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Spy Kids : saga débilo-cool, ou super-navets de Robert Rodriguez ?

Par Prescilia Correnti
29 juillet 2021
MAJ : 20 novembre 2024
Spy Kids : photo

Des parents-espions qui entraînent leurs enfants dans leurs missions rocambolesques, ça donne Spy kids : des enfants apprenti-espions qui assurent là où les adultes ne le peuvent pas. 

Avant Alita : Battle Angel et Machete, il y avait la famille Cortez dans Spy Kids. Une saga de films de série B devenus ultra populaires auprès des fans et une référence en la matière. Spy Kids combinait à l’époque une histoire d'espionnage et de gadgets loufoques à la James Bond et une esthétique colorée tout droit sortie de la chocolaterie de Willy Wonka.

Le film, un classique, a marqué le passage du réalisateur Robert Rodriguez du statut de star indépendante à celui de cinéaste hollywoodien grand public. Plus important encore, l'image d'une famille multiculturelle dans ce long-métrage reste une référence en matière de représentation des Latino-américains dans les superproductions hollywoodiennes, même si un seul des personnages principaux est joué par un acteur latin.

Mais concrètement c’est quoi ? C’est d’abord un premier film qui met en vedette Alexander J. Vega et Daryl Sabara dans les rôles de Carmen et Juni, les enfants des anciens espions Gregorio (Antonio Banderas) et Ingrid (Carla Gugino). L’histoire est simple : des anciens parents super-espions ont décidé de se retirer du premier plan afin d’opter pour une vie plus calme et plus tranquille avec leurs enfants. Sauf que comme dans tout bon film de super-espion qui se respecte, lorsque leurs parents se font piéger dans une mission sauvetage, ce sont les enfants qui sont appelés à la rescousse. 

 

photoEn route pour une aventure rocambolesque

 

LE DÉBUT D’UNE NOUVELLE ÈRE 

Lorsque Spy Kids est sorti au cinéma, le 30 mars 2001 (aux US), le long-métrage a été un succès immédiat. Il s’est emparé de la première place au box-office pendant plus de trois semaines consécutives, devenant à l’époque l’un des meilleurs démarrages de l’année. Non seulement c'était le premier succès à grande échelle de Rodriguez, mais il a également donné lieu à trois autres suites. Il a terminé sa course avec 147 millions de dollars de recette dans le monde,

Les deux premières suites, Spy Kids 2 : L'île des rêves perdus en 2002 et Spy Kids 3-D : Game Over en 2003, ont suivi de près l’original, tandis que le dernier opus (le moins bien reçu de la franchise) a tardé à sortir sur les écrans en 2011. Une chose était sûre : bientôt, les jeunes héros ne seraient pas seulement les gentils de l’histoire, ils régneraient sur l'industrie.

 

photoCe sont les enfants qui font la loi maintenant

 

Robert Rodriguez est rapidement devenu l’un des cinéastes les plus fous de sa génération. Il a fait le lien entre Bedhead, son court-métrage sur une fille aux pouvoirs magiques qui terrorise sa famille, et son segment Four Rooms, et a traité le fantasme que tous les enfants ont en regardant des films d’espionnage. Spy Kids marche sur une idée simple qui fonctionne sur tous les petits spectateurs, l’envie de se dire : "moi aussi je pourrais faire ça" - et leur cauchemar, que leurs parents sont bien plus cool qu’eux.

Soudainement, Rodriguez pouvait revendiquer sa propre franchise qui reflétait à merveille sa sensibilité enfantine dans ce qu’elle a plus de charmante. Les irréductibles fans du cinéaste préfèreront probablement El Mariachi, Une Nuit en enfer ou Sin City, mais il est très possible qu'une toute nouvelle génération de fans l'aime grâce à Spy Kids et ses suites. Père de cinq enfants, le réalisateur a toujours compris ce que les gosses aiment dans les films et comment ils semblent être de grands et excitants réceptacles pour une imagination et une aventure sans fin.

Il n'est donc pas surprenant que Spy Kids reste un film que parents et enfants peuvent apprécier ensemble pour sa douceur et son sens de l’humour. Le style plein d'action exubérante et de divertissement familial de Rodriguez est maintenant pratiquement le modèle de Pixar (imaginez un film live des Indestructibles et vous serez assez proche d'un film de Robert Rodriguez). Et le récent succès des films comme Jumanji : Bienvenue dans la jungle, dans lequel de grandes stars comme Dwayne Johnson et Jack Black jouent essentiellement des enfants, suggère que l'ADN de Spy Kids est toujours présent à Hollywood.

