Black Panther 2 : comment Marvel a réglé son gros problème de super-héros

Antoine Desrues | 14 novembre 2022 - MAJ : 14/11/2022 15:25
Antoine Desrues | 14 novembre 2022 - MAJ : 14/11/2022 15:25

Suite au décès de Chadwick Boseman, Black Panther : Wakanda Forever cherche ses icônes super-héroïques. Et si c’était là que le film était le meilleur ?

La suprématie des super-héros sur nos écrans, qu'ils soient grands ou petits, est telle que Black Panther : Wakanda Forever est bien malgré lui une incongruité dans le sillage algorithmique de Marvel Studios. Le décès tragique de Chadwick Boseman a laissé ce deuxième opus orphelin, privé d'un personnage principal dont la force de frappe a rendu impossible l'hypothèse d'un simple re-casting.

En devenant le porte-étendard d'un phénomène de la pop-culture enfin tourné vers l'Afrique, l'acteur a engendré un lien entre son propre militantisme et celui de son personnage T'Challa. Marvel s'est d'ailleurs dès le départ amusé à jouer avec cette ambiguïté méta, dès lors que la rédemption de Tony Stark dans le premier Iron Man traçait un parallèle avec la rédemption de Robert Downey Jr., alors sorti de ses addictions et de ses problèmes avec la justice.

En bref, Chadwick Boseman était Black Panther, et sa disparition, transposée dans la diégèse pourtant bien rodée du MCU, devient un étonnant bug dans la machine. Une absence qui en met en exergue une autre : la place de l'humain dans le monde des super-héros.

ATTENTION : SPOILERS

 

Black Panther : Wakanda Forever : photoBas les masques

 

À court de super

Dès son plan-séquence introductif (et étonnamment efficace) qui tombe comme un couperet, Wakanda Forever marque ce qui sera son motif principal : la dépossession. Le film est non seulement dépossédé de son héros, mais les personnages sont surtout dépossédés d'un fils, d'un frère ou d'un ami. Par ailleurs, c'est tout le système de Marvel qui est soudainement privé d'une forme de magie, celle qui rassure les spectateurs au fil des opus et des itérations sous tous les formats de son univers : sa longévité, et sa manière de faire perdurer des icônes comme peuvent le faire les comics.

Paradoxalement, l'usine inarrêtable se voit rattrapée par la réalité de cette transposition en live action. La leçon est presque terrible : dans ce monde rassurant où la mort est rarement permanente (cf. le claquement de doigts de Thanos qu'il est possible de corriger), Marvel est bien contraint de l'intégrer à ses plans, et de traiter ses personnages en conséquence.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photoLe MCU en deuil

 

Cette dépossession devient ainsi dans Black Panther 2 un outil aussi narratif que métaphorique. Sans protecteur, le Wakanda est victime d'attaques d'autres états, et traverse une crise existentielle à la hauteur de celles des protagonistes. Killmonger ayant brûlé les fleurs qui donnent ses pouvoirs au super-héros dans le premier film, sa suite peut exploiter ce filon pour enlever les apparats et les attributs de ces surhumains.

Et c'est là que réside la particularité du long-métrage : Ryan Coogler effeuille les corps qu'il filme pour les mettre petit à petit à nu, épaulé par sa caméra plus sensible et naturaliste, au plus proche des visages, héritée de son passé dans un cinéma indépendant charnel (Fruitvale Station). De la sorte, il révèle de véritables personnages, en les obligeant à se confronter à leur désespoir et leurs fêlures. Même lorsqu'il doit composer avec l'introduction forcée de Riri Williams en Ironheart, c'est pour la priver très rapidement de son armure jusqu'au climax.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photo, Dominique ThorneSans Jarvis, la fête est plus folle

 

Contre le Marvel Comedy Club

Pourtant, s'il y a bien une chose sur laquelle Marvel Studios est critiqué depuis de nombreuses années, c'est l'inconsistance de ses caractérisations de personnages, réduits pour la plupart à des pancartes ironiques qui déconstruisent le monde fantasque qui les entoure (et la paresse scénaristique régulière de la firme) par l'humour et le second degré.

Leurs super-pouvoirs et leurs armures en deviennent à force une sorte de palliatif, un mur infranchissable vers des émotions et des traumatismes enfouis derrière le besoin de "coolitude". Cette vision sans enjeu est tellement devenue un code inhérent au MCU que seuls les réalisateurs les plus habiles ont su pirater. On pourrait citer James Gunn et sa manière de psychanalyser l'égocentrisme de Star-Lord dans Les Gardiens de la galaxie (surtout le 2), mais le cas le plus évident reste celui d'Iron Man 3.

