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Zathura : le Jumanji spatial un peu oublié du réalisateur d’Iron Man

Par Gaël Delachapelle
25 juillet 2021
MAJ : 21 mai 2024
Zathura, une aventure spatiale : photo couverture

Retour sur Zathura, une aventure spatiale, le Jumanji dans l'espace un peu oublié de Jon Favreau, le réalisateur d'Iron Man.

Les années 80 n’auront jamais été autant à la mode dans le paysage hollywoodien que durant la décennie qui vient de s’écouler. En effet, la série Netflix Stranger Things a eu un impact conséquent sur l’industrie, au point que le phénomène a largement dépassé la frontière de la plateforme au N rouge, véritable étendard du format streaming qui fait désormais rudement concurrence au grand écran. Mais le revival des productions sous influences Amblin avait pourtant déjà commencé il y a quelques années, bien avant que la série Netflix ne relance la mode des binoclards à vélo.

C'était notamment grâce au cinéaste J.J. Abrams qui, avant de lancer la postlogie Star Wars avec son nostalgique Réveil de la Force, a contribué également à cette nouvelle vague avec Super 8, un pur hommage personnel au cinéma de Steven Spielberg. Mais on oublie souvent de citer un blockbuster familial un peu oublié, sorti pour les fêtes de Noël aux États-Unis en 2005, à savoir Zathura, une aventure spatiale. Le troisième long-métrage du réalisateur Jon Favreau, après la comédie Elfe avec Will Ferrell et avant Iron Man, premier film du MCU de Marvel qui relança la carrière de Robert Downey Jr. avec succès.

Un film d’aventures sous influence Amblin (trop ?) évidente, adapté du roman éponyme de Chris Van Allsburg, l'auteur de Jumanji, dont il surfe sur la nostalgie sans pour autant assumer totalement d’en être la suite spirituelle. On revient donc sur ce Jumanji dans l’espace, véritable objet nostalgique jusque dans sa conception, afin de comprendre ce qui fait de Zathura l’un des premiers vestiges (avant l’heure) de la vague qui frappe Hollywood depuis maintenant quelques années.

 

photo, Jonah Bobo, Dax Shepard, Josh HutchersonNotre fine équipe

 

Ready Player Two

Ce n’est pas anodin si la promotion de Zathura s’est entièrement reposée, à l’époque de sa sortie en salles, sur la comparaison évidente avec Jumanji, le film culte de Joe Johnston avec le regretté Robin Williams, sorti en 1996. Vendu sur le slogan "par l’auteur de Jumanji" lisible sur son affiche, Zathura pourrait être la suite spirituelle de ce dernier, puisqu’il est adapté du roman éponyme de Chris Van Allsburg, dont l’œuvre est ici portée à l’écran pour la troisième fois, après Jumanji, mais aussi Le Pôle Express de Robert Zemeckis en 2003.

Il ne fait par ailleurs aucun doute que les producteurs de Jumanji, Scott Kroopf et William Teitler, ont vu en Zathura un filon nostalgique à exploiter dans la veine de son prédécesseur, sans pour autant en faire une suite, comme cela arrivera en 2017 avec Jumanji : Bienvenue dans la jungle, puis Jumanji : Next level en 2019. Un choix qui apporte son lot de légères différences entre le roman et son adaptation au cinéma, à commencer par l’introduction du jeu de société lui-même.

En effet, s’il est toujours question de deux frangins dans cette adaptation, Walter (incarné par Josh Hutcherson, bien avant Hunger Games) et son petit frère Danny (Jonah Bobo), ce dernier tombe bien sur le jeu Jumanji dans le roman. Mais cette fois-ci avec le plateau de Zathura à l’intérieur de la boîte, où les pions ne sont plus des animaux de la jungle, mais des fusées. Ce qui confirme au passage que ce dangereux jeu de société peut prendre diverses formes. Une théorie plus ou moins confirmée de manière assez maladroite dans la suite de 2017, notamment lorsque le plateau de Jumanji se transforme en disquette vintage de jeu vidéo pour draguer les geeks.