 

Photo , Dwayne JohnsonOn se demande ce que donnerait Dwayne Johnson dans un futur Spy Kids ?

 

Mais Spy Kids n'a pas seulement amélioré le profil du cinéaste. Le film a également contribué à inaugurer une ère de films d'action centrés sur les enfants à Hollywood. Les agents Cortez ont encouragé les jeunes spectateurs à se voir comme des James Bond et des super-héros miniatures. On peut également y trouver une nette amélioration de la représentation de la communauté latine au cinéma. Sachant que Rodriguez lui-même vit entre son Texas natal et le Mexique, il est logique que le concept de double identité apparaisse dans une grande partie de son œuvre. Spy Kids, à ce jour, ne fait certainement pas exception.

Malheureusement, le temps n'a pas été clément avec le casting du film, qui présente de graves lacunes en matière de représentation réelle. (Dans la famille Cortez, seuls Alexa PenaVega et Danny Trejo, qui joue l'oncle "Machete", sont d'origine latino-américaine, Antonio Banderas est un acteur espagnol). Malgré tout, Spy Kids a marqué une étape importante dans l'histoire du cinéma hollywoodien, en raison de ce qu'il a accompli à une époque où les histoires des Latino-américains étaient pratiquement invisibles à ses yeux.

 

photoSouriez, c'est pour Hollywood 

 

UNE IMAGINATION DE PLUS EN PLUS LOUFOQUE

De Une Nuit en enfersorti en 1996, à The Faculty (1998), Rodriguez assume chaque fois de nouvelles responsabilités. Il devient plus qu’un  "simple" réalisateur, il est également monteur, compositeur, concepteur, mixeur de son, directeur de la photographie, producteur et participe parfois même aux effets spéciaux.

Dire que Robert Rodriguez est un artiste serait un euphémisme. C’est grâce à cette casquette multitâches que le cinéaste réussit à nous livrer avec Spy Kids  une aventure délirante à travers des lieux magnifiques et des décors colorés dignes de Tim Burton. Pourtant, continuer à séduire son public tout en réussissant à se renouveler semble être une tâche ardue. Si c'est un exercice difficile pour certains réalisateurs, Robert Rodriguez va au contraire pousser son imagination encore plus loin. 

 

photoAttends, Rodriguez, ne foire pas tout !  

 

Spy Kids 2 : Espions en herbe commence avec la fille du président des États-Unis dans un parc d'attractions et avec un propriétaire souriant (Bill Paxton) comme guide touristique. On nous présente plusieurs des attractions populaires, chacune démontrant la créativité de Rodriguez et de son équipe. Au fur et à mesure que le film progresse, on découvre plusieurs nouveaux personnages et lieux merveilleux, chacun avec une touche personnelle assez loufoque. Spy Kids 2 est certainement plus grand que son prédécesseur, mais le réalisateur a tout de même réussi à maintenir un budget de 30 millions de dollars, ce qui aujourd'hui n'est rien du tout dans le monde du cinéma.

Rodriguez laisse ici son imagination visuelle s'envoler, créant un univers qui aurait pu être conçu par Roald Dahl, Ray Harryhausen, Ian Fleming et Quentin Tarantino. Une fois de plus, Carmen et Juni ont accès à toutes sortes d'excellents gadgets, notamment des maillots de bain gonflables, des montres qui font absolument tout (sauf lire l'heure) et un scarabée robotisé qui peut non seulement espionner, mais aussi tuer.

 

photoPas trop de pansements

 

Tout au long de Spy Kids 2, Rodriguez rend hommage à ses prédécesseurs, depuis l'ouverture froide classique à la James Bond jusqu'aux étranges créatures qui peuplent l'île du titre, dirigée par le Dr. Romero (Steve Buscemi), dont le nom est presque une anagramme du Dr.Moreau, un autre bricoleur génétique incompris.

Mais même avec des clins d'œil aux films d'espionnage et de science-fiction classiques du passé, Rodriguez réussit à créer quelque chose de très personnel. Non seulement le monde de Spy Kids est un monde dans lequel les enfants ont un pouvoir égal ou même supérieur à celui des adultes, mais c'est aussi un monde qui se trouve être principalement hispanique.

