Jennifer Devoldère (Jusqu'à toi)

Laurent Pécha | 28 juillet 2009
Laurent Pécha | 28 juillet 2009

Premier film pour Jennifer Devoldère avec Jusqu'à toi, excellente comédie romantique estivale avec la craquante Mélanie Laurent. L'occasion pour Ecran Large de rencontrer cette jeune femme qui a su créer un univers bien à elle tout en rendant hommage au cinéma qui l'a fait grandir. Une rencontre prévue sur une demi-heure qui déborda à la terrasse d'un café sur plus d'une heure et demie...

 

Quelles sont les impressions après un premier film ?

Quand j'ai appris que j'allais en faire un, c'était comme si un rêve d'enfant se réalisait. Je n'en revenais pas.

 

 

 

Pourquoi le choix d'une comédie romantique ?

D'abord, c'est un genre que j'adore. Ce sont les films que je vais le plus voir.  Quand on est réalisateur, on a envie de citer des films plus pointus Un peu honteusement, ce sont les films que je préfère. En même temps dans Jusqu'à toi, il n'y a pas que de la comédie romantique. J'ai voulu faire un film personnel dans un film de genre. C'était mon but.

 

Le film est très référentiel vis-à-vis du cinéma ?

Je pense qu'il n'y a que dans les premiers films où l'on aie le droit de rendre hommage aux films. Comme ce serait la seule fois où je ferai ça, j'ai eu envie de placer de nombreux clins d'œil comme celui, j'espère subtil, à Avanti.

 

D'où l'idée excellente que l'on peut connaître la compatibilité amoureuse avec une liste de vos trois DVD préférés.

J'ai toujours trouvé ça important. Quand on est avec quelqu'un que l'on aime et qu'il aime un film que vous détestez ou l'inverse, ça crée un fossé, il n'y a rien à faire. Après on le dépasse ou pas (rire).

 

 

 

Si tu devais choisir trois films ?

Certains l'aiment chaud, c'est sûr. Profession Reporter (il y a d'ailleurs l'affiche du film dans Jusqu'à toi). Le troisième serait sûrement un film de Godard, sans doute Pierrot le fou.

 

C'est très classique comme choix, tu ne prends pas de risque. Tu n'oses pas citer tes comédies romantiques que tu adores aller voir ?

Il y aurait alors forcement Quand Harry rencontre Sally et Coup de foudre à Notting Hill. Et même si ce n'est pas une comédie romantique,il y aurait Will Hunting, que j'adore. Je peux le revoir 1000 fois. Et si on continue, je peux citer Presque célèbre, American beauty, Punch drunk love. Le film de Paul Thomas Anderson a d'ailleurs inspiré le mien tout comme Love Liza, un film américain qui restait inédit en France, avec Philip Seymour Hoffman. J'oubliais Billy Elliot, un film parfait qui ne peut toucher que le monde entier.

 

Pour te titiller, que serait-il passé dans ton film si l'un des deux protagonistes avait été moche ? Les comédies romantiques ne mettent jamais en scène des gens laids?

Je suis désolé de te dire que Justin Bartha n'est pas considéré comme un beau gosse. Ce n'est pas un Brad Pitt. Il n'est pas grand mais il a une bonne tête. Mais c'est vrai que si j'avais pris quelqu'un de laid, je n'aurai pas pu monter le film ou du moins j'aurai connu d'énormes résistances. James Mangold a réussi à le faire avec Heavy et ça marche, mais c'est très rare effectivement.

 

 

 

Pour un premier film,tu as un casting royal entre la nana qui tourne chez Tarantino, le mec qui est l'acolyte de Nicolas Cage dans Benjamin Gates et un autre mec qui joue les hobbits chez Peter Jackson.

C'est cool, je suis contente ! Je les ai eu au bon moment. Et ils sont tous superbes.

 

La manière dont tu filmes, fait énormément penser au cinéma américain indépendant.

Le choix de tourner le film en français et en anglais, aide à ce sentiment là. Après, c'est aussi ma culture. J'avais 20 ans dans les années 90. C'est là où l'on cultive ses goûts et le cinéma américain indépendant était fort à ce moment là. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui par exemple. Ce sont des films d'auteur qui ne sont pas faits pour 5 personnes.

 

Quelles sont les ambitions en termes de chiffres ?

On sort face à Là haut alors forcement cela va être difficile. Jusqu'à toi est un petit film. Je serai contente à 250 000 spectateurs. C'est beaucoup, j'en ai conscience. Le marché est dur. En plus la compétition est rude surtout depuis le succès de Le Premier jour du reste de ta vie, tout le monde veut sortir l'été (sourire).

