Chute libre : Michael Douglas pète les plombs devant la chute du rêve américain

Gaël Delachapelle | 9 novembre 2021
Gaël Delachapelle | 9 novembre 2021

Il y a des Américains qui pètent les plombs tous les jours à Los Angeles. Et il y a Michael Douglas qui pète les plombs dans Chute libre.

"London Bridge is falling down, falling down, falling down. London Bridge is falling down, My Fair Lady". Cette comptine pour enfants aura traversé le temps et les époques pour s’adapter aux œuvres dans lesquelles elle a été citée. Que ce soit au cinéma, notamment dans la comédie musicale My Fair Lady, mais aussi dans d’autres arts tels que le jeu vidéo, à l’image du récent Death Stranding d’Hideo Kojima. Une chanson dont la symbolique aura souvent été détournée pour être transposée dans un autre contexte que celui du célèbre pont Londonien.

Dans Chute libre (Falling Down en VO), cette comptine prend un tout autre sens quand ses paroles reflètent la chute d’un rêve américain, que le réalisateur Joel Schumacher (8mm, Phone Game) décide de traduire à travers la cavale d’un américain moyen en plein burn-out. Bien avant Russell Crowe dans le récent Enragé (une référence au titre québécois du film dont il s'inspire), c’est le grand Michael Douglas qui se retrouve propulsé dans une errance pleine de violence et de colère, à travers un Los Angeles à l’aube des émeutes raciales de 1992. Un film dans lequel la chute de Michael Douglas devient celle d’un rêve américain qui se meurt et le plus grand brûlot politique de son auteur.

 

photoFaut vraiment pas faire chier Michael aujourd'hui

 

California Hell

Dès son plan-séquence d’ouverture, Chute libre révèle son ambition, celle de nous raconter l’histoire d’une certaine Amérique, en filmant la ville de Los Angeles comme un personnage à part entière. Une sorte de machine infernale, dont les habitants et leurs véhicules sont représentés comme des flux qui en font un organisme vivant et organique. Mais ici, Los Angeles ressemble à une machine malade, dont les rouages sont sur le point de dérailler. À l’image des embouteillages qui servent de décor à cette séquence d’ouverture, causés par les travaux d’une veine tentative de réparer une ville qui s’écroule (comme le London Bridge, dans la comptine dont l'ombre plane au-dessus du métrage).

Au milieu de ces voitures qui klaxonnent dans un capharnaüm sonore aussi éreintant que symphonique, la caméra fantôme de Schumacher s’arrête dans son mouvement sur la plaque d’immatriculation de l'une d'entre elles. Une plaque sur laquelle est écrit ce qui servira de nom pendant une grande partie du film au personnage incarné par Michael Douglas : "D-FENS". Un mot symboliquement fort, qui introduit davantage notre protagoniste comme une allégorie, avant qu'il devienne, au fur à mesure de sa cavale, un personnage beaucoup plus humain et empathique qu’il n’y paraît.

 

photoHumain et empathique

 

Car avant de devenir un personnage, D-FENS est d’abord le prolongement d’un système et de son infrastructure défaillante (de par son nom qui évoque évidemment celui de la Défense), représenté ici par un espace urbain saturé et sur le point d’imploser. Ce ne sera pas la première fois que Schumacher filme son personnage comme le prolongement d’une ville, un exercice qu’il reproduira à deux reprises. D’abord dans 8mm, où le détective Tom Welles (Nicolas Cage) se retrouve propulsé dans l’enfer du snuff movie, à travers un Hollywood tellement sordide qu’il en paraît irréel.

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ?

Accèder à tous les
contenus en illimité

Sauvez Soutenez une rédaction indépendante
(et sympa)

Profiter d'un confort
de navigation amélioré

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Terminéator
10/11/2021 à 14:45

Je revois ce film à chaque fois avec plaisir . Michael Douglas est juste MAGISTRAL !!! Avec un Robert Duvall toujours impeccable. D’accord avec la plupart des avis , l’un des meilleurs Michael Schumacher . On n’en fera plus des films comme ça même s’il y’a eu ENRAGÉ avec Russel Crowe l’année dernière , ça reste maigre …

HK
10/11/2021 à 10:28

Je sais que tout le monde s'en fout, mais c'est "vaine" et pas "veine"...