Certains spectateurs pourraient faire passer les effets spéciaux du film pour de l’amateurisme. Les créatures générées par ordinateur dans le film semblent mues par l'ancienne animation en stop motion créée par le magicien des effets spéciaux Ray Harryhausen, célèbre pour son travail sur Le Choc des Titans et Jason et les Argonautes. Ce sont tous ces petits détails dans Spy Kids 2 qui font que le film fonctionne brillamment. 

 

photoA la recherche du succès perdu 

 

LA CLEF MANQUANTE DU SUCCÈS 

Spy Kids est une saga fantaisiste agréable et charmante, bien qu'excessive, qui laisse beaucoup de place à la chimie entre les deux jeunes vedettes et qui la sacrifie alors qu'elle avait besoin de se développer au fur et à mesure des épisodes suivants. Après tout, c'est une saga pour enfants et ils ne cessent de se comporter comme tels. Ils sont immatures, ils se disputent pour des raisons insignifiantes, et leurs chamailleries entre frères et sœurs entraînent souvent d'autres problèmes. 

Les suites de Spy Kids manquent non seulement de cette cohésion entre frère et soeur, mais ils font également l'impasse sur l'autre atout qui fait la force de l’original : la famille. Constant et cohérent au cours des deux premiers films, Robert Rodriguez va le laisser de côté au profit de nouveaux éléments visuels à la mode. Spy Kids 3 et 4 ressemblent (faute d'un meilleur terme) à des épisodes interminables de Disney Channel. Les personnages enfants sont juste un peu trop badass, un peu trop sarcastiques, tandis que les parents ont simplement disparu des radars.

 

photoLe sens de la famille 

 

Les troisième et quatrième opus de la franchise s’appuient beaucoup trop sur des images de synthèse au look désuet et sur un effet gadget en salles. Spy Kids 3 : Mission 3D est l'un de ces films en 3D des années 2000 qui tentent de vous enfoncer son gadget dans le visage (littéralement) pour justifier son coût et Spy kids 4 : All the Time in the World a fait l'objet d'une sortie limitée en 4D, comme un spectacle de Disneyland, avec des cartes à gratter et à renifler. 

Rodriguez profite de la nouveauté multidimensionnelle pour lancer des voitures, des couteaux et d'autres objets assortis sur le public avec une ferveur impressionnante. Mais il lui manque l'étincelle et l'esprit qui ont rendu les deux premiers films si amusants pour les enfants et les adultes. Plusieurs personnages clés du dernier film ont été réduits de façon frustrante à des personnages tertiaires sans intérêt.

 

photoAgents très très spéciaux

 

Sylvester Stallone se donne à fond dans le rôle du méchant fabricant de jouets, il y a un tas de caméos amusants comme ceux de George Clooney, Salma Hayek, Elijah Wood. Le métrage lui-même tombe dans le piège classique du film d'été, qui consiste à se vendre sur le plaisir des yeux au détriment de tout le reste.

Spy Kids 3 est-il un rip-off de TRON ? Oui, mais curieusement, Tron : L'Héritage emprunte quelques pages à Spy Kids 3, notamment la structure organisée des jeux eux-mêmes, les motivations du méchant, l'intérêt amoureux artificiellement créé pour Juni, l'idée de sauver un membre de la famille - même le design des motos est similaire.

Les enfants devenus trop grands pour interpréter des enfants-espions, le public n’étant plus réellement au rendez-vous, la franchise est peu à peu tombée dans l’oubli ... jusqu’en 2011.

 

photo

 

LA RELANCE RATÉE 

Rodriguez a tenté de rebooter la franchise en 2011. Spy kids 4 : All the Time in the World s'articule autour d'une nouvelle famille, d'un nouveau lot de gadgets high-tech et d'un nouveau super-vilain à combattre. C’est un flop. Avec un grand F. On y retrouve Jessica Alba jouant le rôle de Marissa, la belle-mère d'une paire d'enfants hargneux et la femme de Wilbur, un mari stupide qui anime une émission de télé-réalité sur la chasse aux espions.