 

photo, Josh Hutcherson, Jonah BoboUne belle boîte rétro (à l'arrière-plan) 

 

Si dans le film de Jon Favreau, Danny tombe directement sur la boîte d’un vieux jeu appelé Zathura (dont le style visuel du plateau n’est pas sans rappeler la science-fiction des années 50), cela n’apporte pas une énorme différence par rapport au roman d’origine. Si ce n’est que les références visuelles et textuelles qui font le lien avec son prédécesseur sont totalement absentes de l’adaptation filmique, alors que l’intrigue de Zathura calque entièrement son récit sur celui du film culte dont il s’inspire.

On retrouve une nouvelle fois une famille dysfonctionnelle (ce qui colle parfaitement à l’esprit des productions Amblin dont se revendique le métrage), avec un père absent (incarné par un Tim Robbins qui vient empocher son chèque), trop occupé par son travail, et cette fois-ci deux frères, dont un aîné qui ne peut pas blairer le petit dernier. Lorsque papa s’absente un après-midi, laissant les deux garçons sous la surveillance de leur grande sœur endormie (incarnée par une Kristen Stewart pré-Twilight, littéralement "immobile" pendant quasiment tout le film), Walter martyrise Danny en l’enfermant dans la cave de la maison pour s’en débarrasser.

Ce dernier revient avec le jeu Zathura, commence une partie… et vous connaissez probablement la suite. S’enchaîne alors toute une série de péripéties où Zathura déploie la mythologie de son univers SF, avec entre autres une pluie de météorites, un robot géant destructeur, ou encore l’attaque d’un vaisseau peuplé d’une race extraterrestre mi-lézard mi-iguane (original, n’est-ce pas ?). Au milieu de toutes ces catastrophes, les deux enfants vont recevoir l’aide d’un astronaute coincé dans le jeu (incarné par Dax Shepard), à l’image de l’inoubliable Alan Parrish de Jumanji.

 

photo, Josh HutchersonVous avez demandé un astronaute ?

 

Évidemment, on comprend assez rapidement que cette figure paternelle n’est autre que la version adulte de Walter, piégé dans le jeu après avoir fait le vœu de voir son frère disparaître (ce qui n’est vraiment pas cool). Un twist qui amène au passage une blague assez gênante sur fond d’inceste, lorsque la grande sœur se rend compte, après avoir passé tout le film cryogénisée à cause du jeu (immobile, donc), que l’homme dont elle est tombée amoureuse littéralement au premier regard n’est autre que son petit frère (humour). Une révélation qui apporte une touche plutôt émouvante au récit initiatique du personnage, même si la progression de ce dernier se résume à ne plus vouloir taper sur son petit frère.

Là où le récit de Jumanji faisait preuve d’une certaine complexité plus adulte dans le développement de son héros (Alan Parrish y affronte son père sous la forme d’un chasseur qui ne cesse de lui répéter de se comporter en homme, ce qui est nettement plus terrifiant), Zathura lui préfère une certaine légèreté, s’assumant avant tout comme un pur divertissement pour enfants sous influences 80’s. Et cela confère au long-métrage un certain charme d’antan, jusque dans sa conception.

 

photo, Josh Hutcherson, Kristen Stewart, Jonah BoboLe jeu littéralement figé de Kristen Stewart

 

Old School ?

Si Jumanji fait partie de ces films qui ont marqué les années 90 grâce à leurs effets spéciaux numériques révolutionnaires (aux côtés notamment de Jurassic Park), Zathura joue quant à lui la carte du "old school" en optant pour le mélange entre effets pratiques et CGI. En effet, Jon Favreau ayant conscience que le matériau d’origine de son blockbuster puise dans l’imaginaire d’une science-fiction rétro ancrée dans les années 50, il s’est donc payé les services de l’un des concepteurs d’effets spéciaux les plus réputés d’Hollywood, à savoir le légendaire Stan Winston.

