Nazi, amour et voyages dans le temps : le grand classique tiré d'une histoire vraie (oui)
À l’hiver 1972, tout le monde n’a d’yeux que pour Le Parrain. Toutefois, un cinéaste passé sous la vague délivre alors son avant-dernier chef d’œuvre, Abattoir 5, petite perle SF à cheval entre l’iconoclasme de la Nouvelle Vague et le cinéma frondeur du Nouvel Hollywood. Il est temps de prendre le taureau par les cornes !
Publié en mars 1969 aux États-Unis, Slaughterhouse-5 traverse la frontière française sous un titre nébuleux, Abattoir 5 ou la Croisade des enfants. Avec ce cinquième roman, Kurt Vonnegut signe son premier succès commercial après des années de disette. « C’est une histoire vraie, plus ou moins. Tout ce qui touche à la guerre, en tout cas, n’est pas loin de la vérité. » Le propos liminaire donne la couleur d’un roman autobiographique à la lisière de la SF.
L’exercice d’équilibriste a priori casse-gueule demande à son auteur de poser des mots sur une névrose de guerre. Vonnegut rouvre les portes de la chambre froide de Dresde où il a été fait prisonnier par la Wehrmacht en tant qu’aumônier, peu avant le bombardement de la ville par l’United States Air Force en 1945. Une expérience matricielle qui sert d’argument à une œuvre sans véritable point de départ.
Abattoir 5 suit le va-et-vient d’un « veuf gaga », Billy Pilgrim, à travers les couloirs du temps, de sa naissance à sa mort, en passant par son abduction sur la planète Tralfamadore, où des extra-terrestres l’observent copuler avec une starlette, Montana Wildhack. Délire lysergique ou chef d’œuvre iconoclaste ? La réponse se loge probablement dans cet entre-deux. À l’instar de son contemporain Philip K. Dick, Kurt Vonnegut a accouché d’un monstre de littérature tenu pour inadaptable au cinéma. Et le réalisateur George Roy Hill, son adaptateur, d’un Prix du Jury remis par Joseph Losey à Cannes, en 1972.
Les couloirs du temps
George Roy Hill mentionne à peine Abattoir 5 dans l’un des très rares ouvrages qu’on lui a consacrés. La postérité n’a retenu de ce réalisateur - injustement taxé de « faiseur chevronné » - que trois œuvres, certes essentielles pour appréhender le cinéma américain des années 70, mais souvent alignées comme on dresse une liste de courses : Butch Cassidy et le Kid, La kermesse des Aigles et L'Arnaque.
Le profil du cinéaste, très érudit, ne cadre pas avec sa profession. Après des études en musicologie à Yale, Hill devient pilote de chasse dans le Pacifique Sud pendant la Seconde Guerre mondiale. Sa pension de l’armée l’aide ensuite à financer une formation théâtrale à Dublin. Le virus de l’art dramatique inoculé, il entame une carrière de comédien à Broadway, avant d’être à nouveau appelé sous les drapeaux en Corée. Au sortir de la guerre, il devient réalisateur pour la télévision, puis metteur en scène au théâtre, expérience qui lui ouvre les portes du cinéma.
L’implacable critique Pauline Kael fustige la facture « implacablement impersonnel[le] » de ses films, pour la plupart des comédies légères relevées d’une pointe d’ironie. Son western amusé Butch Cassidy clôt les sixties sur un mode doucement inquiet. Abattoir-5, qu’il hésite à réaliser dans la foulée, affinera ces nuances de gris.
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19/02/2024 à 12:38
Vu adolescent, absolument rein compris à l'époque, voila qui me donne envie de le revoir.