Shane Black ne fait pas qu'y injecter les codes du buddy-movie tel qu'il l'a popularisé. Il pousse Tony Stark à une introspection essentielle, à la confrontation d'un traumatisme qu'il dissimule dans ses armures. Celles-ci sont moins traitées en tant qu'alter-ego ou extensions surhumaines qu'en tant que cage. Ironiquement, là où Chadwick Boseman nous a tragiquement quittés des suites d'un cancer, Tony Stark s'émancipe de ses armures par une opération médicale, qui lui retire enfin l'arc-réacteur attaché à son cœur comme une tumeur métastasée.

 

Iron Man 3 : Robert Downey JRÊtre ou ne pas être Iron Man...

 

Dans Black Panther 2, la privation de super-pouvoirs devient synonyme d'enjeux. Non seulement on prend peur pour des héros qui ne sont plus invincibles, mais ils sont forcés d'affronter cette humanité restaurée. Les voilà à parler, sans évitement, de leur colère, de leur souffrance, et même des problématiques politiques que le premier film était contraint de conserver au second plan. Shuri et Namor partagent la même peine, et leur rapport au pouvoir a le temps d'être développé.

C'est d'ailleurs pour cette raison que Wakanda Forever déçoit fortement dans sa dernière partie, qui retourne sur les rails confortables du divertissement à la Marvel, avec climax explosif bourré de CGI, poses badass, phrases sentencieuses et des héros de nouveau planqués derrière des tonnes d’habilités super-héroïques (Black Panther, Midnight Angels, Ironheart, tout le monde y passe). Comme si le film avait toute sa première partie à compenser, il nous prouve que le MCU ne peut pas totalement dériver de sa formule établie, alors qu'en parallèle, on en vient à une étonnante illumination : Black Panther 2 n'est jamais meilleur que lorsqu'il est dénué de super-héros.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photo"Comment ça, je sers à rien ?"

 

Wakanda : No Way Home

À vrai dire, ce film en particulier nous rappelle à quel point Kevin Feige et ses équipes se sont éloignés de la substantifique moelle des comics qui leur servent de socle. Contrairement à la concurrence DC, qui joue d’une mythologie cosmique s'apparentant à une dimension divine, Marvel n’a finalement que peu de dieux dans son roster. C’est d’ailleurs pour cette raison que Spider-Man reste l’icône la plus populaire de la marque : il n’est qu’un adolescent qui essaie péniblement de trouver l’équilibre entre sa vie de tous les jours et ses responsabilités super-héroïques.

Les personnages de Marvel sont avant tout des humains qui s’extirpent de la masse par leurs capacités exceptionnelles, mais ça ne les empêche pas de rester des membres actifs de la société. Or, le MCU tend à isoler ses super-héros dans une tour d’ivoire, au-delà même de la base des Avengers.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photo, Danai Gurira, Letitia WrightUne certaine idée du swag

 

Depuis que les frères Russo ont pris la barre de la franchise, il est aisé de voir que les rues des diverses villes visitées ont été petit à petit dépeuplées. Les héros sont réduits à un entre-soi, et deviennent la métonymie de la menace que représente Thanos sur l’entièreté de l’univers. 50% des êtres vivants risquent de disparaître, mais on a seulement peur pour nos personnages préférés, qui se battent d’ailleurs sur une planète désolée, ou sur une plaine vide du Wakanda.

Sur ce point, Black Panther 2 en profite pour corriger ce manque, et fait de son pays imaginaire un véritable décor de cinéma, peuplé de passants, de magasins et d’habitations, si bien que l'on comprend en une poignée de plans le fonctionnement de cette société avancée et alternative, surtout lorsqu’elle se fait attaquer par Namor.

Certes, ses protagonistes restent des puissants, des nobles qui détiennent le pouvoir, mais le film prend le temps de les mettre face à leur condition de souverains et de diplomates. Ils doivent protéger les leurs, et composer avec leurs émotions, plutôt que de juste être des personnages d’action qui foncent dans le tas.

 

Black Panther : Wakanda Forever : photoAttention : une ville

 

Ryan Coogler en profite alors pour – trop succinctement – dériver du modèle établi, et faire de Shuri une héroïne rongée par la vengeance, au point d’être consumée par elle dans le dernier acte. Wakanda Forever fait ce qu’il peut pour façonner sa place en tant que simple humaine contrainte de reprendre le rôle de son frère, et d’endosser l’image de protectrice de la nation.

