Bubba Ho-tep : quand Elvis combattait une momie suceuse de fions en EHPAD

Simon Riaux | 26 juin 2022
Simon Riaux | 26 juin 2022

Être une légende n'a rien d'une sinécure, à fortiori quand plus personne ne croit à votre aura. La preuve avec Bubba Ho-tep, dans lequel Elvis et Kennedy s'allient pour affronter une momie meurtrière.

Le biopic épique consacré à Elvis est depuis quelques heures sur les écrans français, après un passage remarqué du côté de la Croisette et de ses paillettes. Mais bien avant que le réalisateur de Roméo + Juliette se lance le défi de narrer cette destinée hors-norme, un autre cinéaste, moins connu mais pas moins valeureux, avait appréhendé le mythe. À sa manière.

Prêt à botter des fondements, sucer des âmes par le rectum, tout en revisitant pas moins de deux légendes américaines ?

 

Bubba Ho-tep : photo, Ossie Davis, Bruce CampbellAmerica, fuck yeah !

 

SUCK ME TENDER

Il y a des synopsis qui respirent plus la subtilité que d'autres. On en trouve d'inspirants, de mystérieux, d'inspirants, certains parfois fleurent bon l'immersion psychanalytique ou l'ambition auteurisante, quand les plus ambitieux affirment dès leur pitch un désir de spectacle sans limites. Alors que le très attendu Elvis de Baz Luhrmann a été fraîchement présenté à Cannes, cinéphiles et journalistes ont pu expérimenter des jours durant combien quelques mots pensés avec malice pouvaient provoquer chez le spectateur ou les journalistes de fabuleuses attentes. Celles qu'engendrent Bubba Ho-tep sont de nature bien différente, mais moins puissante.

Il y est question de deux légendes américaines au destin tragique : Elvis Presley et John Fitzgerald Kennedy. Sauf qu'en dépit de ce que tout un chacun croit connaître de ces deux personnages historiques, ils ne sont pas décédés dans les circonstances terribles retenues par les livres d'histoire. Ils coulent de jours pas si malheureux dans une maison de retraite des plus banales, où personne ne croit guère aux biographies qu'ils revendiquent. Doublé par sa propre doublure, qui le fit passer pour un charlatan par le premier, victime d'un transvasement de cerveau pour le second, qui arbore désormais l'apparence d'un Afro-Américain âgé pour le second, ils sont condamnés à attendre la mort entre deux toilettes d'infirmières pas toujours douces. 

 

Bubba Ho-tep : photo, Bruce Campbell"Où sont mes Charentaises en suédine bleue ?"

 

Jusqu'à ce que survienne une menace venue du fond des âges, une momie aspirant les âmes de leurs amis vieillissants par le fondement. L'affrontement de trois figures, musicales, politiques... et cinématographiques. La première est un chanteur dont le déhanché aura enflammé l'imagination d'une société corsetée, dont le succès aura connu un sommet d'incandescence inégalé.

Le deuxième est un président fauché en plein mandat, dont le meurtre aura nourri et quasiment accouché les représentations de la violence dans le cinéma de la seconde moitié du XXe siècle, tout en renouvelant les schémas du complotisme. Quant à notre adversaire issu de la galaxie des séries B, c'est l'antagoniste vieilli en fût de chêne, cet adversaire jadis redoutable, qui subsiste encore dans la mémoire vacillante des gardiens du temple, que les plus jeunes se plaisent à regarder avec une tendresse teintée d'ironie.

 

Bubba Ho-tep : photo, Ossie Davis, Bruce CampbellDeux garçons pleins d'avenir

 

BANDELETTES DURES

Ces trois icônes, pour fondatrices qu'elles fussent, semblent passablement tombées de leur piédestal quand Don Coscarelli se penche sur leur sort pour les rassembler. Toutankhamon n'effraie plus grand monde, et s'il a connu quelques années plus tôt les joies du box-office avec La Momie, le monstre n'est plus l'imperturbable héraut d'une mort païenne et terrifiante. Kennedy a vu son aura pâlir, au gré des remises en perspectives, voire des franches attaques sur son héritage (les meilleurs textes de James Ellroy n'y sont pas pour rien).

Et que dire d'Elvis, alors plus souvent évoqué pour les délires ou ragots qu'il aura charriés après sa mort, laquelle l'a transformé en un aimant à fantasmes divers et variés ?