 

 

 

Ces derniers temps, les titres français sont difficile à retenir, toujours ces idées de phrases (Je vais te manquer, le film de Rémi Bezançon justement,...)

Le premier titre de Jusqu'à toi était Shoe at your foot (chaussure à ton pied). Personne ne comprenait donc il a fallu changer. Trouver un bon titre qui en plus n'a pas déjà été pris, c'est très compliqué. Surtout que ce titre doit ensuite plaire à 50 personnes qui sont aussi décideurs. A la fin, ca donne Jusqu'à toi. Alors effectivement, ils ont tendance à se ressembler tous un petit peu mais malheureusement, il faut faire l'unanimité.

 

Et l'affiche ?

On m'en a présenté énormément. Une cinquantaine. Celle que l'on a retenu, n'était pas la plus belle, la plus élégante mais c'est la seule qui a attiré mon œil. J'avais envie que l'on mette en avant Mélanie. L'attitude de Mélanie sur l'affiche correspond bien au film. Peut être que l'univers du film est plus sombre que l'affiche. Mais j'avais envie aussi de faire entrer les gens dans la salle. L'affiche est sans doute plus grand public que le film. La bande-annonce est plus dans le ton du film.

 

 


 

L'une des forces du film, c'est la richesse des seconds rôles, un élément assez rare dans la comédie romantique française.

J'avais envie de ça. Ce sont eux qui font la richesse du genre. Regarde Rhys Ifans dans Coups de foudre à Notting Hill. Le problème de la comédie romantique, c'est que les deux personnages principaux ne peuvent pas être au-delà de loufoques. Les spectateurs ont besoin de se retrouver dans un archétype romantique. On ne peut pas les pousser pour qu'ils soient complètement oufs. Ce sont les meilleurs amis qui permettent d'apporter l'humour.

 

A l'image d'un hôtel et d'un manager peu accueillant, du moins bien étrange, ton film ne joue pas la carte postale d'un Paris pour touristes.

On me l'a un peu reproché. C'est un peu un hôtel frappé par la crise. On ne voit pas Paris du tout. Ce n'est pas le Paris romantique. Paris, c'est ma ville donc je ne la trouve pas si romantique ça. Florence, par exemple, est à mes yeux plus romantique que Paris. Je voulais aussi que le personnage (l'américain) souffre et qu'il ne puisse pas voir la beauté de Paris. J'ai filmé un Paris plus proche de la banlieue, un Paris où habitent des gens, où il n'y a pas de touristes.

 

 

 

Quand tu filmes au Etats-Unis, tu évites le cliché de l'étrangère qui filme un pays qu'elle ne connaît pas. Ce que ne font généralement pas, par exemple, les américains quand ils filment en France.

On a eu envie avec mon chef op de faire quelque chose de très ouvert, de positif. C'est aussi lié à notre désir inconscient de faire du cinéma américain. Quand on est arrivé à Montréal (on a triché les Etats Unis là bas), on était si content. C'était la dernière semaine de tournage, on était totalement relâché, content d'être là bas.

 

Peut-on faire en France un premier film sans en être le scénariste ?

Si on a un parcours d'assistant réalisateur, pourquoi pas mais sinon je ne pense pas. Je suis pourtant pour la séparation du scénario et de la mise en scène. C'est une hérésie en France de devoir passer par l'écriture alors que ce sont deux métiers très différents. On ferait de meilleurs films s'il y avait davantage cette séparation. J'aimerai vraiment aussi faire des films que je n'ai pas écrits.

 

Ta mise en scène a de la gueule comme on dit.

J'ai fait attention à mes cadres. Je voulais que mes plans racontent à chaque fois quelque chose mais ma mise en scène est très simple. Il n'y a pas de mouvements de caméra compliqués, il n'y a pas d'effets. Le manque de travail dans un film me dégoûte un peu. C'est tellement dur de faire du cinéma que quand on en fait, il faut le faire du mieux que l'on peut. Et le mieux est encore pour un cinéaste d'acquérir la technique. Les réalisateurs qui me disent que ce qu'ils les intéressent, ce sont les acteurs et que la technique, ils la laissent à leur chef op, pour moi, c'est un contresens. Tu n'es pas metteur en scène dans ces cas là.

 


 
  
 
Son portrait chinois podcasté à la terrasse du café :
 

 

 

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