The Queen - Fiction ou réalité

Louisa Amara | 18 octobre 2006
Louisa Amara | 18 octobre 2006

Entre le 20 juillet 1969 où l'homme posa la première fois le pied sur la lune, et le 11 septembre 2001, un événement marqua l'histoire et le monde entier : le 31 juillet 1997, la mort de la princesse Diana. Aussi incroyable que cela puisse paraître, avec le recul, le décès d'une princesse déchue a provoqué une émotion telle qu'elle en fit trembler le royaume. Le décalage entre la douleur populaire exprimée massivement, et la réserve naturelle mais aussi protocolaire de la famille royale mit en danger la monarchie britannique et marqua définitivement un tournant dans le règne d'Elisabeth II.

Si en France, on a parfois du mal à comprendre l'attachement du peuple britannique à sa souveraine, il ne faut pas oublier le caractère unique de cet Etat, qui ne possède pas de constitution, doit-on le rappeler. Tout repose sur la Reine et le gouvernement qu'elle nomme (pour la forme, certes), élu par les sujets britanniques.
Stephen Frears propose une vision quasi documentaire mais aussi très personnelle du royaume à l'instant le plus tragique de son existence. Bien que l'idée vienne du producteur, Stephen Frears s'est approprié le scénario de The Queen et y a insufflé ce brin d'ironie so british mais surtout son point de vue sur les personnages et les événements. The Queen est avant tout le film d'un britannique de 65 ans ayant toujours connu la Reine comme référence politique, devenu cinéaste et citoyen de gauche, évidemment déçu par Tony Blair.
Le fringuant premier ministre représentait après 20 ans de conservatisme politique (Thatcher puis Major) un changement et promettait une nouvelle ère, celle de la modernité et du social. Instantané d'une époque assez récente, alliant drame, tensions politiques, et émotions, cette fiction apporte des précisions que beaucoup attendait. C'est bien l'un des grands intérêts de ce film. Mais quelques changements ont été apportés :

Pour creuser le personnage de Charles, les scénaristes ont cru bon d'accentuer ses prises de bec avec sa mère. Les biographes et les proches du prince de Galles pourront tous confirmer que l'emportement de Charles dans le film face à la reine, ne correspondrait pas à la réalité.

Dans le film, c'est les yeux embués de larmes que Charles s'adresse à elle et lui reproche son manque de tendresse, de gestes d'affections envers lui. Cette attitude serait considérée comme immatûre par ce prince qui conserve toujours avec sa mère une froideur emprunt de crainte et d'admiration. Même si, en effet, il sait mener le jeu en coulisses et garder les faveur des politiques et des médias.

Les autres personnages de la famille royale sont eux très fidèlement décrits, en particulier le prince Philip, époux de la Reine, dont le cynisme est connu de tous ; de même pour la reine mère, dont l'humour à froid la rend truculente et attachante.
De par leur mimétisme avec les personnages réels, et la précision de leurs dialogues (très réalistes, les sources sont fiables), le trio, Tony Blair, Cherie Blair, Alastair Campbell est déterminant dans ce jeu de ping pong politique, où petites phrases et manipulation des médias sont la règle.

Concentré sur la famille royale d'un côté, Tony Blair et son équipe de l'autre, le film montre finalement assez peu mais suffisamment l'hystérie collective qui s'empara des anglais durant ces premiers jours de deuil national. Grâce à Adam Curtis, documentariste qui travaille régulièrement avec Frears, on redécouvre des images d'archives extrêmement parlantes et précises. La folie des tabloids est, elle, bien montrée, The Mirror et The Sun en tête, essayant de vendre le plus possible et d'échapper à la vindict populaire (leurs paparazzis suivaient bien évidemment Diana 24h/24) en détournant l'attention sur la reine et son manque de réactions affectées. Très tôt, dès la première semaine, les rumeurs les plus folles couraient sur les causes de l'accident, certains parlaient déjà de complot, d'un accident commandité par la reine qui aurait voulu se débarasser d'une princesse déchue trop gênante. Irrespectueuses et ridicules, ces rumeurs ne sont pas reprises dans le film.

Entre documentaire et fiction, The Queen révèle le dessous d'un événement pourtant connu de tous et maintes fois disséqués, en y apportant un éclairage nouveau et passionnant. Faisant le pari osé de la critique quasi immédiate, les faits ne remontent qu'à une dizaine d'années, et les personnages sont toujours en excercice, Stephen Frears montre encore s'il en était besoin à quel point les Anglais sont exceptionnels par leur audace et leur style inimitable.

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