Poucelina : le conte sombre que Disney n'a jamais osé faire

Judith Beauvallet | 25 juin 2023
Judith Beauvallet | 25 juin 2023

Si Poucelina n’est pas le film d’animation qui a le plus marqué la carrière de Don Bluth, il s’agit pourtant d'un très bel exemple de la patte si particulière d’un réalisateur qui, face à Disney, a su donner aux enfants une vision du monde alternative.

S’il y a bien un réalisateur qui a su rivaliser avec Disney dans le cœur des enfants (et des adultes) au cours des années 80 et 90, c’est bien Don Bluth, à la tête de chefs-d'œuvre de l’animation comme Brisby et le secret de NIMHLe Petit dinosaure et la vallée des merveilles et Anastasia. Les meilleurs films de Bluth se sont démarqués par leurs univers volontiers plus sombres et plus adultes que ceux des autres productions pour enfants. Poucelina, co-réalisé en 1994 aux côtés de Gary Goldman (producteur des films de Bluth et aussi coréalisateur d’Anastasia), est une adaptation du conte La Petite Poucette, écrit par l’écrivain danois Hans Christian Andersen et publié en 1876.

Il y est question d’une jeune fille minuscule, née d’une fleur chez une femme qui n’avait pas d’enfant, qui se perd en forêt et qui y vit mille mésaventures avec divers animaux personnifiés, jusqu’à tomber dans les bras du prince des fées qu’elle épouse. Tout comme Le Petit Chaperon Rouge ou Boucle d’Or et les Trois Ours, La Petite Poucette est un conte plein de métaphores pas très subtiles pour mettre en garde les jeunes filles contre l’adversité masculine. Don Bluth en propose une adaptation fidèle (bien qu’étoffée), et s’il ne s’agit pas de son chef-d'œuvre, Poucelina charme par la manière dont il jongle entre messages angoissants et émerveillement. Décryptage d’un film (presque) d’horreur (presque) enfantin.

 

Poucelina : photo PoucelinaBalade en Poucette

 

DiSNEY ET DISNIAIS

Poucelina fut un ratage complet au box-office, puisqu’il ne rapporta que 17 millions de dollars après en avoir coûté 28 (hors inflation). Comment l’expliquer ? Le film est-il tout simplement mauvais, comme les critiques l'ont rapporté à sa sortie ? L’appréciation est relative, puisque la légende raconte que lors d’une projection-test, Poucelina avait reçu de meilleurs retours après que le logo de la Warner Bros. ait été discrètement remplacé par celui de Disney.

Quoi qu’il en soit, le film est loin d’être exempt de défauts, qui expliquent qu’il soit aujourd’hui beaucoup moins reconnu que certaines œuvres de Bluth : entre les passages d’une niaiserie trop poussée, les incohérences de scénario, le design plus ridicule qu’amusant de certains personnages... Par bien des aspects, Poucelina pèche là où le public pardonne à Disney, mais pas à d’autres. Néanmoins, l’explication la plus probante est sans doute le ton si particulier du film. Loin de la mièvrerie édulcorée des films pour enfants habituels, mais pas non plus complètement du côté du très noir Brisby et le Secret de NIMH, Poucelina joue une musique ambigüe qui trompe sans arrêt les repères du spectateur.

 

Poucelina : photoPoucelina et le pouce duquel elle tient son nom

 

Pourtant, sa posture est tout simplement celle adoptée par le conte original d’Andersen (et par tous les contes de fées) : celle d’une aventure angoissante et bourrée de sous-entendus sur les dangers encourus par les jeunes filles, mais qui regorge d’éléments poétiques et enchanteurs. Pour comprendre quelle est la part sombre mal digérée de ce joli petit film, il faut s’interroger sur le type de violence qu’il représente, et comment.

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