George Lucas et Francis Ford Coppola

Stéphane Argentin | 13 septembre 2004
Stéphane Argentin | 13 septembre 2004

Venu à Deauville présenter la nouvelle version de son tout premier film, THX 1138, George Lucas avait également fait le déplacement pour recevoir un hommage consacrant l'ensemble de sa carrière en tant que scénariste, réalisateur et producteur. Entouré de Walter Murch (co-scénariste et ingénieur du son sur THX 1138) et Francis Ford Coppola, amis de longue date, ils ont tous trois répondu aux questions d'une presse avide de renseignements en tout genre. Morceaux choisis de la vision du cinéma actuelle par deux géants d'Hollywood partis de rien…

Avez-vous été inspirés par d'autres grands techniciens tel que Ray Harryhausen ? Et comment voyez-vous l'évolution du cinéma depuis vos débuts ?
Francis Ford Coppola : En ce qui concerne THX 1138, je crois que les effets spéciaux étaient davantage dans la tête de George qui devait tenir compte du peu d'outils dont il disposait à l'époque pour y parvenir.
George Lucas : C'était mon tout premier film, et parvenir à créer l'illusion d'une ville futuriste aussi abstraite avec aussi peu de moyens était très difficile. Nous ne disposions pour tout matériel que de feux d'artifice et de décors miniatures. Ce sont le framing, le montage et la bande-son de Walter qui, combinés, sont parvenus à créer cette illusion.
Walter Murch : Lors du tournage, je me souviens d'une conversation entre Francis et George, où ce dernier lui réclamait une caméra optique en plus des caméras ordinaires et de la table de mixage sonore. C'était vraiment là le noyau de départ de ce qui deviendrait plus tard ILM (Industrial Light and Magic, la société d'effets spéciaux de George Lucas, ndlr), ce besoin embryonnaire d'effets spéciaux.

Ne croyez-vous pas justement que la montée en puissance des effets spéciaux et leur facilité d'accès ont rendu les cinéastes un peu plus paresseux aujourd'hui, en regard de l'ingéniosité et de la créativité dont vous faisiez preuve dans THX 1138 ?
Lucas : Dès lors que vous avez accès à une nouvelle avancée technologique, dans quelque domaine artistique comme le passage des fresques murales à la peinture à l'huile, il y aura toujours des personnes pour en abuser. C'est nouveau, amusant et terriblement grisant. Le même phénomène a été observé lors du passage du muet au parlant, ou bien du noir et blanc à la couleur. En fin de compte, c'est le talent du réalisateur qui détermine le meilleur usage à faire de toutes ces avancées technologiques en vue de raconter l'histoire qu'il a en tête.

Est-ce que la sortie en DVD de votre tout premier long métrage est le signe d'une plus grande implication de votre part dans ce média ?
Lucas : Le DVD est promis à un grand avenir, tout spécialement avec l'arrivée de la haute définition. Ce support permet en outre à un metteur en scène d'achever son film tel qu'il l'entendait au départ, qu'il s'agisse d'un director's cut ou bien d'expliquer plus précisément ce à quoi il aspirait. Et si la vision en salle reste un évènement social inoubliable à vivre à plusieurs, le DVD nous permet d'aller au-delà de cette expérience, surtout pour les films anciens auxquels il est très difficile d'avoir accès et encore plus dans des conditions décentes. La restauration numérique image par image de THX 1138 m'a pris deux ans avant d'aboutir enfin au film que je voulais à l'origine.

Est-ce que les inquiétudes à propos d'un État totalitaire, dictatorial, que vous formuliez à la fois dans THX 1138 et dans Star Wars, trouvent des échos trente ans plus tard ?
Lucas : Ces situations s'observent partout dans le monde depuis des milliers d'années. Dans les deux cas (fiction et réalité), ce qui m'effraie le plus n'est pas seulement le fait que l'on prive les gens de leurs libertés, mais qu'ils soient prêt à y renoncer de leur propre chef.

M. Coppola, American Zoetrope vous permet de produire des films indépendants. Pensez-vous être en mesure un jour de distribuer vous-même de tels films ?
Coppola : Je crois surtout qu'avec l'émergence d'Internet, la distribution dite « traditionnelle » va devoir s'adapter si elle veut pouvoir collecter l'argent de façon plus directe. Car il y a de plus en plus de gens qui se connectent à Internet pour avoir accès plus rapidement à des œuvres de tout genre.
Lucas : Les avancées technologiques actuelles rapprochent effectivement d'autant plus vite les films du public. Internet et les cinémas projetant en numérique vont donc permettre de faciliter encore davantage cet accès. Cela permettra à de plus en plus de personnes de faire des films. C'est l'aspect positif car, actuellement, les studios ont une telle mainmise sur le financement des longs métrages qu'il devient de plus en plus difficile d'explorer, d'expérimenter ce que l'on a en tête.

THX 1138 date de 1970, et pourtant les thèmes de la standardisation et de la globalisation restent plus que jamais d'actualité. Qu'en pensez-vous ?
Coppola : Dans le cas d'un long métrage, vous débutez sa création en solitaire, ou tout du moins c'est l'idée que j'en ai. Puis, tout un processus qui échappe à votre contrôle se met en place avec les agents, les distributeurs… qui reformatent votre idée de départ pour faire en sorte qu'elle s'intègre au sein d'un immense système commercial préétabli. C'est la raison pour laquelle autant de films, particulièrement les gros en terme budgétaire, se ressemblent tous à ce point.
Lucas : J'ai personnellement cherché à créer une entité basée à Chicago qui soit en marge du système hollywoodien (LucasFilm Ltd., ndlr). D'autres personnes au Texas, à Chicago et New York tentent de faire de même. Une fois encore, les avancées technologiques nous permettent de toucher plus directement le public sans avoir à passer par cet immense système marketing qui commence d'ailleurs à s'effriter. Ainsi, vous pouvez à présent vous frayer un chemin sur le marché et y récolter suffisamment d'argent pour financer vos futurs projets, ce qui va permettre au public d'avoir accès à de meilleurs films partout dans le monde.

Que pouvez-vous nous dire sur Indiana Jones 4 ? M. Spielberg, qui était présent ici même à Deauville la semaine passée, nous a déclaré que vous aviez rejeté le dernier scénario en date.
Lucas : Un nouveau scénariste a bel et bien commencé à plancher sur le scénario du prochain Indiana Jones. Plusieurs scénaristes se sont attelés à la tâche depuis six ans maintenant que le projet est lancé, et nous ne passerons à l'étape suivante que lorsque l'histoire sera totalement au point.

Quel est le bien fondé des rumeurs sur un éventuel Star Wars 7, 8 et 9 ?
Lucas : Il n'y a pas d'épisodes 7, 8 et 9. Il n'y en a jamais eu. Au départ, l'histoire devait se limiter aux épisodes 4, 5 et 6. Mais comme il y avait un prélude à cette histoire, que je trouvais fascinant, j'ai donc décidé de m'y attarder. À présent, vous avez la totalité de la saga, du début à la fin. Il n'y a donc plus d'autres histoires à raconter. Je vais pouvoir à présent me concentrer sur des projets qui me tiennent à cœur depuis très longtemps.
Coppola : C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons tant mis l'accent sur la sortie DVD de THX 1138. La plupart des gens ne connaissent George qu'à travers la saga Star Wars alors que THX 1138, qui lui est antérieur, montre bien toute l'étendue de son talent créatif. Vous pouvez donc vous attendre à des trouvailles très intéressantes dans ses prochains films.

Tout savoir sur THX 1138

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