Arthur et les Minimoys - Preview
65 millions d'euros et six longues années de travail : c'est ce qu'aura nécessité la fabrication d'Arthur et les Minimoys,
le nouveau film de Luc Besson, dont la sortie française est prévue pour
le 13 décembre prochain (et le 12 janvier 2007 aux Etats-Unis).
À la base, Arthur et les Minimoys
est un livre pour enfants, le premier d'une série de quatre, tous
signés par Besson lui-même. Mais le véritable inventeur du monde
d'Arthur se nomme Patrice Garcia, un artiste qui souhaitait en faire
une simple série télévisée mais qui a cédé devant les avances répétées
de Besson. Avant même que soit évoquée publiquement l'idée d'en faire
un film, il n'était pas bien difficile de deviner que l'adaptation
cinématographique était prévue depuis le début par Besson l'homme
d'affaires. Le style des livres n'a rien de littéraire : les
descriptions de l'auteur sont rudimentaires, les phrases sans fioriture
(sujet verbe - complément), et le temps utilisé est le présent, qui
donne aux romans un aspect vraiment trop simpliste (pour ne pas dire
simplet). En fait, avec un peu de recul, les livres de Besson
ressemblent moins à des romans qu'à des ébauches de scénario. C'est
tout juste si l'on ne distingue pas le découpage des plans et les
mouvements de caméra. On ne peut qu'applaudir le businessman : sortir
d'abord des romans avant d'en faire des films, c'est réduire les
risques en arrêtant la casse en cas de bide, et c'est le moyen en cas
de succès d'avoir déjà public conquis.
Luc
Besson justifie Arthur comme un moyen de véhiculer à ses enfants (et
éventuellement à ceux des autres) des messages simples sur des thèmes
aussi essentiels que l'écologie et le respect de l'autre. Arthur est un
jeune garçon qui se lance à la recherche d'un trésor dont il a appris
l'existence dans un message secret laissé par son grand-père. Une quête
qui va bientôt le faire basculer dans le monde des Minimoys, petits
êtres malicieux vivant au fond de son jardin. L'occasion de divertir
petits et grands (enfin, surtout les petits) en leur faisant prendre
conscience que notre vieille Terre mérite qu'on prenne soin d'elle. On
reconnaît bien là la naïveté du style Besson : des métaphores
accessibles au service de messages simples.
D'une certaine manière, Arthur et les Minimoys est un
peu le testament de Luc Besson, sa manière à lui de passer
définitivement la main. Sortez vos calculettes : il s'agit là de son
dixième long-métrage, et donc de son dernier. Besson a toujours crié
haut et fort qu'il arrêterait de réaliser après dix films. Ainsi, si Arthur et les Minimoys
devient une franchise (ce qui devrait être le cas, les ventes du film à
l'étranger remboursant déjà une bonne partie du budget), les suites
devraient être réalisées par d'autres, Besson restant dans l'ombre. Une
manière aussi de lancer des jeunes réalisateurs de son écurie
EuropaCorp.
On sent aussi un désir fort cher le barbu le plus célèbre de France (derrière le Père Noël) de concurrencer les Harry Potter et autres Narnia,
dont le succès n'est plus à démontrer, et de prouver ainsi qu'il est
possible de monter des hits mondiaux sans passer par la case USA. Cela
a toujours été une idée fixe chez Besson : le fait qu'il ait nommé sa
société EuropaCorp n'est d'ailleurs pas innocent. Mais si Arthur et les Minimoys
est un film français (comme toujours, Thierry Arbogast, Éric Serra et
les autres sont de la partie), il a tout de même été tourné en langue
anglaise et avec des acteurs anglophones. À la tête du casting, Freddie
Highmore (le Charlie de Tim Burton) et Mia Farrow (l'ex-muse de Woody
Allen, longtemps absente des écrans, et qui poursuit son come-back
après la très oubliable Malédiction de John Moore). Également au programme, rien de moins que les voix de Madonna, David Bowie et Snoop Dogg.
Car Arthur et les Minimoys
n'est pas un film comme les autres : il mêle prises de vues réelles
(quand Arthur évolue dans le monde des humains) et scènes d'animation
(lorsqu'il se trouve plongé dans l'univers de Minimoys). Un double pari
pour Besson, qui a tourné live en Normandie avant d'aller s'enfermer
avec les graphistes et les animateurs de Buf Compagnie. Une école
spécialisée qu'il a créée lui-même (avec son compère Pierre Buffin)
afin de former des techniciens au savoir-faire irréprochable (mais
calibré, diront certains).
Lors du dernier festival de Cannes, quelques minutes d'Arthur et les Minimoys
ont été présentées à des acheteurs potentiels. Peu après, le premier
teaser du film a débarqué sur les écrans. Contrairement à la tradition
bessonienne, qui veut que les informations sur les films soient
délivrées à la petite cuillère, les premières images donnent d'ores et
déjà une idée assez précise de ce que sera le produit fini. Ainsi, on y
découvre sous de nombreux angles le petit monde des Minimoys, ce qui
permet de porter un premier jugement sur l'animation : elle semble
exécutée de façon plus que correcte mais avec un léger manque d'âme et
un côté un peu trop lisse. Clairement, le film semble s'adresser aux
enfants, ce qui risque de faire perdre à Besson son combat avec Harry
Potter.
On
a tellement raillé la paranoïa de Luc Besson et son obsession du secret
à tout prix qu'on ne peut pas vraiment critiquer son désir d'être plus
accessible à ceux qui attendent son Arthur et les Minimoys.
Mais le film ne possède pas ce mystère capable de susciter la curiosité
du spectateur potentiel. Il restait un gros point d'interrogation
autour du film, mais celui-ci vient d'être levé : il concernait les
voix françaises des personnages. Cela faisait un petit bout de temps
que Besson claironnait sa fierté à propos de celles-ci. On le comprend
: comme le disait la rumeur propagée depuis quelques temps, c'est bel
et bien la rarissime Mylène Farmer qui double la princesse Selenia. On
a hâte d'entendre ça. À ses côtés, deux autres chanteurs : Marc Lavoine
prête sa voix au personnage de Darkos, et surtout l'inattendu Alain
Bashung entre dans la peau du terrible Maltazard. Sans pouvoir dire
pour l'instant si ces voix sont réussies, on ne peut que reconnaître le
caractère prestigieux du casting vocal et comprendre la satisfaction de
Besson à propos de celles-ci. Et à propos de son film tout entier.
Mais quoi qu'il en soit, après l'échec cuisant de son Angel-A, Besson a tout intérêt à croiser les doigts afin que le public soit suffisamment attiré par son projet pour se rendre en masse dans les salles obscures. Sans quoi ses dernières cartouches de réalisateur auront un goût salement amer.