Fast & Furious : le miracle qui a tout changé pour Vin Diesel, Paul Walker et le tuning

Geoffrey Crété | 8 juillet 2021 - MAJ : 08/07/2021 15:40
Geoffrey Crété | 8 juillet 2021 - MAJ : 08/07/2021 15:40

Le super-blockbuster Fast & Furious 9 arrive, mais tout a commencé en 2001 avec le "petit" film de voitures Fast & Furious, porté par Paul Walker et Vin Diesel.

Fast & Furious n'a pas toujours rimé avec des voitures de luxe qui volent entre deux immeubles à Dubaï, de gros bras qui attrapent des missiles sur un lac gelé, des centres-villes ravagés par des poursuites, et des anti-leçons de physique où la gravité est aussi crédible que les larmes de Vin Diesel. Cette histoire de bolides a commencé comme un simple remix de Point Break, avec des ambitions bien plus modestes et terre-à-terre.

C'était en 2001, et c'était le premier Fast & Furious, avec Paul Walker, Vin Diesel, Michelle Rodriguez et Jordana Brewster, réalisé par Rob Cohen (Daylight, Cœur de dragon). Comment ce film relativement petit et sorti il y a vingt ans a depuis muté pour devenir une improbable et increvable franchise qui repousse sans cesse ses limites (dans l'action, le bon sens, le budget et le box-office) ? Retour sur la naissance de ce petit bolide devenu un monstre.

 

Photo Vin DieselLa famille initiale

 

COUPURE DE PRESSE

C'est presque ironique vu l'importance des mots dans les scénarios de Fast & Furious, mais l'histoire de la saga a commencé dans les pages d'un magazine. En mai 1998, un article titré Racer X est publié dans Vibe, et célèbre cette mode des courses urbaines illégales qui prend de l'ampleur depuis sa naissance en Californie dans les années 90.

Le papier est signé Ken Li, un journaliste de 25 ans, intrigué par ce monde sous-terrain depuis qu'il avait assisté au vol d'une voiture. Il dresse le portrait de Rafael Estevez, tête brûlée de 30 ans, d'origine dominicaine, qui a tout plaqué dès 16 ans pour les voitures. "La course, c'est la guerre. Si t'apportes un couteau et moi une mitraillette, t'es mort. C'est comme ça." Pour lui comme pour ses adversaires, fuir la police est un sport de haut niveau. Et filer à toute allure au milieu des villes, avec des bolides toujours plus rapides, une manière de vivre et vibrer.

 

photo, Vin DieselSpeed Racer X donc

 

L'article attire aussitôt l'attention d'Universal, qui met la main sur les droits en vue d'en tirer un film. L'affaire traîne pendant deux ans, jusqu'à ce que le studio se réveille et passe la deuxième en 2000. Ken Li racontait à Yahoo Movies : "Je pense que pendant dix secondes, ils ont pensé à m'engager pour écrire le scénario, mais ça s'est terminé quand ils m'ont demandé ce qu'était l'histoire pour moi. J'ai répondu, 'Vous avez lu l'article ?'. lls ont fini par faire un mix entre American Graffiti, Point Break et West Side Story."

Universal engage à la place trois scénaristes qui apparaissent à peine sur les radars : d'abord Gary Scott Thompson (crédité sur Hollow Man), puis Erik Bergquist et David Ayer (connu depuis pour Suicide Squad et Fury). Ça n'a plus rien à voir avec l'article de Ken Li, du moins en apparence : "Ce qui est étrange avec cette intrigue, c'est qu'elle est plus proche de l'article que je voulais écrire à l'origine. J'essayais de dévoiler un gang de voleurs de voitures, et j'ai fini par couper cette partie."

Le projet s'appelle alors Redline. Le titre changera très tardivement dans la production lorsque le producteur Neal H. Moritz découvre l'existence du film The Fast and the Furious, sorti en 1955. Il veut absolument l'utiliser, et il faudra passer un accord amiable avec le célèbre producteur Roger Corman pour y arriver.

 

photoRecherchons témoignages de gens ayant acheté le mauvais DVD

 

cRASH TEAM RACING

Au début des années 2000, la future équipe aux manettes des bolides F&F n'est pour ainsi dire personne. Repéré comme acteur et réalisateur avec le film indépendant Strays, Vin Diesel a eu un petit rôle dans Il faut sauver le soldat Ryan, et bien sûr celui de Riddick dans Pitch Black, qui gagnera un statut culte au fil des années. Paul Walker est une belle gueule parmi mille autres dans la vague des teen movies, avec Elle est trop bien et The Skulls, société secrète. Idem pour Jordana Brewster, vue dans The Faculty. Michelle Rodriguez, elle, apparaît tout juste sur les radars avec son premier rôle dans Girlfight.

