Compte rendu du Festival de Biarritz

Damien Vinjgaard | 7 octobre 2005
Damien Vinjgaard | 7 octobre 2005

Mardi 27 septembre. 9h00.
Couvrir un festival en commençant par rater le train qui vous y amène, ce n'est pas un bon début. Toutefois pas d'angoisse, le festival du cinéma et des cultures latines de Biarritz avait ouvert la veille avec la projection du premier film de la compétition O Veneno da Madrugada de Ruy Guerra. En plus d'un train, un film de retard, donc.

Petit rappel pour ceux qui ne connaissait pas ce site l'année dernière. L'évènement s'appelait jusqu'à présent le Festival de La CITA. Changement de nom parce que changement d'organisation, mais toujours le même credo : le continent Sud américain et son nouveau cinéma. En 2004, le festival avait réservé trois bonnes surprises. D'abord la présentation de Whisky Romeo Zulu d'Enrique Pineyro. Magnifique thriller aérien autobiographique complètement passé inaperçu en juin et ce malgré une critique dithyrambique. Ensuite, la présentation de Punto y Raya d'Elia Schneider. Pas vraiment marquant pour sa qualité mais pour la présence d'Edgar Ramirez à l'affiche du prochain Tony Scott, Domino, histoire de pouvoir crâner dans les rédactions en annonçant connaître ce quasi-inconnu. Enfin la merveilleuse rétrospective El Futuro Masaca consacré au cinéma de science-fiction mexicain (à lire en lien parce que c'est très bien). Pour contrebalancer cela, un seul gros manque, mais pas des moindres, l'aspect festif. Pas de lieu branchouille pour brancher, pas de bar VIP pour s'accouder, bref, La CITA avait du cœur mais pas de corps. Le pire fut une soirée terminée dans un karaoké à écouter du Balavoine repris par des piliers de comptoir. Peut-être les nouveaux organisateurs avaient-ils eu vent de mes déboires ? Toujours est-il que je suis, cette année, logé en face du dit bar.

La compétition commence en revanche bien puisque le premier film, Noticias Lejanas de Ricardo Benett, est un petit choc formel. Sur la trame d'un jeune garçon errant entre ville et campagne au Mexique, le réalisateur développe un mise en scène maniériste assez bluffante. Composition parfaite du cadre, somptueuse photographie captée en lumière naturelle. Même si le sujet semble déjà vu et si chaque geste semble suivre une chorégraphie parfois ampoulée, le film rappelle l'esthétisme naturel et le rythme lent d'un Terrence Malick. Comme il aurait été criminel de gâcher le souvenir de ce film en en regardant un autre, direction le Village qui est la promesse par les organisateurs d'un retour du festif. Situé dans le casino qui s'est vu transformé en casa avec vue sur la playa, le pari semble réussi. Concert avec piste de danse pleine, petite mais bonne ambiance, seule l'infâme mojito servi au bar brise l'entrain. Dommage que mon obstination à tester les cocktails ne me permette pas de rendre compte de la fin de nuit.

Mercredi 28 septembre. 8h00.
Réveil avec le sourire aux lèvres car malgré les conditions physiques, à Écran Large on tient à assister aux projections du matin. Le film est pourtant aussi difficile à regarder qu'à prononcer. Gaijin 2, Amame como Sou de Tizuka Yamazaki raconte le récit de quatre générations d'une famille japonaise installée au Brésil. L'œuvre est une suite (le 2 est un indice). Sans avoir vu le 1, on peut dire que la séquelle est moins bien. Lent, pétri de bons sentiments jusqu'à ce grand moment de comique involontaire digne d'un Pierre Richard de la grande époque : un bellâtre brésilien (lunettes fumées et cuir d'aviateur, s'il vous plaît) fait croire à une héroïne qu'elle lui a roulé sur le pied afin de l'embrasser, navrant. Comme l'après-midi est libre (car à Écran Large on tient à manger son B.N. en paix) ballade à la plage. Godferdom… pas de serviette et pas le courage de braver l'hôtel en amenant une des leurs. Plus qu'à attendre les deux films du soir.

D'abord Alma Mater de Alavaro Buela. Mi-fantastique mi-compréhensible, l'histoire porte sur les hésitations d'une caissière un peu grenouille de bénitier qui se lie d'amitié avec un transsexuel alors qu'elle est harcelée par un vieil homme en manteau long. Du grand n'importe quoi, qui récoltera quand même le prix d'interprétation féminine. Ensuite, vient le soldat Ryan argentin, Iluminados por el fuego de Tristan Bauer qui traite de la Guerre des Malouines. Inutile de mesurer le degré d'horreur des combats, ceux-ci valent tous les autres dans l'effroi. Preuve en est, l'émotion de l'auteur du livre autobiographique dont est tiré le récit, lorsqu'il raconte au public son histoire. En s'asseyant près de moi, il m'ôte le courage de partir en plein milieu de la séance. Dommage, car la mise en scène ne fait pas preuve d'originalité et a l'efficacité d'un téléfilm. Reprenant le principe de la caméra à l'épaule, le film a quelques moments bien vus. Trop peu en fait. Un peu échaudé par cette journée qui m'éloigne du très beau Noticias Lejanas, je file au Village. Mes résultats avec la gente féminine étant ce qu'elle sont après quelques verres, je ne m'attarde pas trop. Juste quelques mots avec J….. En vain, donc dodo.


