Don Coscarelli, biographie

Patrick Antona | 20 février 2006
Patrick Antona | 20 février 2006

Né à Tripoli le 17 février 1954 mais élevé en Californie, tout comme Steven Spielberg et George Lucas, c'est à l'âge de 18 ans que Don Coscarelli entame le tournage de Jim the World's greatest, drame teenager sur les ravages de l'alcoolisme. Financé par son propre père, la réalisation du film s'étalera sur trois ans et il réussira à être vendu à la Universal pour une diffusion à plus ou moins grande échelle. Même si le film ne connaît pas de succès, Don Coscarelli enchaînera en 1976 sur Kenny & co, basant son action lors d'une soirée de Halloween vécue à travers les yeux d'un enfant. Sa carrière cinématographique, basée sur l'indépendance, et sa vision toute particulière d'une Amérique provinciale et de ses enfants, est désormais lancée.

Mais c'est en 1978, qu'il réalise son coup de génie avec la création de Phantasm. Film fantastique unique et fascinant, au croisement de l'horreur gothique et de la SF, avec son croque-mort hantant les couloirs du caveau de Morningside et transformant les cadavres en nains destinés à être esclaves dans une dimension alternative. Phantasm, distribué en 1979 via Avco Embassy (défunte société qui distribua entre autres The Fog et New York 1997) est un gros succès et traumatise toute une génération de jeunes spectateurs qui n'iront plus s'amuser comme avant dans les cimetières ! Rêve éveillé d'un adolescent frappé par un traumatisme, Phantasm , visiblement inspiré de Invaders from Mars de 1953 mais aussi de La Foire des ténèbres, récit de Ray Bradbury, pas encore adapté au cinéma à cette date, possède son lot de séquences oniriques et horrifiques qui ont marqué les esprits. Les différentes apparitions du « Tall man », figure désormais emblématique du cinéma fantastique et interprétée par le hiératique Angus Scrimm, préfigurait un certain Freddy Krueger dans l'interprétation du « boogeyman » tourmenteur via les rêves. La sphère argentée et meurtrière, plantant sa vrille dans la tête de ses victimes, sont les points marquants qui font de Phantasm un film culte dès sa sortie, autant aux USA qu'en Europe.

Face à celui qui deviendra l'icône effrayante de la série, le débutant Michael Baldwin (rien à voir avec la fratrie si chère aux créateurs de South Park !), associé à Bill Thornbury dans le rôle de son frère et Reggie Bannister dans celui du marchand de glaces pourfendeur de gnomes, arrivent à faire naître une émotion qui restera la marque de fabrique d'un film au style fondateur. Scènes gores assez copieuses, avec sexe à la clé et atmosphère angoissante se mêlent avec bonheur dans une œuvre qui est devenue un classique, à l'instar des films de John Carpenter ou de Wes Craven de la même époque.

En 1982, Don Coscarelli tente l'aventure de l'heroïc fantasy, genre alors en vogue (Conan le barbare, L'Epée sauvage, Dark crystal sortiront cette année) et réalise Dar l'invincible (The Beastmaster en VO). Bien qu'affublé d'un titre français qui ne lui épargna pas quelques jeux de mots peu subtils, et quelque peu renié par son auteur qui entra en conflit avec son producteur, Sylvio Tabet, à propos du montage final, Dar l'invincible est un film d'aventure qui tient la route. Avec l'athlétique Marc Singer dans le rôle du valeureux héros (avant la série V et les productions Corman) et une atomique Tanya Roberts (sortant à peine de la dernière saison de Charlie's angels) dont le bikini on ne peut plus seyant est pour beaucoup dans le souvenir ému que l'on garde du film, ce long-métrage, malgré un manque de moyens évidents, assume le côté « fantasy » avec bonheur. Sorcières, zombies portant des tenues de cuir faisant très bondage, hommes chauve-souris se succèdent au fil d'une intrigue classique de trône volé et de magicien à châtier, où le héros, vague cousin de Conan, est aidé par des animaux sauvages qu'il commande par télépathie : un aigle, deux furets et une panthère noire (en fait un tigre grimé). Le film fut un succès mais dégoûté de l'expérience, Don Coscarelli déclina l'invitation à faire une séquelle, ce que fit inconsidérément son producteur en signant un Dar l'invincible 2, en 1990, versant dans le Z …

S'ensuivit une période de vaches maigres, où aucun des projets menés par Don Coscarelli ne réussit à être mené à bien, il fut un temps annoncé à la barre de Screamers, histoire de SF violente rédigée par Dan O'Bannon, mais le film ne vit pas le jour. Il fut finalement réalisé en 1995 par le canadien Christian Duguay et distribué en France sous le titre Planète hurlante, avec Peter Weller. En 1986, Don Coscarelli filme Survival quest qui, comme le titre l'indique, est un survival basique, où un groupe de randonneurs arpentant les Rockies affronte un groupe paramilitaire particulièrement violent. Avec Lance Henriksen, Dermot Mulroney et une Catherine Keener débutante, ainsi que Reggie Bannister, éternel habitué des films de Coscarelli, le film connaîtra quelques problèmes avec la censure et sera peu distribué (officiellement en 1989) et terminera directement sur les étagères des vidéoclubs.

