic Park… Que la cible « première » (si tant est qu’elle existe) d’une production apporte un point de vue différent, pertinent et notable, c’est évident, mais il ne peut constituer pour autant le seul légitime.

Et en se plaçant en arbitre des politesses sociales, démographiques et démocratiques, Brie Larson nous amène à notre tour à nous poser une question, passablement délétère : «Veut-on entendre ce qu’une actrice de blockbusters blanche a à dire au sujet de l’absence de minorités au sein de la presse culturelle ? »

 

Photo Brie LarsonBrie Larson

 

Brie Larson n’en avait pas fini du côté de la maladresse, et a bien involontairement taxé les festivals de Toronto et Sundance de raciste. En effet, l’artiste a annoncé que les deux manifestations accréditeraient désormais au moins 20% de journalistes issus de minorités. Ce qui revient à dire en creux que ces institutions se refusaient jusqu’à présent à le faire.

« S’il vous plaît, assurez-vous que les invitations et accréditations s’adressent à plus de journalistes et critiques invisibilisés, qui sont souvent des free-lance. »

Le problème n’est-il pas justement que ces journalistes, quand ils ne sont pas découragés avant même d’exercer, sont souvent condamnés à demeurer indépendants ?

 

Photo Brie Larson Captain MarvelCaptain Marvel

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commentaires
StFran
28/06/2018 à 11:21

Yryo: pour toi je le répète: je suis de l'ultragauche et je m'en cogne des hystéries racialistes. D'ailleurs je crois que les pires dans le complotisme racialiste se trouvent plutôt à l'extrême-droite, c'est même leur fond de commerce.

Alex
15/06/2018 à 14:28

Exemple flagrant de la politique identitaire de gauche américaine portée aux nues par Hollywood

Tomytom
15/06/2018 à 11:41

Alors, dans cette logique bizard, un film comme "black panthère " aurais pour cible la population black, ou "apocalipto"s'adresserait aux population d'amerique latine,"brokeback mountain" ciblerait les homos, etc... N'est ce pas un peu réducteur?Bonjour le cloisonnement, le "tout communautaire "n'a jamais fait progresser la lutte anti racisme, au contraire, aucune ouverture vers la différence dans ce cas...

Yryo
15/06/2018 à 10:58

Stfran tu devrais peut être penser à reconsidérer tes idées politiques, ça fait longtemps malheureusement que la gauche a abandonné ses idées de révoltes prolétaires au profit de ses valeurs dégénérées et ethno-masochistes

Stfran
15/06/2018 à 06:50

Tg Alain, je suis de l'ultra gauche, c'est pas pour autant que je cautionne ces conneries racialistes.

Finnigan
15/06/2018 à 00:11

@Fifi

Assez d'accord. Ce qu'elle dit est probablement maladroit mais au fond, je comprends l'idée.

Après tout, ne voit-on pas un paquet de monde tomber sur la moindre critique d'un blockbuster avec des arguments type "vous aimez jamais les films pop corn", "retournez voir vos films d'auteur bande d'intello bobos" et autres ? L'avènement des Youtubeurs ne vient-il pas de cette envie de voir des gens "normaux", des "fans normaux", parler du dernier blockbuster ? Irait-on lire une critique de Transformers 5 sur Télérama, et celle du nouveau Haneke, sur Mad Movies ? (Bien sûr qu'on peut hein, c'est juste pour dire que beaucoup de monde utilise des arguments comme elle, mais que ça passe mieux quand c'est pas les grands méchants progressistes gauchistes démocrates végétariens)

Elle ne dit pas qu'un "homme blanc" devrait se taire, et ne pas écrire sur Un raccourci dans le temps. Elle dit juste que ce serait intéressant d'avoir plein d'avis différents, sortis du moule un peu ordinaire. C'est un peu le même débat qu'on retrouve partout, des réalisateurs aux politiques en passant par le CAC 40.

F4RR4LL
15/06/2018 à 00:08

Les minorités de couleurs représentent combien de pourcentage de la population aux States ?
Qu'on lui donne son quota et qu'elles, ils, les dinguos racialistes en tout genre, nous foutent la paix. ça donne envie de voter NaziTrump. A force on va bientot y être contraint. D'ou le déésespoir d'etre pris entre deux formes d'une maladie mentale dégénérative .

Fifi
14/06/2018 à 23:56

Son propos est loin d'être débile. Ce qu'elle dit, en substance, c'est qu'il faut donner la parole AUSSI aux communautés visées par les oeuvres.
Sinon, on se retrouve avec des critiques faisant partie des groupes dominants qui ne font que s'écouter parler et qui jettent aux orties des films, sous des prétextes bidons, alors que s'ils ne les comprennent pas, c'est parce qu'ils ne sont pas visés.
Ça ne veut pas dire que plus personne d'autre n'a le droit de s'exprimer, simplement que les personnes visées par une oeuvre sont plus à même de la juger en ayant toutes les clés de compréhension en main.

(Et arrêtez la mauvaise foi 5 minutes avec les dinosaures, "viser" veut dire "s'adresser à", pas forcément représenter)

gnagna
14/06/2018 à 22:01

donc si je comprends bien cette actrice, en voulant faire la démonstration de son anti-racisme, vient dire que seul un blanc peut parler d'un film de blancs et que seul un noir peut parler d'un film de noirs… le serpent qui se mort la queue...

Draven
14/06/2018 à 19:27

ça veut dire qu'il faut être mort pour donner son avis sur Sixième Sens ?
Putain, ça va pas être pratique la mise en place de cette nouvelle grille de lecture politiquement correcte...

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