On ne présente plus le CV de l’artiste, mais on va quand même citer ses faits d’armes juste pour le plaisir, puisque ce monsieur a donné vie aux créatures les plus célèbres de l’histoire du cinéma américain. Notamment le squelette en métal du T-800 de Terminator, mais aussi la reine Xénomorphe d’Aliens, le retour, ou encore le Predator et ses mandibules suggérées par James Cameron en personne. Sans oublier, bien évidemment, les dinosaures de Jurassic Park qui n’ont pas pris une seule ride depuis 1993.

En bref, l’artisan est quasi responsable à lui tout seul de l’entièreté du bestiaire de la pop culture des années 80-90. Il n’est donc pas étonnant que le premier nom qui soit venu à l’esprit de Jon Favreau pour animer la mythologie de Zathura soit le sien, ce qui insuffle à son divertissement une fibre 80’s absolument indéniable.

 

photo, Dax ShepardQuand l'équipe technique décide de te faire (vraiment) décoller

 

Winston officiant en tant que collaborateur artistique sur le projet (il n’est pas crédité au générique), et avant de superviser les effets spéciaux d’Iron Man, sa patte et son savoir-faire se font ressentir dans Zathura, notamment à travers le travail du chef décorateur, J. Michael Riva. On peut évoquer le design du gros robot destructeur (influencé par le Le Géant de fer, selon Riva), dont l’authenticité transpire à l’écran, construit de toutes pièces (notamment son propulseur dorsal à fusées qui fait beaucoup de dégâts dans la maison). Mais c’est surtout le design des Zorgons qui se démarque au milieu de cet univers, avec son look qui inspire à la fois le kitsch et l’artisanat d’orfèvre.

Sortes d’extraterrestres à l’aspect hybride entre le crocodile et l’iguane, ces gros lézards ne brillent pas par leur originalité, suscitant parfois plus le rire que l’effroi. Mais il faut reconnaître à Jon Favreau une certaine volonté d'en faire des créatures organiques, à travers un habile mélange entre le pratique et le numérique. Avec leurs costumes pesant plus de 45 kg, certaines parties de leur anatomie étaient reliées à des tiges durant le tournage de plusieurs scènes, animées par des marionnettistes présents sur le plateau. En revanche, les acteurs sous les costumes portaient chacun une cagoule bleue pour que leurs têtes puissent être effacées plus facilement, lors de la conception des effets visuels chez Imageworks.

 

photoQuand tu sens qu'il y a un lézard quelque part 

 

Ce compromis entre les deux techniques donne alors naissance à des créatures faites de chair et de sang, un peu risibles dans leur aspect reptilien, certes, mais qui insufflent une âme et de la vie à ces pirates de l’espace peu ordinaires. Ce qui en fait l’une des plus belles réussites de Zathura, dont la mythologie se démarque indéniablement de celles des autres blockbusters sortis à la même période, à commencer par Le Monde de Narnia et son gros chat lion numérique, qui a pris un sacré coup de vieux depuis.

Le blockbuster de Jon Favreau conserve un certain cachet visuel qui perdure avec le temps, à l’image des productions d’antan dont il se veut l’un des dignes héritiers. Mais malheureusement pour Zathura, le public ne semblait pas encore tout à fait prêt à l’époque pour ce revival des années 80 avant l’heure, et cela va se ressentir dans les chiffres au box-office mondial.

 

Photo NarniaCherchez le gros chat numérique

 

Game Over ?

Lors de sa sortie en 2005 dans les salles, Zathura ne rencontre pas le succès attendu, malgré le nom prestigieux de son prédécesseur qui l’accompagne sur l’affiche. En effet, si le film de Jon Favreau a été réalisé avec une somme similaire à celle de Jumanji (65 millions de dollars), il rembourse à peine son budget au box-office mondial, là où le film culte de Joe Johnston a récolté 262 millions de dollars à sa sortie en 1995. À la même période que Zathura, des blockbusters aux budgets mastodontes tels qu’Harry Potter et la Coupe de feu (150 millions) et Le Monde de Narnia (180 millions) engendrent respectivement 896 millions et 745 millions de dollars au box-office mondial.

