Festival des antipodes : Interviews

Vanessa Aubert | 21 octobre 2008
Vanessa Aubert | 21 octobre 2008

Alors que la compétition des longs-métrages bat son plein, voici en aparté un aperçu de ce qu'est le cinéma australien aujourd'hui à travers l'œil expert de comédien, réalisateur, producteur, autraliens ou français qui vivent le festival de l'intérieur. Qu'il s'agisse de Nadia Tass, la présidente du jury, chargée d'homogénéiser l'avis du jury pour la clôture de samedi. Que ce soit Manuel Blanc, juré du prix du scénario qui a été remis en début de festival et qui peut donc profiter en spectateur (avisé !) de la sélection. Ou Caroline Gerard, productrice australienne d'un film en compétition The Bet qui attend la fin du festival pour connaître le précieux verdict. Gros plan.

 


Nadia Tass, réalisatrice australienne
Signes particuliers : présidente du jury



Est-ce facile d'être une femme réalisatrice australienne ?


Je réalise des films depuis 21 ans, le faire en Australie est aussi difficile que le faire à un autre endroit du monde!



N'est-ce pas difficile de réaliser un film en Australie quand la production du pays n'est que de 20 films par an ?

C'est vrai que c'est très très difficile. D'abord, vous devez avoir une très bonne idée puis un scénario brillant, un super producteur et enfin trouver l'argent, ce qui peut s'avérer parfois impossible : il y a beaucoup de règles à suivre concernant les financements des films australiens, gérés auparavant par l'Australian Film Finance Corporation et désormais par le Screen Australia. Ensuite, vous devez trouver un distributeur pour le film puis le distributeur veut des acteurs américains qui soient sur la liste des acteurs les plus en vue. Et une fois que vous avez tous ces éléments, vous devez attendre environ 6 ans pour que le film voit le jour!



N'est-on pas un peu frustré de ne pas voir son film distribué à travers le monde ?

La plupart des films réalisés ne sont distribués nulle part! Ils ont la chance d'avoir une diffusion à la télévision ou en DVD, mais c'est très difficile. Parfois, ils réussissent à avoir une petite distribution en Australie mais avoir une distribution internationale c'est incroyable!



Comment percevez-vous l'avenir du cinéma australien ?

Je pense que si l'on fait des films très bons – c'est ce vers quoi nous devons tendre- , des films exceptionnels, ils vont avoir une attention au niveau international. On a eu des périodes particulièrement fastes en Australie comme dans les années 80 qui ont été incroyablement riches pour les films; on a produit les plus brillants réalisateurs comme Peter Weir, Bruce Beresford (NDLR : Miss Daisy et son chauffeur), Philip Noyce mais aussi des directeurs de la photographie incroyables, récompensés aux Oscars notamment.  L'Australie produit en fait des réalisateurs formidables, mais ça n'est pas facile, on travaille très durement.



Quelles différences majeures y-a-t-il selon vous entre les cinémas australien et français ?

J'aime le cinéma français parce qu'il traite des différents stades de l'existence humaine, qu'il est intelligent, drôle et plein de sens. J'aime les films français (notamment La haine de Matthieu Kassovitz, Ca commence aujourd'hui de Bertrand Tavernier) et c'est le cas pour beaucoup de gens en Australie : nous avons des festivals de films français qui ont beaucoup d'affluence. Je crois qu'il y a beaucoup de différences entre votre cinéma et le nôtre. En Australie, les films traitent souvent des plus désavantagés, de ces petites gens qui se battent contre de grosses corporations ou ce genre de choses. Je crois que l'on devient un peu plus complexes maintenant que par le passé parce que la société l'est également, en étant plus forte, plus pluriethnique. C'est très excitant d'être réalisateur en Australie actuellement mais en même temps c'est difficile car il n'y a pas de structures pour l'investissement de fonds privé. Il y a des gens qui souhaiteraient pouvoir investir mais qui, même s'ils aiment et croient en un film, veulent la garantie de récupérer leur argent. Or, en tant réalisateur, on ne peut pas garantir cela.



Le choix final du jury : est-ce le vôtre ou celui de la majorité ?

Le travail de sélection a été vraiment très bon, les 6 films en compétition étaient intéressants, très forts. On a pensé à tout cela avec beaucoup d'attention, on a beaucoup discuté et mon rôle a été d'écouter ce que chacun pensait pour trouver la voix commune à tous. Donc le choix est celui du jury…et le mien!  On était tous d'accord. C'état donc une happy end et it's an happy jury !

