Les remakes - 1ère partie : la vague asiatique

Vincent Julé | 9 avril 2008
Vincent Julé | 9 avril 2008

En 1997, Hideo Nakata réalise Ring d'après le roman de Kôji Suzuki. S'il ne révolutionne pas le genre horrifique, il le renouvelle avec originalité et impose de nouvelles figures de style, depuis copiées, collées, répétées et finalement dénaturées. Qui peut encore aujourd'hui supporter la vision d'un fantôme tête baissé et cheveux sales ? A l'époque, elle fait pourtant son effet, et le film s'impose comme une référence au gré des festivals et des rares sorties. Avant même de débarquer en France en 2001, il a déjà eu le droit à une vraie fausse suite Rasen, un remake coréen Ring Virus, une suite Ring 2, une préquelle Ring Ø: Birthday et deux séries télévisées.

 

  

 

Mais le film n'est toujours pas sorti aux Etats-Unis - il serait édité en DTV en 2003. DreamWorks a eu tout le temps d'en racheter les droits et de mettre en boîte un remake sous la houlette de Gore Verbinski. Plutôt fidèle à l'original sur le fond, Le Cercle n'en reste pas moins sur la forme une relecture américanisée, spectaculaire. En effet, les ressorts horrifiques et suggestifs sont passés ici à la moulinette numérique. Mais Gore Verbinski est un conteur doué et un faiseur efficace, ainsi le film est habité d'une (re)tenue qui le situe à la croisée des cultures et lui confère une identité propre. On ne peut pas en dire autant de sa suite, réalisée trois ans plus tard en 2005, par Hideo Nakata himself. Déjà metteur en scène de la suite japonaise, il se retrouve ici pris au piège avec un script inepte d'Ehren Kruger et des scènes de flippe aberrantes et contradictoires. Il tente de sauver les meubles en revisitant son thème favori, la famille, faisant de cette séquelle plus une déclinaison officieuse et maladroite de Dark Water, qui lui sera remaké sans imagination par l'original Walter Salles en 2005. Hideo Nakata voulait réaliser un film aux Etats-Unis, il l'a fait. Alors qu'il envisageait de remettre le couvert avec le remake de The Eye avec Renée Zellweger, il semble bien vacciné et préfère retourner au Japon pour Kaidan et L: Change the World, le spin-off de Death Note. Mais ne nous rassurons pas trop vite, en effet, il vient d'être annoncé pour prendre les rênes du Cercle 3. Qui a parlé de malédiction ? 

 

 

Un autre à s'être fait prendre dans une spirale maudite, c'est Takashi Shimizu. Sauf que le petit bonhomme à la caméra assume complètement. Dans le sillon de Ring, il signe en 2000 Ju-On : The Curse et sa suite directement pour le marché vidéo. Deux coups de flippe bien sentis, qui sont rapidement transposés, et un peu affadis il faut avouer, sur le grand écran avec Ju-On The Grudge en 2000 et Ju-On : The Grudge 2 en 2003. Il n'en faut pas plus pour les Américains, et plus précisément Sam Raimi, se penche sur son cas. Le scénariste Stephen Susco mixe plutôt bien les éléments des films vidéo et cinéma, tandis que Takashi Shimizu filme la même maison, les mêmes cheveux fous et la même malédiction. Mais le réalisateur japonais n'en reste pas moins intègre, puisque la même année en 2004, il déconcerte avec l'expérimental et déviant Marebito. Même topo deux ans plus tard, lorsqu'au Japon il réalise Réincarnation et aux Etats-Unis The Grudge 2. D'ailleurs, pour ce dernier, l'illusion ne trompe plus personne. Le film joue l'accumulation, la caricature et il faut voir dans les making of, les réunions entre Stephen Susco et Takashi Shimizu par traducteur interposé. Le premier arrive avec son script, le second veut changer deux, trois trucs et l'autre va s'enfermer dans une pièce pour revoir sa copie. Ils n'auront plus à collaborer, puisque si Takashi Shimizu vient de mettre un boîte un dernier Ju-On : The Grudge au Japon, il ne sera que producteur sur The Grudge 3, réalisé par Toby Wilkins et qui doit mettre un terme à la malédiction. Peut-être même directement en vidéo. Et pour ceux qui ont suivi, oui, Takashi Shimizu a réalisé rien de moins que 7 fois le même film.