Le producteur Neal H. Moritz sera central dans la sélection de cette équipe. Il racontait à Entertainment Weekly : "Je faisais The Skulls avec Paul et Rob, et on cherchait un autre film à faire ensemble quand Universal m'a parlé de cet article dans Vibe. J'ai toujours aimé les films sur les sous-cultures, et je savais que Paul adorait les courses de voiture."

Walker en parlera même comme d'un fantasme absolu : "Quand ils m'ont demandé ce que j'aimerais faire comme film, j'ai répondu que je voulais une histoire de course de voitures ou un rôle de flic sous couverture. Trois mois après, ils sont venus me voir avec cet article. J'ai signé sans scénario. Mon agent a flippé, mais je leur ai dit : 'C'est un million de dollars, je vais traîner avec des potes, conduire des voitures, être cool.' Honnêtement, c'est tout ce que je voulais à ce stade de ma vie, j'avais 25, 26 ans."

 

photo, Paul Walker, Jordana BrewsterLes fameux ados normaux des teen movies des 90s

 

La vraie question sera le choix de l'interprète de Dom Toretto, selon le producteur. "Le studio m'a dit que si je pouvais avoir Timothy Olyphant, le film était validé... On a eu de la chance, parce qu'il a refusé. C'est un super acteur, en fait je suis curieux de savoir quel film ça aurait donné avec lui."

C'est encore Neal H. Moritz qui suggère Vin Diesel : "J'avais vu Pitch Black, et j'avais vu Vin dans son court-métrage. J'ai dû convaincre le studio que c'était lui. On s'est rencontrés dans un restaurant et je me souviens que lorsqu'il est entré, c'était comme s'il y avait un projecteur sur lui. Même s'il n'avait pas de renommée à l'époque, il avait juste cette confiance en lui, qu'il était une star. Je pensais que Vin venait me convaincre de l'engager, mais en réalité j'ai dû le convaincre d'être Dom Toretto."

 

photo, Vin DieselNe pas mettre d'eau dans son Vin

 

erreur de script

Mais la lecture du scénario alors signé Gary Scott Thompson refroidit un peu tout le monde, à commencer par Vin Diesel. Il expliquait à Entertainment Weekly :

"Ils m'avaient décrit cette scène qu'on voit dans le premier film, où la caméra passe de mes yeux au moteur en suivant mon bras. C'est la seule chose qu'ils m'avaient décrite, et j'ai dit oui. Et le jour d'après, je dois aller en Australie pour Pitch Black. Je lis le scénario, et je me dis : "Hmm il y a un problème. (...) Ce n'est pas ce que je pensais que ça allait être". Ils ont engagé David Ayer, ce jour-là ils l'ont fait venir, et on est passés sur chaque page ensemble. Et David a écrit un super scénario, et le reste appartient à l'histoire."

Engagé pour enjoliver tout ça, David Ayer explique : "Je devais repenser le scénario. Ça se passait à New York et c'était que des gens blancs. J'ai dit au studio que je ne le ferais pas à moins que ça se passe à Los Angeles, où j'ai grandi. Pour moi, la question de la diversité était centrale dans cet univers, et c'était à une époque où personne ne le faisait." Le scénariste dira que Vin Diesel a largement participé à la création de Dom.

 

photo, Vin Diesel"Laissez-moi piloter tout ça"

 

Vin Diesel et David Ayer retravaillent les autres personnages, notamment celui de Letty. Michelle Rodriguez n'était pas convaincue par ce rôle de potiche, et raconte qu'elle a calmé l'équipe : "Pour que ce soit réaliste, j'ai dû les éduquer : 'Je sais que vous aimez Hollywood et tout ça, mais si vous voulez que ce soit crédible, voilà comment ça marche, et je ne vais pas être une traînée devant des millions de gens, donc je m'en vais si vous ne changez pas ça.' Et ils ont compris."

Cette fine équipe est donc assemblée, et c'est presque un coup du destin : Michelle Rodriguez connaissait Vin Diesel, qui était le videur d'une boîte où elle allait adolescente.