 

Bubba Ho-tep : photo, Bruce CampbellLe Roi Scorfion

 

Metteur en scène découvert grâce à son Phantasm génialement bricolé, Coscarelli est depuis lors cantonné à l'horreur, genre qu'il affectionne, mais dont il aspire à s'extraire. Il n'y parviendra jamais tout à fait, Bubba Ho-tep en témoigne avec limpidité, mais il va s'amuser à brouiller les pistes. La preuve avec ce récit ouvertement surnaturel, volontiers inquiétant, émaillé d'authentiques séquences d'angoisse, où la mort rôde, jusque dans les terreurs nocturnes bien réelles de son duo de héros... et qui demeure pourtant une comédie.

Plus mélancolique que jamais, le Bruce Campbell cartoonesque de la saga Evil Dead joue en fond de cours. Il n'est pas venu se briser de vaisselier sur le crâne, mais plutôt revisiter une figure matricielle de la culture populaire américaine, dont il explore les limites. Ridicule, pathétique, devenu sa propre caricature, son Elvis est très exactement tout ce qui a fondé la chute de l'artiste, doublé d'un condensé des légendes entourant sa personne. C'est précisément parce qu'il les assume et se risque à les réarranger que l'acteur parvient dans un même mouvement à amuser et à émouvoir. 

 

Bubba Ho-tep : photoÉpate en EHPAD

 

IMPRIMEZ LA LÉGENDE

Et c'est probablement la plus grande ambition de Bubba Ho-tep : déjouer nos attentes pour toucher au coeur. Feindre la pitrerie méta, imiter le cinéma d'exploitation, pour mieux dévoiler, au crépuscule, un coeur palpitant. L'émotion qui nous étreint quand un Kennedy en fauteuil roulant et un Elvis défraîchi entament leur dernière gigue pour botter une momie goulue hors de leur maison de retraite tient à beaucoup plus que la photographie mordorée d'Adam Janeiro.

C'est dès le scénario, faussement bourrino-débile, que se noue la réussite du long-métrage. Et pour cause, il adapte un des romanciers les plus atypiques et attachants de la scène littéraire nord-américaine : Joe R. Lansdale. On retrouve logiquement son goût pour les répliques hautes en couleur ("je bandais comme un bouc dans un champ de poivriers") et un talent certain pour caractériser les personnages en une poignée d'actions, ou à la faveur d'un lapidaire échanges de tirades.

 

Bubba Ho-tep : photoCette bonne vieille Amérique

 

Faussement vulgaire et volontiers gouailleur, il imprime toute la folie douce et la mélancolie qu'on lui connaît à travers ses créations telles Hap & Leonard ou encore The Bottoms. De même, Lansdale a longtemps oeuvré du côté des comics. Un héritage idéal dès lors qu'il est ici question de revisiter deux figures héroïco-mythologiques, si matricielles qu'elles auront fini par se fondre dans la matière première de l'Amérique. Et c'est précisément ce dont la figure d'Elvis avait besoin. Un songe doux-amer, fou, décomplexé et amoureux de la figure qu'il traite.

Tout savoir sur Bubba Ho-tep

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commentaires
Vodka.94
13/10/2023 à 11:59

rientintinchti2 Ce narcissisme est tellement puérile, on croirait lire une parodie. Il faut vraiment consulter un psy à ce stade.

Riesling
27/06/2022 à 17:12

Couché Rantanplan !

rientintinchti2
27/06/2022 à 01:16

Le zéro absolu.
Film qui donne à ses défenseurs fanatisés le sentiment d'être des initiés et d'être cools tendance vintage/insolite.. l'art de rendre cultissime le nullissime.
Foutez moi tout ça à la poubelle, enfermez les auteurs de cette bouillie et envoyez tous les spectateurs chez le psychiatre le plus proche. Remboursez et vite

Hobben
26/06/2022 à 22:49

Il faudrait vraiment un bluray pour ce film!

PAS trop fan
26/06/2022 à 22:39

Fan devil dead et du genre, j'ai pas du tout adhéré, une grosse serie z vite oubliée pour ma part.

Mouais Bof...
26/06/2022 à 17:50

Quel pu.ain de film. Une bombe nucleaire. Don Coscarelli nous a pondu un ovni inoubliable.

Drole,attachant, absurde, burlesque et un final poignant.Ossie Davis a signé l'une de ses plus belles partitions ,mort avant la sortie du film si je me souviens bien. Et la musique du film punaise.

Bruce Campbell n' jamais été aussi humain et poignant et désabusé.

Cultissime et magnifique.

Dead at the end
26/06/2022 à 16:07

Bubba...est un pur moment d éclate cinématographique. Et Bruce Campbell y est à mourir de rire mais tellement attachant ....film culte à voir absolument.