Brendan Fraser : l'homme qui régressait

Thomas Messias | 17 juillet 2008
Thomas Messias | 17 juillet 2008

Dans le prochain film de David Fincher, The curious case of Benjamin Button, le héros se met subitement à rajeunir, jusqu’à redevenir un mioche. Le scénario est tiré d’une histoire de Francis Scott Fitzgerald, mais il aurait tout aussi bien pu s’inspirer de la vie et de la carrière de Brendan Fraser. Un acteur né adulte, ou au moins adulescent, et qui a ensuite subi une gigantesque crise de régression, jusqu’à devenir un gamin d’un mètre quatre-vingt-onze.

 

 


 


Le saviez-vous ? Brendan Fraser n’a pas débuté dans George de la jungle. Il a tourné auparavant dans une quinzaine de films, pour la plupart assez sérieux, mais qui n’ont pour la plupart connu aucun succès. Né en Indiana en 1968, le jeune Fraser bourlingue beaucoup avec sa famille, entre Ottawa, Londres et Rome, et trouve refuge dans toutes les compagnies de théâtre qu’il croise sur son chemin. Une sorte de moteur, d’unité, rassurante et jubilatoire. Il prend goût aux grandes tragédies et aux petits drames, ne jouant dans des comédies pures qu’à l’occasion. D’où ce début de carrière assez strict, loin de la gaudriole, sur les planches puis au cinéma. Il enchaîne les drames un peu glauques, et pour la plupart pas très réussis, d’où émergent Younger and younger de Percy Adlon et La Différence de Robert Mandel. Il y donne la réplique à Matt Damon et Chris O’Donnell, dans une histoire de foot américain et de discrimination. Pas de quoi sauter au plafond.

 

 


 

 

Alors Fraser s’essaie à la comédie. Ça commence avec le Radio rebels de Michael Lehmann, crétinerie rock avec Steve Buscemi et Adam Sandler ; puis vient Glory daze, film festif et anodin avec Ben Affleck. Deux bides. Après un pathétique remake de J’ai épousé une ombre, Mrs. Winterbourne, il doit se rendre à l’évidence : soit il n’a aucun flair pour choisir ses films, soit il n’a pas assez de talent pour transcender les drames dans  lesquels il apparaît. Il n’y a qu’à voir ce visage et cette dégaine. Fraser n’est pas laid, il est plutôt costaud, mais son allure pataude et son regard hagard le destinent peut-être à un autre genre de cinéma. Alors quand Disney lui propose le rôle principal de George de la jungle, il se précipite. Voilà l’occasion idéale pour lui de montrer ses vrais talents de comique et ses tablettes de chocolat…

 

 


 

 

Là, c’est la révélation. À sa sortie en juillet 1997, George de la jungle séduit petits et grand dadais, et récolte plus de 100 millions de dollars rien qu’aux États-Unis. Une comédie bas de plafond aura fait entrer Brendan Fraser dans le cœur de bien des Américains, là où un paquet de projets plus nobles s’y étaient cassés les dents. Reste à se poser la question qui tue : comment profiter de sa soudaine popularité ? En multipliant les gros divertissements qui tachent pour empocher de substantiels cachets, ou en utilisant sa nouvelle célébrité pour attirer les spectateurs vers des films tenant davantage au corps ? Ayant trop souffert de son insuccès passé, Fraser choisit : il sera marrant ou ne sera pas. Après un dernier intermède « sérieux » où il est des plus convaincants (le génial Gods and monsters), il se tourne définitivement (ou presque) vers la gaudriole.

 

 


 

 

Inspiré par le dessin animé de Jay Ward (créateur de George de la jungle), Dudley Do-Right est une débilité sans nom, dans laquelle Fraser incarne un marshal qui tente de préserver son village canadien d’un vilain industriel voulant inonder la rivière locale avec des nuggets de poulet. Un projet méga ambitieux, et un gigantesque bide au box-office (moins de 10 millions encaissés aux USA pour un budget de 70 millions). Un échec rapidement oublié, puisque Stephen Sommers décide de l’engager pour le rôle principal de La momie, film d’aventures infantile et édulcoré, qui cartonne un peu partout et assoit définitivement la popularité de l’acteur. Fraser résiste étonnamment bien au déferlement d’effets spéciaux en tous genres, qui auraient pu lui faire de l’ombre. Mais non : bien aidé par des situations et répliques bien grotesques (du genre « là on a un sérieux problème » alors qu’il est poursuivi par une méchante momie »), il est un atout considérable pour un film faussement premier degré. Un deuxième épisode suivra en 2001 et connaîtra un succès encore plus grand.

 

 


 

 

Parallèlement au tournage des Momie, Fraser teste différents types de comédie, avec des fortunes diverses. Endiablé, comédie pataude de Harold Ramis, est le meilleur du lot, et le plus populaire auprès des spectateurs. Édifiant. Première sortie, deuxième collaboration de Fraser avec le réalisateur de Dudley Do-Right, est une comédie gentillette qui peine à trouver son public. Quant à Monkeybone, sans doute son projet le plus ambitieux, c’est un bide sans nom, qui ne trouvera même pas le chemin des salles françaises. Réalisé par Henry Selick, en partie animé, le film est l’un des gros regrets de Fraser, qui espérait se construire une crédibilité et, pourquoi pas, attirer enfin les rôles plus adultes. Rien n’y fait : ses plus gros succès sont également ses films les plus régressifs. Fraser est le tonton idéal, celui qui fait marrer les enfants mais peut également les défendre des mal intentionnés. À moins qu’il ne soit lui-même un vrai gosse, le roi de la cour de récré, pouvant à la fois faire le zouave et claquer trois buts pendant une partie de soccer.

 

 

 

 

Alors Brendan Fraser poursuit dans le cinéma junior. Entouré d’une armée de toons, il est le héros des Looney Tunes passent à l’action, sous la houlette du grand Joe Dante. Nouveau plantage au box-office. L’occasion pour lui de réaliser qu’il n’y a pas de recette magique pour connaître le succès, et que les prises de risques peuvent éventuellement être plus payantes que les films qui semblent gagnés d’avance (du dessin animé, des gags, des grimaces). Et hop, voilà le gamin Fraser dans une nouvelle série de drames, d’Un américain bien tranquille à Collision en passant par l’inédit The air I breathe. Dans ces trois films, il se révèle plutôt convaincant, et arrive à faire oublier un temps ses gamineries habituelles.

 

 


 

 

Regonflé par des prestations plutôt appréciées, le revoici au cœur d’un été de blockbusters, avec d’abord ce Voyage au centre de la Terre 3D, qui revisite très librement le roman de Jules Verne afin de donner dans le grand spectacle pour enfants. Puis avec La Momie : la tombe de l’empereur dragon, troisième épisode de la franchise. Rob Cohen a remplacé Stephen Sommers, et une flopée d’acteurs asiatiques (dont Jet Li et Michelle Yeoh) est arrivée, dans le but d’accroître encore l’audience d’un film dont on peut être certain qu’il constituera l’un des cartons de cet été 2008. Fraser ne sera peut-être jamais un grand acteur dramatique, mais il continuera longtemps de faire vibrer les gamins au rythme d’aventures pas forcément trépidantes, mais toujours placées sous le signe la bonne humeur et du tous publics. Pour se consoler, Fraser pourra continuer à exercer ses passions d’adulte, comme la photographie et les voyages autour du monde. Tout en continuant à rajeunir.

 

 


 

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