Pour compenser l'intrigue à la Fisher Price, Rodriguez a utilisé quelques astuces afin d'occuper le public. En entrant dans le cinéma, les spectateurs de l’époque avaient le droit à leurs lunettes 3D ainsi qu'à un morceau d'une carte A6 sur lequel étaient imprimés des chiffres, de un à huit.

À des moments clé du film, les spectateurs devaient frotter un chiffre spécifique et le renifler - l'idée, vous disait-on, étant que les odeurs libérées vous plongeraient davantage dans l'action époustouflante qui se déroulait à l'écran. Rodriguez réalise le film avec le cinétisme qu'on lui connaît, mais un scénario peu convaincant et inventif fait qu'on s'investit peu dans les personnages ou leurs actions.

 

photoBesoin urgent d'une vie bonus 

 

Mais il y a pire. En fait, le film entier donne l'impression d'avoir été bricolé en un après-midi ou deux. Ajoutez des effets de synthèse d'une qualité similaire à celle des publicités pour les assouplissants de la fin des années 90, un scénario couplé avec des dialogues à la ramasse et vous obtenez un reboot totalement raté et soporifique.

Rodriguez semble croire que la formule d'un film adapté aux enfants consiste à ajouter un bruit ou un choc à chaque fois que la narration semble faiblir, afin d'amuser les mioches et de réveiller un parent somnolent.

Même les jeunes spectateurs peuvent finir par se lasser de son recours au caca et au gluant comme source d’humour. Ce quatrième film Spy Kids n'est pas tant mauvais qu'ennuyeux, il n'a pas le dynamisme et le brio des premiers films de la série : il est simplement totalement dispensable. Ce dernier épisode marque le glas, un échec cuisant. Il ne rapporte que 38 millions de dollars au box-office US pour un budget avoisinant les 40 millions de dollars.

 

photoUn souvenir qu'on préfère oublier 

 

UNE nouvelle génération QUI A DU MAL

L’idée d’enfants super-héros n’a pas pour autant abandonné l’esprit de Rodriguez. Entre Spy Kids 3 et 4, le réalisateur tente un autre coup avec Les aventures de Shark Boy et Lava Girl. Sorti en 2005, le long-métrage est un carnage au box-office : 72 millions de dollars de recettes dans le monde entier. 

Pour autant, Rodriguez persiste et va relancer une dernière fois Spy Kids, mais sous un autre format. En avril 2018, sur Netflix, débarque la série d’animation Spy Kids : Mission Critique. Le show reprend à peu près le même principe que les films : Juni et Carmen Cortez fréquentent la Spy Kids Academy, une école d'espionnage top secrète pour jeunes agents. Sauf que là encore, le charme n’opère pas. Malgré des retours plutôt positifs de la part des journalistes et des téléspectateurs, la série ne parviendra pas à se faire renouveler et s’arrêtera à sa saison 2 le 30 novembre 2018. 

En 2020, Robert Rodriguez lance son ultime coup de poker. Netflix sort un autre long-métrage intitulé C'est nous les héros. Lequel, reprend en partie certains personnages des aventures de Shark Boy et Lava Girl. Là encore, le film n’est pas très bien reçu par la critique et n’est ni plus ni moins qu’une suite banale et sans grand intérêt. 

 

photo, Spy kids 4 : All the Time in the WorldC'est pas terrible, mais on t'aime quand même Jessica Alba

 

Comme les boys bands, les téléphones à clapet et bien d'autres choses des années 2000, il est facile d'oublier pourquoi Spy Kids est devenu populaire. Mais le premier film est d'une créativité unique et a capturé l'imagination d'une génération. Un air authentique de fantaisie porte vraiment Spy Kids. C'est certainement un élément intrinsèque de son message principal, qui encourage les enfants à s'approprier leurs particularités et leurs idiosyncrasies au lieu de se conformer à ce qui est considéré comme normal ou attendu. 

Robert Rodriguez a-t-il définitivement tourné la page de Spy Kids ? Et bien, pas sûr. Le 30 janvier 2021, Variety annonce que la société de production Skydance Media, qui vient d’acquérir les droits, prévoit de complètement réinventer la franchise. Le cinéaste devrait rester à l’écriture et à la réalisation de ce reboot et devrait être entouré des producteurs Gary Barber et Peter Oillataguerre. Pour l’heure, aucune autre information n’a été révélée. Affaire à suivre donc.

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