Denzel Washington (Inside man)

Laurent Pécha | 25 octobre 2006
Laurent Pécha | 25 octobre 2006

Inside Man est votre quatrième film avec Spike Lee après Mo'Better Blues, Malcolm X et He got game. Pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?
Bien sûr, et c'est assez simple : nous aimons travailler ensemble. Peu à peu, nous avons mis en place une sorte de code qui nous permet de ne plus avoir à parler. Notre relation a surtout évolué depuis que j'ai réalisé mon premier film, Antwone Fisher, il y a quelques années. Mon approche est différente depuis que je suis passé derrière la caméra. Je comprends mieux maintenant ce que cela implique et combien c'est difficile de tourner un film. J'apprécie et je respecte d'autant plus ce que fait Spike. Je sais moi aussi tout ce que l'accomplissement d'un tel travail dans un temps si court peut nécessiter.

 

Avez-vous déjà refusé quelque chose à Spike Lee?
Oui. Il m'avait proposé d'interpréter Jackie Robinson (le premier joueur de base-ball noir américain) et je ne le sentais pas. Je n'avais pas envie, après avoir joué Malcolm X, de me spécialiser dans le personnage historique : Malcolm X, Martin Luther King, Steve Biko, Jackie Robinson… C'était il y a longtemps. C'est la première chose que Spike m'ait proposé après He got game.

 

Pourquoi avoir accepté Inside Man?
Parce que l'histoire était bonne. En fait, j'ai longtemps hésité entre le rôle du policier et celui du braqueur de banque avant de me dire « Une seconde… si je joue le braqueur, on ne verra jamais mon visage ! » Mon agent aussi me disait « personne ne te verra ! ». Je voulais vraiment participer à ce tournage, d'autant que Spike avait réuni un très bon casting. Je venais juste de jouer Jules César au théâtre, et l'idée de participer à un film choral me séduisait beaucoup. Il ne s'agit ni d'un film de Denzel Washington, ni d'un film très représentatif du cinéma de Spike Lee. C'est simplement un scénario pré-écrit qu'il a décidé de réaliser.

 

Spike Lee est réputé pour cultiver une atmosphère très familiale sur le plateau. Est-ce vrai ?
Tout à fait : c'est un business familial. L'un de ses frères est son photographe, et un autre s'occupe du making of. Nous répétons toujours dans le même bâtiment qu'à l'époque de Mo'Better Blues, il y a 17 ans. C'est assez confortable et rassurant. Je me souviens m'être assis dans la véranda pour manger un sandwich et m'être senti chez moi. Je vis à Los Angeles mais je suis new-yorkais. New York me manque.

 

En tant que réalisateur, en profitez-vous pour prendre des notes ?
Bien sûr. Par exemple, après les répétitions, Spike et son photographe sont revenus sur tous les plans du film pour réfléchir au matériel qu'ils allaient utiliser sur chacun d'entre eux. Je me suis joint à eux et j'ai noté tout ce qu'il voulait faire dans l'idée de m'en servir la prochaine fois que je réaliserai un film.

 

On peut observer une constante dans votre filmographie, puisque vous êtes régulièrement officier de police, détective ou soldat. Pouvez-vous comparer Keith Frazier, le détective que vous interprétez dans Inside Man, avec vos autres rôles de policiers ?
Je n'y avais jamais pensé, mais je n'aime pas m'étendre sur ce que j'ai fait dans le passé. Je ne pourrais pas faire de comparaison. J'aborde chaque rôle comme un rôle unique. Keith a une histoire particulière, des problèmes avec sa petite amie qui voudrait se marier alors qu'il ne peut pas se le permettre. Il a été accusé d'avoir volé de l'argent et cette affaire énorme lui tombe dessus. C'est peut-être lié aux scénaristes : mes personnages sont souvent des détectives ou des policiers. Je ne sais pas combien de flics j'ai pu incarner….

 

Dans ce film, les choses ne sont jamais ce qu'elles semblent être…
Absolument. Rien n'est ce qu'il a l'air d'être. Qui est le méchant ? Qui est le gros dur ? Est-ce vraiment un braquage de banque ?

 

Diriez-vous que c'est la même chose dans la vie ?
Bien entendu ! C'est d'ailleurs ce qui m'intéressait dans ce personnage. Il est flic, mais cela ne signifie pas qu'il contrôle la situation. Ses supérieurs l'appellent sur cette affaire et il répond « Moi ? », comme si on lui avait dit « Oui, les autres sont en vacances, donc c'est à toi. »

 

Pensez-vous qu'il se surprenne lui-même ?
Oui. En définitive, c'est quelqu'un de très instinctif. Nous sommes dans un film donc, évidemment, il gagne, mais je ne pense pas qu'entrer dans la banque soit la chose la plus intelligente à faire. Les policiers qui faisaient office de conseillers techniques nous disaient « ça ne peut pas se passer comme ça ». Je leur répondais qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter : ce n'est qu'un film ! Il n'est pas nécessaire de suivre le manuel de police à la lettre. C'est avant tout du divertissement. J'espère seulement que, si je me retrouvais moi-même pris en otage, aucun policier n'agirait de cette manière. C'est de la folie, et cela pourrait avoir des conséquences désastreuses.