Jeudi 29 septembre. 11h00.
Après une préparation rapide, je pars interviewer Ricardo Benett, le réalisateur de Noticias Lejanas. Quarantenaire charmant dont les formations d'architecte, de cinéaste et de photographe (au centre Georges Pompidou) ne m'impressionnent pas du tout. Non, monsieur. Il me confirme avoir tourné entièrement en lumière naturelle à hauteur d'1/4 d'heure par jour (Non, toujours pas épaté). Il m'apprend également qu'il a été refusé par la semaine de la critique car il refusait de couper ¼ d'heure à son film (Non vraiment pas).

La journée-film commence, elle, à 17h30 avec El Trato de Francisco Norden. Sur le fait divers d'une équipe de télévision anglaise qui avait bidonné un reportage sur les cartels de la drogue, le réalisateur a construit un film inepte. Sans cadre, sans jeu, sans envergure cinématographique. Puis vient la grosse machine comique du festival, Cachimba de Silvio Caiozzi. Cette grosse farce sur l'amour entre les filles un peu larges et les hommes aux ambitions démesurées arrache les rires mais désole un peu par le manque d'éclat du scénario. Cela devient une coutume, la pente me descend jusqu'au bar du village puis près de la piste de danse où je vibre intérieurement sur les rythmes enflammés. Intérieurement ça veut dire qu'en apparence, j'ai l'air figé de fatigue. Une bière à la main (je me suis fais une raison quant au Mojito) je croise A., ancien journaliste cinéma et nouvellement scénariste / surfeur. Il est à Biarritz pour son deuxième hobby et je lui promets d'assister à ses débuts sur une planche le lendemain. Quelle erreur…

Vendredi 30 Septembre. 9h30.
Après avoir regardé A. se prendre des gamelles dans l'eau pendant ½ heure, j'abdique. Keanu Reeves surfant les vagues géantes après une semaine d'entraînement, restera donc un mythe. Direction le cinéma où passe Maroa de Solveig Hoogesteijn à 12h. Grand mélo sur une petite fille des ghettos qui s'en sort grâce à la musique. Tellement attendu et carré que l'on en vient à regarder le film avec une distance dubitative. Des produits lacrymales, il n'y en a pas qu'à Hollywood. L'avant dernier film, Dibuen dia a papa de Fernando Vargas Villazon, est lui plutôt salutaire dans le cinéma latin. L'histoire est une démythification de la figure du Che. Dommage que lancé dans une déchronologie intéressante, le film finit par être confus.
Pas vraiment convaincu par ma journée, j'hésite à faire l'impasse sur Tatuado d'Eduardo Raspo. Cela aurait été une erreur car l'histoire (un jeune garçon parti à la recherche de sa mère qui lui a tatoué une mystérieuse mangouste sur le bras) est un petit bijou de sensibilité. Inventivité dans les scènes, économie dans la narration et réel suspense. Ben tiens, le film raflera le grand prix du festival.

Ragaillardi par cette grande surprise, je rentre rêver dans ma chambre d'hôtel à toutes les choses bien que je pourrais faire dans ce monde. Ben la seule possible à Biarritz et dans l'immédiate, c'est aller au bar du Village des festivités. Je ne sais trop comment mais je me retrouve à trois heures du matin sur le port un verre de rouge à la main. Comment ai-je atterri là après avoir discuté avec A. (un autre), N. et E. (ça fait beaucoup d'initiales…). Histoire de terminer la soirée en bon citoyen, j'appelle la police pour arrêter une rixe plutôt violente. Réponse : «_ Pas de voiture pour l'instant… ». J'attends rêveur en regardant ces jeunes ivrognes se lancer des beignes. Est-ce le début d'un Fight club ?

Anecdote : Encore sur un petit nuage dans le train du retour, je manque de peu de me vautrer sur Isild Le Besco en allant chercher des Mikado dans le wagon-restaurant. Serait-ce un signe ? Mais de quoi ? Que son prochain film sera bien ? (NDR/ Pas du tout Damien ! Ceux qui ont vu Backstage à la rédac peuvent déjà t'assurer du contraire).

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.