Le Concile de Pierrre - Preview
Jean-Christophe Grangé est décidément un auteur à la mode : sur ses
cinq romans déjà publiés, tous ont fait ou vont faire l'objet d'une
adaptation cinématographique. Après Les Rivières pourpres par Mathieu Kassovitz et L'Empire des loups par Chris Nahon, voici le troisième en date, Le Concile de Pierre,
par Guillaume Nicloux. Il faut dire qu'a priori, les livres de Grangé
ont tout pour attirer les producteurs : chacun d'entre eux mêle des
histoires abracadabrantes, aux développements inattendus et
spectaculaires. Du TNT sur grand écran, en somme.
À
défaut d'être crédibles, ces romans de plage ayant une fâcheuse
tendance à trop se prendre au sérieux n'en demeurent pas moins des
thrillers relativement efficaces. Mais l'expérience a montré que ce qui
peut éventuellement passer à l'écrit a de fortes chances de casser lors
du passage à la pellicule. Les films de Mathieu Kassovitz et Chris
Nahon en sont des exemples criants. Dans Les Rivières pourpres, un dénouement fatalement bâclé anéantissait l'intérêt d'un développement pour le moins intriguant. Quand à L'Empire des loups,
c'est un véritable ratage qui ne pense qu'à styliser un sujet devenu
totalement risible à l'écran. Le semi échec de l'un comme la nullité
cosmique de l'autre s'expliquent par une volonté bien légitime de
simplifier des intrigues trop alambiquées, et par un désir de donner
avant tout dans le grand spectacle. À cet égard, les producteurs sont
au moins aussi responsables que les metteurs en scène.
Voilà pourquoi la tâche qui incombe à Guillaume Nicloux est des plus
ardues : faire d'un roman de Jean-Christophe Grangé un film crédible et
inattaquable, dans lequel les yeux et les neurones en auraient pour
leur argent, mais où les zygomatiques resteraient au placard pendant
deux heures. Le choix d'un réalisateur comme Nicloux semblait d'abord
assez surprenant, mais à bien y réfléchir, il était nécessaire
d'engager un cinéaste exigeant, apparemment capable de concilier gros
budget et cinéma intelligent.
Dans
ses trois premiers films, Guillaume Nicloux se distinguait par une
volonté de donner une approche singulièrement différente du polar.
Après un Poulpe rigolard qui n'oubliait jamais d'être sanglant, Nicloux s'est enfoncé un peu plus dans la noirceur avec Une affaire privée, film noir crasseux et retors, avant de carrément sombrer dans les ténèbres de Cette femme-là,
véritable enfer sur Terre, malsain et irrespirable comme pas deux. Si
aucun de ces trois longs métrages ne s'est révélé totalement concluant,
il faut lui reconnaître un sens incontestable de la mise en scène, une
écriture originale et sans concessions, et un vrai talent à obtenir
d'acteurs inattendus des performances sidérantes. Que ce soit chez
Darroussin, ou plus encore chez Lhermitte et Balasko, Nicloux a su
saisir la part d'ombre de ses comédiens et les exposer sous un jour
totalement nouveau.
S'il se produit la même chose dans Le Concile de Pierre,
tout le monde risque d'être furieusement surpris : pour le rôle
principal de son film, celui d'une mère célibataire prête à tout pour
retrouver son fils adoptif, Nicloux a engagé Monica Bellucci. Mais
qu'on ne s'attende pas à des décolletés plongeants et à un personnage
voluptueux et charmeur : Diane est avant tout une mère qui ne vit que
pour son fils, porte de la laine polaire et affectionne les cheveux
courts. Souvent raillée pour des prestations approximatives où mettre
son corps en avant la dispensait visiblement d'être crédible (voir
l'exemple du récent Combien tu m'aimes ?), la belle Monica a tout de même montré par le passé quelques jolies velléités de comédienne (Agents secrets, Irréversible).
Réussir cette prestation difficile serait un joli pied de nez aux
critiques. Étrangement, Nicloux refuse de parler de contre-emploi,
arguant qu'il ne fait que choisir des acteurs qu'il a envie de faire
tourner. Il est vrai qu'à la base, il avait choisi Sophie Marceau, qui
correspondait mieux au personnage de Diane, avant que celle-ci ne
change d'avis pour conserver toutes ses chances d'être choisie pour Da Vinci Code (raté,
c'est Audrey Tautou qui finit par remporter ce cadeau empoisonné). Il
n'empêche que voir Bellucci dans ce genre de rôle constitue l'une des
véritables attractions de ce Concile de pierre.
C'est
la première fois en trois films que Jean-Christophe Grangé ne s'occupe
pas lui-même de l'adaptation de son roman. Le scénario du Concile de Pierre est signé par un quatuor constitué de Franck Magnier & Alexandre Charlot (ex-auteurs des Guignols et scénaristes de Maléfique), Stéphane Cabel (Le Pacte des loups)
et Guillaume Nicloux lui-même. Une association qui semble idéale :
mélange de thriller et de film d'aventure avec des relents de
fantastique, un tel scénario nécessite d'être parfaitement dosé.
D'autant que Nicloux affirme que tout le côté fantastique de l'intrigue
sera suggéré plus que réellement montré, ce qui exige un maximum de
finesse scénaristique. Sans rentrer dans les détails, Le Concile de Pierre
suit une femme sur les traces de son fils adoptif, fraîchement kidnappé
par une organisation secrète en Mongolie. Il semble régner autour de
l'enfant une sorte de mystère flirtant avec le surnaturel. Un point de
départ intriguant pour un développement qui ne l'est pas moins.
Tourné de septembre à décembre 2005 en Mongolie et en région parisienne, Le Concile de Pierre bénéficie d'un casting hétéroclite et séduisant : outre Monica Bellucci, on annonce également Catherine Deneuve, Sami Bouajila, Elsa Zylberstein, ou encore Moritz Bleibtreu. Même l'équipe technique sent le soufre : le chef opérateur de Cronenberg, l'ingénieur du son de Roman Polanski Coproduction européenne, le film a tout pour être un grand succès. Mais Nicloux, lui, veut visiblement plus : une réussite artistique pour une reconnaissance nationale, voire internationale. Honnêtement, on n'y croit qu'à moitié. Mais pourquoi pas : s'il parvient à s'affranchir de l'univers de Grangé pour injecter à son film ses propres exigences, Nicloux a de quoi rendre une copie intéressante. Réponse le 15 novembre prochain.