En France, Zathura ne rassemble que 224 000 spectateurs dans les salles, là où la quatrième aventure du jeune sorcier dépasse les 7 millions d’entrées, devant les 5 millions du Lion, la Sorcière Blanche et l’Armoire Magique. Vous l’aurez compris, le score de Zathura au box-office mondial est assez faible, pour ne pas dire qu’il s’agit ni plus ni moins d’un échec, surtout en face des blockbusters cités ci-dessus, et ce malgré leurs budgets pharaoniques difficilement comparables.

Un échec commercial, mais aussi critique (Stéphane Moïssakis évoque le film comme « […] un dérivé mal léché des Goonies … » au sein des colonnes de Mad Movies), qui pose une question au sujet de la réception de cet objet typiquement nostalgique qui se démarque pourtant de la concurrence pour son époque. Zathura est-il arrivé trop tôt ?

 

photoMétaphore de Zathura qui se fait martyriser par Harry Potter au box-office 

 

En effet, on ne peut pas dire qu’en 2005, le public soit nostalgique d’un cinéma aux effets pratiques "à l’ancienne", dirons-nous, à l’heure où les franchises ne jurent que par le tout numérique. Notamment la prélogie Star Wars et son troisième opus, La Revanche des Sith, sorti également en 2005 (comme quoi, Zathura est vraiment mal tombé). Pourtant, le old school est aujourd’hui de nouveau à la mode, à l’image de la postlogie Star Wars initiée par J.J. Abrams, au sein de laquelle le retour des prothèses et du maquillage est devenu un argument marketing pour réconcilier les fans de la saga déçus par la prélogie (ce qui est un peu raté, selon certains).

On pourrait par ailleurs attribuer ce revival des années 80 au réalisateur lui-même, avec le succès au box-office mondial de son Super 8 en 2011, pour un budget moindre à celui de Zathura (260 millions de dollars pour un budget de 50 millions). Il ne fait aucun doute que le divertissement de Jon Favreau aurait eu bien plus de succès dans les salles à l’heure du carton Stranger Things sur Netflix. Malgré tout, Zathura aura contribué à la carrière de son réalisateur, servant d’intermédiaire entre la comédie de Noël avec Will Ferrel et le blockbuster Marvel qui a lancé l’univers étendu le plus rentable d’Hollywood (pour le meilleur comme pour le pire).

Mais aussi à celles de ses acteurs, puisque comme Kirsten Dunst avec Jumanji, Zathura aura également été un tremplin pour Kristen Stewart, déjà remarquée à l'époque dans Panic Room de David Fincher. Son personnage fait par ailleurs référence dans un dialogue à Thirteen, premier film à l’époque de Catherine Hardwicke, la future réalisatrice de Twilight, chapitre I : Fascination (coïncidence ?). Mais aussi celle de Josh Hutcherson, qui partagera plus tard l’affiche de la franchise Hunger Games, aux côtés de Jennifer Lawrence.

 

photo, Kristen StewartTomber (encore) amoureuse au premier regard 

 

En bref, si Zathura, une aventure spatiale a été un peu oublié, il n’en reste pas moins un objet vintage qui aura gagné son petit statut culte avec le temps, de par le charme désuet que lui confère sa conception et l’esthétique qui en découle à l’écran. Un joli petit film d’aventure et sans aucun doute l’un des précurseurs de la vague nostalgique 80’s actuelle, mais aussi le syndrome de ce phénomène, pour le meilleur comme pour le pire. Et en attendant de réhabiliter l’aventure spatiale de Jon Favreau, on revient également sur le mal-aimé Midnight Special de Jeff Nichols, le véritable héritier de Spielberg, par ici.

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