La Ligne rouge : le grand film de guerre saboté par son propre réalisateur (et tant mieux)

Léo Martin | 7 octobre 2023
Léo Martin | 7 octobre 2023

En plus d'être un film de guerre culte, La Ligne rouge de Terrence Malick est une œuvre touchée par la grâce... malgré le désastre de son montage.

Un film bousillé peut cacher en lui un chef d'oeuvre. Certaines oeuvres perçues à leur sortie comme confuses, inachevées ou maladroites, doivent leur sort à un montage final calamiteux. La faute revenant à un trop-plein d'ambition ou à une production chaotique. Parmi ceux-là, La Porte du Paradis de Michael Cimino (et ses 5h25 initiales devenues 2h40 à sa sortie) ou La Forteresse noire de Michael Mann (seulement 90 minutes sur 3h30 conservées). Des films maudits, rejetés par la critique et le public, même si partiellement réhabilités des années plus tard.

Aucun film ne peut se relever après avoir été coupé en deux et charcuté. Aucun... sauf La Ligne rouge. Ce monstre cinématographique de Terrence Malick ne durait pas moins de 6 heures à l'origine. Un peu long pour les salles... Il a fallu faire plus court. Plus de la moitié du film a ainsi été définitivement supprimée pour obtenir sa version finale de 2h50. Une oblitération massive pour le film de guerre qui aurait dû en précipiter le massacre. Pourtant, comme touché par la grâce, La Ligne rouge n'en ressortit que meilleur. 

 

La Ligne rouge : photo Il faut sauver le film de Terrence Malick 

 

Pourquoi si long ?

La durée initiale de La Ligne rouge s'explique d'abord par son très large casting. De nombreux comédiens (et parmi eux plusieurs stars) figurent dans le bataillon envoyé pour prendre aux Japonais l'île de Guadalcanal. Malgré leur grand nombre, chacun est censé avoir son propre arc narratif et ses scènes introspectives. Or, vous imaginez bien que si dans Le Nouveau Monde (également réalisé par Malick) les réflexions philosophiques de seulement trois personnages comblent deux heures, celles d'une dizaine de soldats peuvent durer une éternité.

D'autant que la démarche de Malick est de ne favoriser aucun de ses personnages. Il se refuse à créer une figure de héros, car la glorification du combat ou du guerrier le rebute (une scène avec Sean Penn est là pour l'expliciter). Chaque humanité doit en valoir une autre. Ainsi, toutes les voix internes des personnages doivent converger vers une seule voix universelle. Un monologue commun à tous les hommes. "Peut-être que tous les hommes font partie d’une seule âme, gigantesque, reflétant le même homme" peut-on ainsi entendre entre deux sanglants affrontements. 

 

La Ligne rouge : photoMalick parvient à filmer la multitude sans jamais perdre de vue les individus

 

Comment donc diviser son film en deux quand on a autant de personnages à construire ? Eh bien, c'est impossible. Cette voix totale que le film souhaite créer ne peut en effet qu'être rompue. Alors toute son ambition (très louable) chavire...  et il n'y a plus qu'à attendre le naufrage. Et pourtant, ce que va faire Malick avec son montage final sauvera la donne. Mieux encore : cela épurera son film et son propos esthétique. S'il ne parviendra plus à conserver un traitement équitable entre tous ses personnages, il en renforcera le symbolisme global. 

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commentaires
MIL
09/10/2023 à 17:21

J'ai beaucoup de mal avec Malick sur ces 4 derniers films, mais celui-ci est majestueux. Il me boulverse à chaque visionnage au point de le mettre de façon récurrente dans mon top 5.

MrDy
08/10/2023 à 22:13

Je n'avais pas aimé ce film à l'époque. Je l'ai revu la semaine dernière. Il m'aura fallu quelques années et un peu plus de maturité pour enfin l'apprécier. Le casting est juste phénoménal.

Eddie Felson
08/10/2023 à 20:56

Long, très long, contemplatif… bref, ch.ant!
Aucune envie de le revoir un jour!

Un chef d'œuvre en barre
08/10/2023 à 19:25

Un chef d'œuvre en or massif
À voir exclusivement en VO, je suis tombé par hasard sur la VF récemment, une horreur, surtout la voix de Jim Cazievel dans la voix off introductive. La VF fait perdre toute la poésie du film
Sinon de l'or en barre, le point d'orgue de la carrière de Malick qui ne retrouvera jamais plus cet état de grâce

@tlantis
08/10/2023 à 11:25

La ligne rouge film que j’avais vu en projection presse à l’époque et été parti avant la fin tellement je m’embêtais .
Revu quelques semais après et j’ai commencer à l’apprécier , film qui s’apprécie pour de plus en plus avec le temps . Mais je suis pas fan de Terence.

Autrement j’aurais tellement voir la version longue des 3 films cité dans l’article

Eddie Felson
08/10/2023 à 10:19

@Eomerkor
Tu dis “ même si la redux est intéressante (le récent "final cut" est plus une meetoo version qu'un jet définitif”…. mais que vient faire meetoo dans l’enfer vert de Coppola?!?!?

Eomerkor
08/10/2023 à 09:43

Les durées de montages annoncés sont souvent des rough cut. Il en existe un pour apocalypse now et il circule sur le net. Il faut tailler dedans pour que ce soit cohérent. Je préfère la version ciné d'apocalypse now qui est nettement plus dans le ton de la mission de Willard même si la redux est intéressante (le récent "final cut" est plus une meetoo version qu'un jet définitif....) Parfois un long cut devient une mini série comme pour le bateau. Il arrive qu'avec une version longue on obtienne un film différent comme pour Kingdom of Heaven.
Pour ce qui est de la ligne rouge les 2h50 me conviennent parfaitement. Je me souviens encore d'avoir été sublimé lors de sa sortie.

Redwan78
08/10/2023 à 00:44

Agréablement surpris qu'ils n'ont pas fait une version director's cut pour une plateforme. La ligne rouge version Malick. Bientôt on passera la journée pour regarder 2 films. Je pourrais pas enchaîner la ligne rouge et ensuite le Snyder cut's. 10h à rester assis.

Birdy l'inquisiteur
07/10/2023 à 21:04

Je ressors de la séance ciné assommé par le film, incapable de dire un mot dessus tellement son impact vibre encore en moi. J'entends à peine les insultes de mon pote à coté qui a détesté. Une forme de grâce l'habite, et semble nous emmener très haut observer la beauté et sa destruction inéluctable. Parce que la Nature est ainsi faite, renfermant en elle même souffrance et renaissance.

La Classe Américaine
07/10/2023 à 20:51

La douche froide a surtout été pour Adrian Brody qui, à l’origine, avait le rôle principal et qui découvre finalement lors d’une projection presse qu’il est relégué à de la figuration de luxe…

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