À l’heure où le MCU amène les premiers Avengers à devenir des inspirations pour une nouvelle génération (Kate Bishop, Ms. Marvel), les super-héros sont renvoyés à leur nature originelle : celle d’être des modèles pour le monde. Mais encore faut-il que leur humanité ne se perde pas en cours de route, ce qui est presque en creux l’interrogation méta de Marvel face à son propre système de franchise ultra-libérale.

Au milieu de tout ce fatras, Black Panther 2 résiste comme il peut à la machine, et même si le résultat est plus qu’imparfait, on saluera ses moments de calme et d’introspection, jusqu’à cette scène post-générique où l’image de Chadwick Boseman vient hanter une ultime fois la saga, non pas en tant que super-héros, mais en tant que père.

Tout savoir sur Black Panther : Wakanda Forever

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Badaboum
17/11/2022 à 20:15

Plus ça va et plus j'ai l'impression que pour qu'un super-héros plaise aux critiques il faut qu'ils ne soient ni super, ni héros. Y'a un moment où si on veut pas que le protagoniste gagne à la fin, qu'on le trouve plus intéressant sans pouvoirs ou quand il est dans un gris moral post-moderne, peut-être que c'est le spectateur qui n'est pas fait pour les super-héros, et pas la faute des codes du genre. Le cinéma de super-héros est rempli de déconstructions pour plaire à ceux qui au fond n'aiment pas vraiment le genre, mais ça ne suffit jamais, il faudrait que tout soit un exposé du fait que les super-héros sont des nuls névrosés. Pourtant des nuls névrosés c'est pas ce qui manque dans le cinéma déjà, mais non, c'est maintenant la seule manière de plaire à ceux qui se pensent intellectuels, et il est interdit de proposer des morales simples et claires sous peine d'être traité de naïf, voir de fasciste.
Pas que je sois complètement en désaccord avec l'article, même si comme souvent la critique a une mémoire sélective, comme par exemple ignorer que la réalité a déjà forcé le MCU a retirer des personnages comme Tony Stark, ou la présence importante de "non-supers" dans de nombreux films. Mais force est de constater que quand on lit ce que beaucoup veulent pour les films de super-héros c'est moins de super et moins de héros. C'est un peu comme dire que les drames intimistes devraient avoir plus de scènes d'action et de protagonistes qui gagnent à la fin, c'est ridicule.
Il y a de la place pour tout, ça devient énervant cette réclamation que des simples divertissements rappelons-le tout d'abord faits pour les enfants devraient ressembler à un indie primé à Sundance.

Flo
17/11/2022 à 13:18

Attention, dans les fameux comics Marvel, la foule des badauds a très souvent été traitée sur un angle misanthrope. En les présentant beaucoup comme des ingrats de mauvaise foi, incapables de remercier des héros de les avoir sauvé sous le prétexte que ceux-ci sont des grandes gueules, pas toujours subtiles et pas tous très beaux.
Et enfermant ainsi ces héros dans un système de colère et de culpabilité, impossible de trouver une place dans le monde... Un sacré excès de pathos (pour se donner un genre dit sérieux), devenu lourdingue à force de se systématiser pour presque tout les héros, et pas seulement un Hulk, un Spider-Man ou des mutants.

On en a un peu fini avec ça depuis quelques années, et c'est tant mieux : maintenant, la plupart des héros Marvel sont un peu moins vilipendés et reste surtout considérés comme des stars "accessibles", car proches du peuple par leur caractère commun malgré leurs super-pouvoirs. D'autant plus que beaucoup d'entre eux n'ont pas d'identité secrète - ni dieux ni masques, toujours éloigné de DC.
Donc ils sont ce que Nous pourrions être, là où ceux de DC sont ce que Nous aimerions être.
Les films MCU se permettant alors de ne pas toujours avoir de "civils de service", représentant la part humaine de ces surhumains... Car ils l'ont déjà, cette part. Avec aussi bien la volonté bien faire, que le second degré sur le fait que toute leur existence est littéralement une blague, avec ces costumes bariolés et ces éclairs de lumière etc.
Venus des "comics"... C'est obligé que ça soit très souvent comique.

ordalie
15/11/2022 à 14:47

Donc pour sauver le MCU fallai copier James wan et Aquaman plutot que de faire une intrigue politique sur le trone car le MCU pense que ses fan son immature!
Non le nouveau black panther es une version sans ame d'aquaman!
Il sauve rien du tout la phase 4 reste une catastrophe pire que la phase 2 qui avai au moin soldat d'hiver pour sauver les meubles!