Birdy en noir
10/11/2021 à 10:12

En lisant vos avis, je me dis qu'on a tous ressenti la même claque au même moment. J'étais ému par ce mec perdu, peut être car c'est l'un des premiers films m'ayant offert un point de vue marginal, excessif mais sensible, "burnes out" et pourtant très juste.
La 1ère scène en ce sens dit tout : qui n'a pas eu envie de quitter sa bagnole et se barrer dans les bouchons ? Et Michael Douglas, quelle interprétation...

L'autre
10/11/2021 à 09:38

De loin le meilleur Scumacher ! Un grand film qui vieillit bien au regard de notre actualité (hélas)

Arnaud (le vrai)
10/11/2021 à 03:26

J’ai probablement vu ce film trop jeune parce qu’à part quelques passages j’ai pas accroché au global

Surtout les passages avec le flic, son histoire je m’en foutais totalement et ça me pompait à chaque fois qu’on revenait sur lui ..

Mais heureusement que Schumacher a fait ce genre de film et Phone Game pour qu’on ne retienne pas que ses Batman et qu’on pense que c’était un réal en carton

Henry Jones Sr.
10/11/2021 à 00:29

Je pense qu’il s’agit vraiment du plus grand film de son réalisateur, un film où la forme épouse parfaitement son fond, une performance d’acteurs au milieu d’un L.A. anxiogène où les tensions s’exacerbent pour mieux dénoncer les travers d’une certaine Amérique… quelle claque ce film, je suis sur qu’il a pu inspirer un jeu aussi emblématique que GTA par certains aspects, mais il a du aussi marquer l’inconscient collectif, justement par la justesse de l’interprétation de Michael Douglas qui fait que n’importe qui pourrait se mettre parfois à sa place, et comme justement dit dans l’article, c’est parfois assez jouissif de le voir passer à l’action… merci au cinéma de donner naissance à des moments pareils.

Xbad
09/11/2021 à 20:33

@kyle Reese,
Intéressant, je n'avais jamais fait le parallèle avec the game, que j'adore personnellement. Excellent acteur sans aucun doute. Pour revenir à chute libre, extrêmement bien fait dans la montée de tension, un certain stress nous gagne en suivant son parcours chaotique dans cette jungle urbaine

Tnacniv
09/11/2021 à 19:40

@Kyle Reese

Je plussoie, j'étais tombé par hasard sur To live and die in L.A en cours de diffusion à la télé dans les années 90, puis je l'ai revu il y a 1 an de ça, c'est du lourd de chez lourd .

Kyle Reese
09/11/2021 à 19:23

Un des meilleurs rôle de Michael Douglas complètement inattendu qui peut d'ailleurs être mis en parallèle avec son rôle dans The Game de FIncher. 2 situation social opposé, ici il est viré et n'est plus rien, de l'autre coté il est au sommet de la chaine et a tout, mais dans les 2 cas un homme en bout de course. Ici il bug complètement face à la réalité et se crash, de l'autre coté son logiciel est certes malade mais il va se restauré peu à peu face à l'adversité artificiellement crée. On peut s'échapper d'un jeu, mais pas de la réalité qui nous rattrape à tout les coups. Bref, surement le meilleur Schumacher pour ma part.

Un autre film grand film des année 80 avec ce ton orange si caractéristique de LA:
To live and die in L.A de Friedkin. Un chef d’œuvre.

jorgio6924
09/11/2021 à 18:18

J'ai vu ce film quand j'avais 12 ans sans en comprendre la sève.
Quelques années plus tard, ça a été une grande claque dans la gueule.
Un équivalent de John Rambo qui n'est plus en phase avec son époque: plus économiquement viable.
Par contre, quelle poisse de passer par les pires quartiers de L.A :D

Plus