 

                         

 

Parmi tous les ersatz qui ont pullulé au Japon, en Thaïlande ou en Corée, deux sortent vraiment du lot : Kaïro de Kiyoshi Kurosawa et La mort en ligne de Takashi Miike. Le premier est un objet cinématographie et social fascinant, qui entre les mains de Wes Craven et du clippeur Jim Sonzero devient Pulse, un produit inoffensif et moche qui cible les jeunes et capitalise sur ses stars issues des séries TV (Kristen Bell de Veronica Mars et Ian Somerhalder de Lost). Reste que deux suites en DTV sont prévues par Phil Joanou, Pulse : Afterlife et Pulse : Invasion, pour fin 2008 ou début 2009. Le second jouit du savoir-faire et de la folie du stakhanoviste Takashi Miike, qui fait de La mort en ligne une sorte de résumé, de synthèse mais aussi de fin du genre. Suivront tout de même deux suites, pendant qu'en 2006, le français Eric Valette (Maléfique) essaie de se dépatouiller avec le remake US, One Missed Call. Tourné au printemps 2006, le film ne sort pourtant que début 2008. Le tournage et le montage auraient été très difficiles pour le frenchie, les test screenings catastrophiques, la sortie repoussée, les projections presse évitées. Le film n'est toujours pas prévu en France, même pas en DVD, mais la critique est lisible ici.

 

                            

 

Ce qui nous amène à The Eye, seul bon film des frères Pang (partis aux USA pour commettre Les messagers puis le remake de leur Bangkok Dangerous) qui depuis sa sortie en 2002 a mis le temps d'être suédé... euh américanisé. Une tâche à laquelle se sont frottés les français David Moreau et Xavier Palud avec peu ou prou le même résultat que les précédentes tentatives. Les Américains semblent en avoir marre de ces portages grossiers d'un pays à l'autre, d'un grand écran à l'autre, comme le montrent des recettes moyennes qui remboursent tout juste le budget ou un pourcentage de critiques positives entre 0 (One Missed Call) et 19  (The Eye) sur Rottentomatoes. Reste à se taper les remakes des derniers succès asiatiques du genre. Ainsi, le thaïlandais Shutter devient chez nous Spirits, réalisé par le japonais Masayuki Ochiai (Kansen / Infection, Saimin / Hypnosis). Encore une belle équation en perspective. De même que l'inspiré et parfois terrifiant 2 sœurs s'appelle aux Etats-Unis The Uninvited et est réalisé par les frangins Charles et Thomas Guard. Même Alexadre Aja, après La colline a des yeux et avant Piranha voire Douce Nuit, Sanglante Nuit, s'y met avec Mirrors, librement adapté - et raté selon les premiers test screenings - d'Into the Mirror du coréen Kim Seong-ho. La boucle est bouclée, le serpent se mord la queue. 

 

                              

 

Et comme si cela ne suffisait pas, le remake de succès asiatiques tend à sortir du simple cinéma de genre. En 2004, Richard Gere remplace Kôji Yakusho dans le remake de Shall we dance ?, et en 2008 c'est au tour d'Elisha Cuthbert d'être My Sassy Girl, d'après la comédie déjanté et romantique de 2001 et avec le français Yann Samuell (Jeux d'enfants) derrière la caméra. Plus qu'un manque de créativité à Hollywood, n'y a-t-il pas aussi ici les premiers signes du cinéma de demain : international, global, uniformisé ?

 


 

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