Hero : l'anti-Tigre et Dragon qui a ressuscité le genre

Dans la foulée de l'impressionnant succès de Tigre et Dragon, l'industrie du cinéma chinois enfonce le clou du Wuxia avec Hero, sous l'impulsion du réalisateur Zhang Yimou et des stars Jet Li, Maggie Cheung ou encore Donnie Yen. Longtemps délaissé au profit du polar urbain, le film de sabres retrouve dans les années 2000 la place qu'il mérite.

En 1995, le public hongkongais prenait de plein fouet la dernière folie de Tsui Hark. The Blade, Wu Xia Pian nihiliste et d'une violence incontrôlée, creusait en effet la tombe du film de sabres, en plein boom du polar. Partisan de la politique de la terre brulée, le fantasque réalisateur-producteur déconstruisait, comme à son habitude, toute la noblesse inhérente au genre abordé. En dépeignant une Chine alternative dépouillée de toute notion d'héroïsme, Hark retournait son audience, mais aussi tous les principes du Wuxia, en ne laissant derrière lui qu'un tas de décombres fumants.

Difficile alors pour le cinéma HK, puis chinois, de s'attaquer de nouveau au genre après un tel choc terminal. Il faudra attendre cinq années, et le début de l'ère post-rétrocession, pour retrouver le film de sabres sous une nouvelle forme. Ang Lee, fasciné par la pentalogie de la grue de fer, très gros morceau de la littérature Wuxia, décide d'en réaliser une adaptation sous la forme d'une coproduction étalée entre la chine, Taiwan, Hong Kong et les États-Unis. Vous l'aurez reconnu, il s'agit bien de Tigre et Dragon.

Wu Xia Pian ouvertement destiné à draguer le public occidental, le long-métrage d'Ang Lee ne rate pas sa cible, squatte les sommets des box-offices et s'adjuge, parmi d'autres récompenses, quatre Oscars, dont celui du meilleur film en langue étrangère. Mais malgré l'engouement populaire, les initiés goutent assez peu à cette relecture du genre, certes spectaculaire, mais dépouillée de ses thématiques traditionnelles. 

 

Les puristes du Wuxia face à Tigre et Dragon

 

soft power

Du côté de la Chine, la réussite de Tigre et Dragon fait froncer des sourcils. Le triomphe d'une coproduction exploitant les traditions littéraires de l'empire du Milieu et réalisée par un Taiwanais est en effet plutôt mal perçu et c'est Zhang Yimou, réalisateur assez proche du parti communiste, qui se voit chargé de porter haut les couleurs du film de sabres.

Diplômé de l'académie de cinéma de Pékin, Yimou n'a pourtant pas toujours été le cinéaste officiel de l'administration chinoise. Influencé par la nouvelle vague française, le natif de Xi'an a même porté à plusieurs reprises un regard critique sur les valeurs traditionalistes continentales. Son entrée, avec Hero, dans le segment du cinéma de divertissement marque un tournant majeur de sa carrière, qui sera ensuite principalement jonchée de morceaux de bravoure patriotique.