Les Evangiles Ecarlates : Clive Barker nous offre enfin la suite de Hellraiser !

Simon Riaux | 22 février 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 22 février 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Pour tous les amateurs d’horreur baroque et grandiose, Clive Barker est un maître absolu. Comme écrivain bien sûr, mais aussi au cinéma, qui lui doit le formidable Hellraiser, adaptation de son court roman au titre éponyme. Les amateurs de chairs suppliciées seront donc aux anges, puisque 15 ans après son annonce, Les Evangiles Ecarlates est enfin disponible.

 

HELL WRITER

Il s’agit ni plus ni moins que de l’aboutissement d’un fantasme littéraire et cinéphilique, puisque le présent ouvrage réunit deux des figures les plus appréciées des multiples univers imaginés par Barker : Harry D’amour, détective du paranormal et adversaire privilégié des démons de tout poil, ainsi que Pinhead, membre de l’Ordre des Cénobites et Prêtre des Enfers.

Les Evangiles Ecarlates

Deux anti-héros charismatiques et puissant, qui sont enfin projetés sur le devant de la scène, pour une confrontation qu’on imagine nécessairement violente, sensuelle, et vertigineuse. Il faut dire que Hellraiser aura fait de son boogeyman une véritable figure du fantastique, silhouette fantomatique autant qu’incarnation d’un sadomasochisme extrême, esthète de la douleur et de la brutalité. Bref un totem de terreur vénéré par tous les amateurs d’horreur corporelle et viscérale. Harry D’Amour de son côté, s’il représente des forces nettement plus positives, cristallise la veine fantasy de Barker et sa capacité à générer des mondes incroyablement palpable.

Une sorte de synthèse rêvée de ses écrits donc, un choc des titans qui ne pouvait qu’aboutir à une apocalypse de tripes, de chaînes et de sang. Il y a avait néanmoins de quoi s’inquiéter, car Le Démon de Gutenberg, publié en France en 2010, avait de quoi décevoir les lecteurs de Barker. Style asséché, construction mécanique, thèmes et obsessions brandis mais rarement incarnés, l’artiste semblait épuisé, désormais incapable de porter sur ses épaules les formidables univers qu’il générait dans Le Royaume des Devins ou Imajica.

 

LECTURE D'ENFER

A ce titre, Les Evangiles Ecarlates rassurent et enchantent. L’écrivain se livre ici à un tour de force stylistique dès l’ouverture du roman, qui offre aux lecteurs 40 premières pages hypnotiques de sensualité funèbre, d’horreurs bouillonnantes, une ivresse que Barker n’était pas parvenue à convoquer depuis trop longtemps. Pinhead est de retour, et il bénéficie d’une entrée en scène à la hauteur du mythe qui l’entoure.

Mais plus encore que le célèbre Cénobite, c’est la figure de Lucifer, qui habite le texte, plane telle une ombre lumineuse sur la Pandemonium décrite par l’écrivain. On retrouve ainsi son goût pour les univers inversés, les cités fantasmatiques et les perspectives impossibles. Mais ce n’est pas à une quête initiatique nous convie ici le romancier, plutôt à une course-poursuite éreintante, un ride psychédélique et gore dans les arcanes des Enfers.

Les Evangiles Ecarlates

L’ouvrage y gagne en rythme et en intensité ce qu’il perd en profondeur. On pourra regretter que le livre, en faisant de Pinhead un personnage à part entière, prenne le risque de le faire tomber, ou trébucher de son piédestal  mystique, lui conférant des doutes et des passions finalement très humains. Pour autant, Clive Barker n’a pas écrit Les Evangiles Ecarlates pour amoindrir son œuvre, plutôt pour la condenser.

Alors que nous suivons le Prêtre des Enfers et Harry D’Amour dans une folle chasse, aux trousses de Satan lui-même, l’écrivain nous livre un best-of sans doute superficiel de ses travaux les plus accomplis, mais terriblement satisfaisant, qui recèle quelques unes de ses plus belles pages.

D’une confrontation impitoyable avec un nervi infernal, en passant par le châtiment imposé à un ordre de magicien, ou tout simplement la découverte d’une cité sous l’emprise d’un brouillard mutagène et carnivore, l’auteur lâche la bride à son style vorace et baroque.

Les Evangiles Ecarlates

 

DU DIABLE DANS LES DETAILS

Si le plaisir ressenti à la découverte des Evangiles Ecarlates est bien réel et souvent frénétique, le texte n’est pas exempt de défaut, à commencer par sa traduction. Parfois approximative, elle peine souvent à retranscrire la fulgurante beauté des phrases  les plus alambiquées de Barker, ou ses ruptures de ton, confondant parfois grossièreté et obscénité.

Et si le roman est habité d’une flamme complice unissant lecteur et auteur, réunis autour de la célébration de deux héros monstrueux, le fil de l’intrigue manque régulièrement de finesse, voire cède à quelques facilités de construction évidente pour qui est familier de l’œuvre de Barker.

On est ainsi souvent circonspect, voire agacé par l’indolence avec laquelle le récit use de ses personnages secondaires, sorte de figurants caractérisés parfois grossièrement, comme des invités de seconde zone, tolérés dans une fête qui ne bénéficie pas réellement de leur présence.

Des défauts indiscutables, qui interdisent aux Evangiles Ecarlates de se hisser au niveau des plus belles réussites de Barker mais n’entament pas durablement le plaisir de retrouver l’artiste en belle forme. Renouant avec les outrances d’Hellraiser, sans pour autant céder aux hypertrophies narratives qui handicapaient déjà Coldheart Canyon, il nous livre en offrande un festival carnassier, dont les images les plus fortes s’accrochent à l’esprit du lecteur tel un piège, mortel mais délicieux.

Les Evangiles Ecarlates

Les Evangiles Ecarlates, de Clive Barker, est disponible en français chez Bragelonne, au prix de 25 Euros.

 

Tout savoir sur Hellraiser - Le pacte

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
west666
24/02/2016 à 14:03

ah si les maisons de prod n'auraient pas refusé le nouveau projet de film ou série prévu soit disant trop violent et trop de sado xxx lol sur ce pretexte le projet est tombé a l'eau a la place ba il faudra se contenter d'un bouquin ba ouai rien a voir quelle tristesse le ciné defois .

Reste un espoir le projet serait repris par des fans
Hellraiser : Origins une video avait été présenté Réalisé par Mike Le Han et Paul Gerrard, "Hellraiser: Origins" était un teaser-trailer qui devait accompagner un pitch envoyé à la société Dimension Films lors de l'été 2012, dans l'idée de faire un reboot de la franchise.
Refusé par la société de production, le projet est devenu ensuite indépendant.

Après plusieurs années de travail, dû notamment à un important travail de post-production, le court-métrage a été présenté hier pour la première fois au HollyShorts Film Festival le 28 Octobre 2015.

http://www.hellraiserorigins.com/