En 1988, sollicité par les producteurs et les nombreux fans, Don Coscarelli accouche d'une suite à Phantasm pour un deuxième opus orienté plus action, sûrement un effet collatéral de la série des Freddy qui cartonnait à l'époque. Bizarrement, le rôle de Mike est cette fois-ci interprété par un acteur plus connu, James LeGros, remplaçant Michael Baldwin, toujours accompagné de Reggie Bannister dans une histoire tirant plus sur le road-movie, avec pour le coup une légion de nains et des sphères encore plus meurtrières et avec, toujours comme meilleur effet spécial de la série, le retour d'Angus Scrimm dans le rôle du « Tall man » encore plus indestructible. Phantasm II fait dans la surenchère, s'offrant même un duel à base de tronçonneuses, laissant un peu de côté l'ambiance cauchemardesque qui imprégnait le film original mais le succès est au rendez-vous, se transformant en une malédiction pour son auteur qui se verra obligé de continuer à faire des suites. Le seul fait positif étant que Don Coscarelli garde le contrôle sur sa franchise, tous les films étant scénarisés par son auteur. En 1993, Phantasm III (sous-titré Lord of death) marque le retour de sa vedette initiale, Michael Baldwin dans le rôle de Mike et toujours Reggie Bannister en comparse qui affrontent l'indestructible « Tall man » dans un monde en voie de décomposition, accompagnés d'une redoutable guerrière noire et d'un enfant armé d'un Frisbee mortel ! Si cette fois-ci l'action se concentre à nouveau dans un mausolée, incluant des flash-backs des deux premiers films, l'histoire tourne un peu en rond et marque le coup, Don Coscarelli se donnant le luxe d'une fin ouverte plutôt facile, preuve d'un certain essouflement.

Et d'embrayer en 1998 sur un Phantasm IV, au sous-titre de Oblivion, dernier en date de la saga, où cette fois-ci sont données les origines du « Tall man » et où les sphères meurtrières sont douées d'une forme de conscience. En faisant naviguer son héros (encore Michael Baldwin) à travers le temps et les dimensions pour revenir à la fameuse nuit originelle du premier film, Don Coscarelli se sert de scènes inédites du montage de 1979, permettant ainsi de retrouver Bill Thornbury. Ces séquences viennent s'intégrer harmonieusement dans un récit plus ambitieux que dans les précédentes séquelles. Le cinéaste réussit le délicat équilibre entre le film de genre commercial tel qu'on l'appréciait dans les années 1990 et les multiples éléments d'emprunts et de récupération de sa propre saga, faisant de ce quatrième épisode une relativement bonne surprise. Et d'annoncer à la suite un ultime volet à la clé, Phantasm's end, mais qui n'a pas encore vu le jour.

Et puis en 2002, le miracle arrive avec Bubba Ho-Tep, comédie horrifique où Don Coscarelli fait entrer deux mythes en collision, celui d'un Elvis Presley toujours vivant opposé à un des monstres vedettes du panthéon du film d'horreur, la momie. Avec comme star du film Bruce Campbell, autre personnage à part entière de toute une frange d'un cinéma que l'on aime, l'auteur de Phantasm réussit l'exploit de se rappeler à toute une génération de fans tout en créant un nouvel engouement culte, malgré une diffusion assez chaotique. Démontrant qu'il possède toujours un savoir-faire à toute épreuve, avec en main un scénario des plus délirants, il évite le piège de la parodie et signe un film émouvant sur les laissés-pour-compte d'une Amérique qui oublie ses gloires, tout en réussissant à faire peur et rire à la fois. Réussite artistique et commerciale, Bubba Ho-Tep lance peut être les bases d'une nouvelle franchise avec une suite d'ors et déjà prévue au titre de Bubba Nosferatu ! Revenu dans la cour des grands, Don Coscarelli est de l'aventure Masters of horror, anthologie parrainée par Mick Garris et où il est associé à des talents reconnus comme John Carpenter, Joe Dante, Dario Argento pour n'en citer que quelques uns. Il signe un des meilleurs épisodes de la saison 1 en 2005 avec Incident on and off a mountain road, histoire effrayante d'une survivante d'un accident automobile traquée par un serial killer appelé « Moon face », avec toujours Angus Scrimm en second rôle (et qui est devenu un de ses proches amis à la longue !).

À l'image de ces metteurs talentueux que sont George A. Romero ou Sam Raimi, chacun avec sa série qui les caractérise tant, Don Coscarelli a réussi à se faire une place à part dans le genre fantastique et est redevenu, auprès des amateurs, un auteur avec qui il faut encore compter.

Tout savoir sur Bubba Ho-tep

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