 

 

 
Manuel Blanc, comédien français (César du meilleur espoir masculin pour J'embrasse pas en 1992)
Signes particuliers : juré pour le prix du scénario des antipodes



Concrètement, quel était votre rôle sur ce festival ?

J'étais dans le jury de cette 1ère édition du prix du scénario. On a lu avant le festival les 3 scénarios pré-sélectionnés par l'équivalent du CNC en Australie et le prix a été remis lundi (NDLR : scénario de Grace, film d'époque écrit par Jennifer Kent). Il y a 4 ans, j'étais dans le jury des films et j'ai accepté d'être présent cette année pour le scénario car c'est un festival très chaleureux, très intime qui tisse des liens entre la France l'Australie. Et comme mon "travail" était fini lundi, j'ai pu voir tous les films de la compétition!

 


Justement, décelez-vous une "patte" pour le cinéma australien ?

Il y a souvent des films assez durs, je pense notamment à une comédie très touchante qui traitait de l'autisme, The Black Balloon, un film à la fois drôle et très émouvant, très fort. Mais j'ai l'impression que les Australiens ont un cinéma qui est assez déjanté et je suis très sensible à la fibre qui se dégage des univers très différents que l'on a pu voir. En tant qu'acteur de manière générale, je trouve que c'est très intéressant d'être confronté à d'autres cultures, avec des acteurs de pays différents, c'est très enrichissant.



En tant qu'acteur et non plus juré ou spectateur du festival, quels sont vos projets ?

Je répète une pièce de théâtre Parasites de Mayenburg début décembre qui sera début mars au théâtre des Amandiers à Paris-Nanterre. Et je viens de jouer dans un film d'une heure en hommage aux romans de la série noire de chez Gallimard, dans le cadre d'une nouvelle collection de films que France 2 diffusera début 2009. L'adaptation de romans par 6 réalisateurs : 3 femmes, 3 hommes. Je suis dans celle de Laurent Bouhnik et joue une sorte de tueur en série malgré lui, un film de genre teinté d'humour !




Caroline Gerard, scénariste et productrice australienne de The Bet
Signes particuliers : attend la décision du jury !!!



Quel est l'état de la production aujourd'hui en Australie?

L'industrie est petite, l'année dernière il n'y avait que 20-30 films produits et tous n'ont pas été diffusés en salles. La plupart des films sont financés par le gouvernement, c'est donc un vrai challenge de trouver l'argent, de suivre leurs règles et d'en dépendre ainsi. Certains, comme moi, produisent les films en totale indépendance avec des fonds privés mais ça reste peu d'argent. C'est une communauté très amicale mais c'est une industrie très petite. Je vis d'ailleurs depuis le début de l'année à Londres pour avoir plus d'opportunités. Ce n'est pas non plus un lieu évident pour faire des films mais cela offre plus de possibilités qu'en Australie pour développer un réseau, des connections, des relations.



Quel a été votre travail sur The Bet, présenté en compétition ?

J'ai écrit et produit The Bet et un réalisateur est arrivé sur le projet. Il s'agissait de Mark Lee qui est assez renommé dans le cinéma pour avoir notamment joué sous la direction de Peter Weir. Il a été particulièrement utile parce que les gens savaient qui il était, qu'il avait déjà réalisé des films, des courts-métrages et parce que c'était un visage connu! Il a également apporté son regard d'acteur pour le travail de réalisation.


Français ou australien  : quelles sont les différences de nos cinémas ?

La réponse serait vraiment longue! Mais je crois que ces deux cinémas sont très culturellement spécifiques. En Australie, les films sont plus essentiellement australiens par leurs paysages et les gens et nous aimons -le cinéma américain aussi- les personnages héroïques dans des films se terminant par des happy ends, ce qui me semblent plus australien que français ! Il me semble que les Français ont plus d'appréciation de ce qu'est vraiment l'art et de ce que signifie vraiment la vie.



Aujourd'hui quel est l'avenir de distribution de votre film ?

Pour le moment, il a été distribué en Australie mais n'a pas bénéficié d'autant de pubs et marketing que des films américains sortis en Australie! On travaille avec un agent basé à Londres et on cherche un distributeur français et anglais. Le film est montré à l'European Film Market in Santa Monica le mois prochain et on espère qu'il trouvera d'autres distributeurs à ce moment-là!

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.