38ème Festival du film de la Rochelle : compte rendu.

Nicolas Thys | 21 juillet 2010
Nicolas Thys | 21 juillet 2010

Festival du film de la Rochelle, 38ème édition. Encore une fois aucun palmarès à attribuer. Ici, tous les films et tous les spectateurs sont mis à pied d'égalité et c'est tant mieux. La sélection est importante et vraiment internationale, les hommages fusent, les rencontres aussi et tout cela se fait dans la meilleure des ambiances. Et voilà le cœur de cette cité portuaire plongée dans un bouillonnement cinéphilique improbable hors de cette dizaine de jours et parfois dans des lieux étonnants. Dans tous les coins, le cinéma s'immisce. Des films d'animation pour les plus petits projetés au plafond d'une chapelle reconvertie en centre d'art. D'autres encore, mettant en scène des animaux, projetés au sein du muséum d'histoire naturelle. Parmi le très beau Signalis de Floyk.

 


 

Et au cours de cette grande semaine, tous les jours accueillies par les sourires de bénévoles dévoués et du thé à volonté, devant le théâtre de la Coursive et les neuf salles de deux CGR, les files d'attente s'étirent, s'allongent. Sur les trottoirs ensoleillés, les festivaliers de tout âge, étudiants comme retraités, attendent l'entrée dans les salles obscures et semblent plus nombreux que les estivants. Non pour voir les dernières sorties ni pour voir des stars mais pour des films parfois octogénaires sinon tournés aux quatre coins du globe dans des contrées toujours peu représentées.

Pour voir des choses différentes. Revoir l'intégrale des films d'Elia Kazan, d'Eric Rohmer, ou de Greta Garbo lorsque sa voix ne perçait pas encore les salles obscures. Mais aussi pour découvrir en leur présence et dans des salles presque combles le roumain Lucian Pintilie, le kazakh Sergey Dvortsevoy, le suisse Peter Liechti, le libanais Ghassan Salhab ou le trop rare Pierre Etaix.

 


 

Pour retrouver les séances spéciales avec en particulier un Retour de flammes, présenté par Lobster et le flamboyant Serge Bromberg avec notamment cette année deux courts métrages de la période Keystone de Chaplin dont les 35 films devraient être édités pour la première fois en DVD en novembre, et la présentation d'Europa film treasures, site de vidéos en ligne auquel participent plusieurs cinémathèque européenne. Egalement une séance de films expérimentaux autour du compositeur Georges Delerue proposée par l'association Braquage. Une nuit blanche autour du compositeur avec notamment deux films peu visibles qui ont divisé : Love de Ken Russell et Le Roi de cœur de Philippe de Broca et un film de corsaire sur le port : Master and commander de Peter Weir.

Ou pour s'abreuver d'autres films.

Parfois anciens car le festival fait la part belle aux distributeurs, souvent là pour présenter et défendre en avant première des films qui ressortiront dans les mois à venir. C'est ainsi qu'on a pu assister à une projection du génial Abattoir 5 de Georges Roy Hill, adaptation d'un classique de la SF de Kurt Vonnegut qui mêle voyage dans le temps, guerre mondiale, extra-terrestres et à propos duquel certain se demandaient à la fin de la projection ce qu'ils avaient pu fumer à l'époque. Juste avant c'est l'étonnant Electra glide in blue de James William Guercio, véritable anti-Easy rider, sorte de road movie faussement idéaliste avec un grand Robert Blake, qui était montré en salle pour la première fois depuis les années 70. Dans ce même genre de séances on ne pourra que trop conseiller de se précipiter pour la ressortie de la trilogie Welcome in Vienna d'Axel Corti, chronique familiale sur des autrichiens pendant la seconde guerre mondiale. Véritable chef d'œuvre, un peu à la manière d'Heimat, mais esthétiquement plus habile.

 


 

Parfois plus récent avec un grand nombre d'avant-première. Retenons la version cinéma de Carlos d'Olivier Assayas et le dernier prix Jean Vigo, Un poison violent de Katell Quillévéré. Mais aussi un petit film mexicain présenté en grandes pompes lors d'une soirée spéciale : Alamar. Produit, réalisé, écrit, monté et photographié par Pedro Gonzales-Rubio, c'est 1h15 de relations père/fils sur trois générations dans une petite île de pêcheurs dans les caraïbes. Savant dosage de fiction et documentaire, cette œuvre simple et touchante est resplandissante.

Mais, dans la très belle sélection du festival, si on ne peut que trop conseiller de découvrir le cinéma roumain avec Lucian Pintilie, la grande découverte restera Peter Lichti et ses œuvres étranges et hors de tout espace et temporalité classique. Souvent expérimentales comme ses films de jeunesse. Tantôt à la limite du comique avec sa proposition autour de Roman Signer, Signer ici. Il s'agit l'un des plus beaux films jamais réalisés autour d'un artiste à partir d'interview et des dispositifs des œuvres explosives, sonore et aqueuse d'un artiste contemporain qui voyage entre l'Italie, la Pologne ou l'Islande. Tantôt froides et dures mais toujours poétique avec un brin de mysticisme comme Le chant des insectes. Film aux multiples références, construit comme un rêve, sans acteur, autour de l'histoire vraie d'un suicide par inanition.

 


 

Avec sa programmation qui évolue tous les ans, ses découvertes multiples, l'accent mis sur des cinématographies anciennes, difficiles mais abordables et ses rencontres nombreuses, le festival du film de la Rochelle est une mine d'or. Dans un cadre idéal avec une vieille ville à visiter absolument, beaucoup moins stressant que les grosses machineries dont on parle plus, c'est le festival à recommander à tous les cinéphiles. Et les glaces de chez Ernest, en face du théâtre de la Coursive, sont inoubliables !

 

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