Meuk
15/11/2022 à 13:42

@Lazarus Les hommes te manquent ? Faut-il rappeler qu'en termes d'égalité des sexes on part de très très loin avec le MCU ? Le premier Avengers ne contenait qu'une seule héroïne pour 5 super-héros (blancs, soit dit en passant) et qu'il a fallu 20 films (et 10 années) avant qu'une super-héroïne Marvel ait droit à son propre film. Alors oui, depuis quelques temps, on assiste à l'arrivée de nombreux personnages féminins et c'est pas forcément fait de la manière la plus subtile ou la plus originale mais je ne vois pas en quoi le fait qu'il y ait autant de personnages féminins peut être un problème en soi.

Lazarus
15/11/2022 à 12:37

@Mister Devil
Lol,les gens qui disent que c'est une merde alors qu'ils ont soi-disant quitter la salle au bout de 15 minutes.Comment tu fait pour dire après 15 mn que c'est de la merde alors qu'il ne c'est rien passer!!! Tu fait un beau troll,c'est tout!

Ce que je trouve chiant,c'est que disney persiste à vouloir remplacer tout les super heros par des femmes.Ca ne marche qu'à moitier ou pas du tout et c'est pénible! Qu'il y en ai,normal.Qu'il y en ai trop,ça suffit!!! Bientot y aura plus que des femmes au commande des avengers.Hulk est ridiculiser,pas grave,ont va mettre she-hulk.Idem pour thor 4,tony stark,aussi remplacer probablement par Ironherat.
Black panther 2,c'est des femmes,des femmes et encore des femmes.Même Martin Freeman n'est quasiment pas présent dans le film.Faites chier disney,très sincèrement.

souleater34
15/11/2022 à 08:16

Analyse pertinente qui renforce mon opinion sur Marvel qui ne rime plus avec merveille depuis longtemps. Lorsqu'on a passé son adolescence sous perfusion marvelienne, quel plaisir d'avoir pu voir ses héros au cinéma. Après la série L'incroyable Hulk, il y eut enfin les X-Men, puis SpiderMan et enfin les films du MCU qui devinrent très vite routiniers et pénibles dans leur structure (avec pour exception Black Panther 1 qui a eu un impact politique et émotionnel mondial). Depuis, leur cinémathèque a quasiment atteint le niveau zéro,, tant par leur scénarios, leur manque d'originalité, leur paresse, leur avidité monétaire et leur w o k i s m e forcené qui en devient, à force, indigeste. Donc fini le rêve...

Loozap
14/11/2022 à 22:57

Il y a certaines apparitions qui font rêver juste à voir

rientintinchti2
14/11/2022 à 20:09

Ah là là que vous me régalez les zozios.
Toutes ces guéguerres entre les pro marvel et les pro dc alors que tout ça c'est la même soupasse fadasse à base d'au de chiottte usée et périmée. Quand je lis que certains qualifient ces films de chef d'oeuvre, je ne vois pas de la sf, je suis en pleine sf.
Dingue, j'aurais jamais cru voir une telle régression de mon vivant. Quand je pense qu'il y a un temps où on voyait des Hitchcock, des Ford, des Hawks, des Capra, des Carpenter, des Verhoeven dans le cinoche hollywoodien et que maintenant on a ça. C'est juste dingue... Continuez à me régaler les copinous. Je me marre les zozios. C'est mieux que Idiocracy et en 3D.

Gregdevil
14/11/2022 à 17:14

Belle analyse.

C'est dommage d'ailleurs que le dernier tiers du film retombe dans les travers du BB avec ses scènes de combats en veux tu en voilà.

@Mister Devil
Comment peux tu affirmer avoir vu le film si tu as quitté la salle au boit de 15 minutes ? Niveau crédibilité on repassera. Surtout pour affirmer derrière que Black Adam est un chef d'œuvre.

Mister devil jc
14/11/2022 à 16:43

@oliviou
Surtout, ne le fais pas. Ce truc est une bouse innommable qui ne mérite pas le nom de film.
C'est la pire chose que marvel ai pondu et de très loin.
J'ai même pas tenu 15 minutes devant ce spectacle horrible et j'ai vite quitté la salle (qui était quasiment vide parce que personne n'est intéressé par ce monument de m*rdes que marvel à sorti)
C'est vraiment pathétique. Le pire film que j'ai pu voir au cinéma de toute ma vie. Je devrais même intenter un procès à Disney pour me faire rembourser après être allé voir cette arnaque.
Honnêtement, tu devrais aller voir black adam qui est un véritable chef d'oeuvre comme tout les films DC d'ailleurs

Plus