 

Hollywood est rempli de « bad guys ». Avez-vous déjà été confronté au côté obscur de l'industrie du cinéma ?
Voilà comment je vois les choses : je suis un optimiste. Bien sûr, nous nous sommes tous brûlé les ailes, mais je ne m'y attarde pas quand ça m'arrive. La vie est trop courte – et je l'aime beaucoup trop – pour m'entourer de personnes négatives. Je me ferais peut-être avoir une première fois, peut-être une seconde, mais trois fois ? Ne comptez plus sur moi !

 

À l'origine, votre personnage était un homme blanc. Comment en avez-vous fait un Noir ?
Je ne l'ai pas fait, c'est impossible. Je n'ai rien changé au personnage. Il aurait tout aussi bien pu être joué par une femme. J'apporte à mon personnage ce que je suis.

 

Pourquoi Keith ne veut-il pas se marier ?
Je crois qu'il ne peut pas se le permettre. C'est ce qu'il dit en tout cas. Question : pensez-vous qu'il garde le diamant à la fin ? Les femmes répondent oui, et les hommes n'en savant rien. Tout est question d'interprétation. Ne devrait-il pas le rendre ?

 

Le film a une forte dimension politique et sociale, mais il est également très drôle. Avez-vous conscience de son aspect comique ?
Nous nous sommes lâchés sur les blagues. En tout cas, je l'ai fait. Je n'ai pas vu le film en présence du public mais, d'après ce que j'ai entendu, il a provoqué de nombreux rires. Quand j'ai lu le script, je l'ai d'abord vu comme un divertissement plus que comme une satire sociale.

 

Spike Lee déteste les jeux vidéo violents, comme le montre clairement l'une des scènes du film. Quelle est votre opinion sur ce point ?
Mes enfants ne jouent pas à ce genre de jeux. Mon aîné ne joue qu'aux jeux de sport et, fort heureusement, mes filles n'y jouent pas du tout. Nous vivons malheureusement dans un monde très violent, alors j'essaie de faire le maximum à la maison pour éviter ce genre de jeux. Mais rien ne garantit que leurs camarades ne les ont pas.

 

L'une des scènes les plus fortes du film, où un chauffeur de taxi Sikh se fait arracher son turban, a été rajoutée par Spike Lee. Qu'en pensez-vous ?
Je crois que c'est une bonne chose. Cela reflète la réalité, plus particulièrement à New York. Je suis persuadé que c'est vraiment arrivé. Tout cela remonte au 11 septembre: les gens s'attaquaient aux Sikhs, aux Indiens, à tout le monde, sans même réaliser qu'ils n'étaient pas musulmans.

 

Peut-on dire que New York est l'un des personnages principaux du film?
Tout à fait. Certains new-yorkais qui assistaient au tournage se sont d'ailleurs retrouvés dans le film. La première fois que nous sommes arrivés sur place en voiture de police, beaucoup de monde s'était déplacé pour regarder et Spike a dit « Tournons ! ». Cela fait partie de la ville. Lorsque je vivais à New-York, je ne passais pas beaucoup de temps à Wall Street et, évidemment, le quartier est beaucoup plus résidentiel depuis le 11 septembre. Les rues sont étroites et les immeubles énormes. C'est très intéressant. Et excitant !

 

Respectez-vous certains rituels avant de tourner une scène?
J'aime bien respirer, m'étirer, jurer, crier, pleurer, gémir…Tout ce qui peut m'être nécessaire.

 

Combien de rôles refusez-vous?
Je n'en sais rien, car toutes les propositions n'arrivent pas jusqu'à moi. Parfois mon agent les rejette avant de me les montrer. Mais pas des tonnes. Aujourd'hui, les films sont tellement chers, et il y a tellement de bons acteurs que les propositions ne sont pas si nombreuses. Beaucoup de films que des acteurs comme Terrence Howard ou Jamie Foxx ont faits ne m'ont jamais été proposés, et c'est très bien comme ça.

 

Inside Man peut s'enorgueillir d'un scénario très intelligent. Avez-vous une réplique favorite ?
Oui, celle où je dis au Sikh que je suis sûr qu'il trouvera toujours un taxi.

 

Traduction par Johan Beyney

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