The Commitments : l'extraordinaire cousin irlandais des Blues Brothers que vous ne connaissez pas

Lino Cassinat | 7 mai 2022
Lino Cassinat | 7 mai 2022

Vous voulez un film musical, soul et drôle, mais vous avez déjà vu les Blues Brothers cent fois ? Jetez-vous sur son extraordinaire cousin irlandais, The Commitments !

Si vous fermez les yeux et que vous réfléchissez un instant, les exemples de films où la musique ne sert pas de marchepied au récit, où elle occupe la place de sujet central, ne sont pas légion. Et surtout ils ne sont pas récents : Whiplash à la rigueur pourrait être un des derniers en date, avec Leto. Mais depuis l'inoubliable The Commitments d'Alan Parker et son casting pléthorique d'inconnus géniaux, c'est à peu près les seuls films où le travail de la musique et des musiciens a été figuré à l'écran avec justesse et sans romantisation.

De ce point de vue, le genre du film musical n'a pas la grande forme, entre l'exploitation opportuniste de marques connues (Bohemian Rhapsody), l'hommage creux à la naphtaline pour cinéphile grabataire (La La Land, il serait temps d'ouvrir les yeux et les oreilles) et les remakes sympas, mais inutiles (A Star is Born). Alors certes, il y a eu West Side Story qui était super, mais personne n'est allé le voir - ne mentez pas, on a les chiffres -, et c'est une comédie musicale, pas un film musical, donc, joker. Certes, on nous opposera également que le genre n'a pas attendu 2022 pour sortir des coquilles vides (Flashdance, à peu près tous les films avec Elvis Presley). Autant de raison de redécouvrir cette pépite de soul irlandaise.

 

Les Commitments : photo Trois, quatre !

 

C(H)OEUR SUR TOI

De la soul irlandaise oui, aussi incongru que cela puisse vous paraître (sauf si vous êtes fans de Van Morrison, auquel cas on vous claque une bise). Car The Commitments raconte l'histoire d'un groupe de chômeurs des quartiers nord de Dublin, laminés par la pauvreté et la misère sociale, qui décident sous l'impulsion de Jimmy Rabitte, un mélomane-manager (mélomanager ?) fanatique de James Brown, de fonder un orchestre de rythm'n'blues, mais surtout de bric et de broc. L'Irlande n'est pas connue pour sa tradition soul, mais c'est un pays musical, donc on devrait s'en sortir : viens ici, le saxophoniste de jazz, toi le batteur de punk, mets-toi derrière le kit, l'organiste classique d'église, au piano, suivez mes indications et c'est parti !

Ainsi se constitue un orchestre improbable de douze musiciens, chacun à peu près bon dans son domaine. Des musiciens par hasard, qui, sous la houlette du treizième membre Jimmy Rabbitte, qui ne sait pas jouer d'instrument, mais connaît la musique par coeur et comprend son âme, vont se lancer sans trop y croire. Jimmy Rabbitte y croit pour douze, mais surtout, il leur montre la voie, les met au travail et leur fait déverser des litres de sueur sur leurs instruments et sur la scène de répétition pour transfigurer leurs talents, moins modestes qu'il n'y paraît. De toute façon, le talent sans travail n'est qu'une sale manie, dixit Brassens.

Et ça marche : à force de répétitions acharnées, en s'inspirant de sa misère abyssale et contre les nombreuses galères financières, les Commitments se mettent à jouer une soul blanche flamboyante, deviennent un big band qui met le feu dans toutes les salles d'Irlande, connu et aimé à travers tout le pays... jusqu'à la dissolution pour cause de tensions internes.

 

Les Commitments : photoJimmy Rabitte

 

L'histoire typique de quantités de légendes musicales, mais aussi l'histoire d'individus qui ont réussi à faire dérailler leur destin. The Commitments est composé à 50% de Blues Brothers, les 50% restants viennent de The Full Monty. Car, en plus de raconter la naissance et la nécessité de la musique, The Commitments raconte aussi l'histoire chorale de ses treize membres, de leur ville et de leurs vies de prolétaires déjà tracées, comment on peut se battre contre le pire ennemi de la "working class" qui n'a pas de travail : l'ennui mortel. Littéralement : il n'y a rien à faire à part se droguer. D'ailleurs, quand Jimmy Rabitte recrute, on le prend pour un dealer.

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commentaires
Yodafilm
28/07/2022 à 09:21

Un des meilleurs d'Alan Parker;
Un grand film d'hommage à la musique Blues.
Un film qui mérite d'être aussi connu que les Blues Brothers
Le cinéma d'Alan Parker,nous manque...

Delicatesstef2
09/05/2022 à 16:20

Et puis y a Glen Hansard qui aura un oscar quelques décennies plus tard...

Ray Peterson
09/05/2022 à 16:19

Merci pour ces précisions m'sieur Cassinat!

Numberz
09/05/2022 à 13:45

The corrs c'est la vie

Tesla Kusturica
09/05/2022 à 12:34

Mais... Mais... Je ne connais pas cet Alan Parker !
Votre article m'a mis en joie, je suis impatient de le découvrir. Je vais me programmer une petite séance ciné en famille.

Guéguette
08/05/2022 à 14:21

Culte à l'époque, un peu oublié depuis...

Lino Cassinat
08/05/2022 à 12:44

@Ray Peterson
Tout à fait, Andrea Corr interprète Sharon Rabitte, la soeur Jimmy Rabitte, et en réalité le reste de la famille groupe traîne dans tous les recoins du film, Caroline et Sharon Corr en figuration non créditée et Jim Corr a également un rôle crédité. Bref, y'a un peu tout The Corrs.

Ded
08/05/2022 à 00:45

Waow ! P... de film ! Son humour décapant, sa BO live d'enfer (pas facile de cadrer les concerts dans des endroits exigus !), son irrévérence jouissive et l'extraordinaire Andrew Strong (Deco) qui n'avait que 16 ans ! Engagé comme simple choriste, Alan Parker lui a attribué le rôle du chanteur quand il l'a entendu. Tu m'étonnes ! Robert Arkins (Jimmy Rabbitte) briguait ce rôle... Il en fut très déçu.
J'ai découvert ce métrage à sa sortie. Je le visionne régulièrement et j'ai "contaminé" au fil des années enfants et petits-enfants successivement par VHS, DVD et blu ray.
Excellente idée de le faire découvrir par cet article !

Ray Peterson
07/05/2022 à 17:06

Excellent film, engagé comme son titre! Aaaaah Joey "The Lips " et ses "coups" de trompettes et le fameux "Try a Little Tenderness inoubliable.
trop amoureux d Angelina Ball en voyant le film. Alan Parker tu manques un peu quand même.
Un de ses films les plus abordables. Je me demande si y a pas un membre du groupe des "Coors" dedans (ouais 90's quand tu nous tiens).

Andarioch1
07/05/2022 à 13:30

"Proud to be black"

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