 

photo, Jordana Brewster, Michelle RodriguezFemmes & Furious

 

40 MILLIONS CHRONO

Avant d'être un carton à 207 millions au box-office, Fast & Furious était un nabot pour le studio. Ce petit film de voitures à 40 millions a même été repoussé pour sortir en été, entre Le Retour de la momie et Jurassic Park III, les deux poids lourds d'Universal. Peu voire pas de pression donc, puisque personne n'attendait l'équipe au tournant.

D'autant que la carte film de gros bolides semblait grillée depuis 60 secondes chrono, sorti un an avant avec Nicolas Cage, Angelina Jolie et Timothy Olyphant justement. C'était la version très hollywoodienne, produite par Jerry Bruckheimer, avec de belles gueules à la mode, et un gros budget (environ 100 millions). Le succès de Fast & Furious est donc d'autant plus beau que personne ne misait dessus, pas même l'équipe.

 

photo, Vin Diesel, Paul Walker"Tu oses faire la suite sans moi ?"

 

Le phénomène est quasi instantané. Au box-office, le film écrase vite Lara Croft : Tomb Raider (tiens, encore Angelina Jolie), qui a coûté bien plus cher, et était une gigantesque opération de business pur. Dans les rues, la fièvre des courses monte à la tête du public, qui repart des cinémas en rêvant de tuning et en gonflant les pectoraux. Le casting multi-culturel attire l'attention, et résonne particulièrement aux États-Unis.

Vin Diesel se souvient d'un moment précis avec Paul Walker, raconté à EW : "On était au Mexique pour MTV Spring Break, et sur le retour, on a pris un avion comme tout le monde. Et je n'oublierai jamais : on était assis sur le sol de l'aéroport, à côté de nos sacs, les jambes étendues, et des milliers de gens marchant à moitié sur nous. Paul avait déjà fait quelques films, il savait un peu mieux ce qui allait arriver, et il m'a dit : 'Vin, apprécie tout ça. Le fait que tous ces gens marchent normalement à côté de nous. Parce que quand le film sortira, notre anonymat sera terminé.'". Et c'était vrai.

 

Photo Paul WalkerLe prophète Walker

 

FAST & furious & sans fin

Fast & Furious est alors devenu la plus belle des cages dorées pour la bande, avec des rôles qui ont collé à la peau des acteurs, pour le meilleur et pour le pire. Paul Walker aimait tellement l'aventure qu'il est le seul à avoir rempilé pour la suite, 2 Fast 2 Furious, et n'a jamais eu autant de succès que dans cet univers (pensée pour Bleu d'enfer, Prisonniers du temps, ou Antartica). Michelle Rodriguez n'a pas lâché une seule fois ce rôle de femme dure à cuire avec Resident Evil, S.W.A.T. Unité d'élite ou encore Avatar. Jordana Brewster n'a pas eu grand-chose à vivre ailleurs.

Et Vin Diesel, bien sûr, s'est accroché comme personne à Fast & Furious, devenant producteur dès le quatrième opus. Lui qui avait refusé le deuxième volet et négocié une apparition dans Tokyo Drift en échange des droits de Riddick, a rassemblé la fameuse famille, en ramenant ses collègues. Ainsi, la franchise a pu être officiellement relancée, entre deux xXx et quelques films notables comme Jugez-moi coupable et Babylon A.D..

Un très long chemin, qu'il résumait à EW : "Tout ça a vraiment commencé différemment. C'était très humble, et c'est quelque chose pour lequel je suis reconnaissant, le fait qu'on puisse commencer simplement, afin que le public puisse s'attacher à ces personnages, sans tout le spectacle. Le spectacle est arrivé à mesure que les films devaient se surpasser. Et à mesure que le public s'attendait à l'inattendu."

 

photo, Vin Diesel, Paul Walker"We need a bigger car"

 

Depuis, tout a effectivement changé. Le budget d'un Fast & Furious dépasse maintenant le box-office entier du premier film, Fast & Furious 7 et Fast & Furious 8 ont franchi le milliard au box-office, un premier spin-off est né avec Hobbs & Shaw, et promis, Fast & Furious 10 et Fast & Furious 11 seront les derniers. La petite famille est devenue une usine, et un business énorme qui a pesé lourd dans la balance du studio Universal. Le petit film d'hier est devenu le fonds de commerce de demain, au même niveau que les dinos de Jurassic, et sur le plan international, c'est un triomphe impressionnant (notamment en Chine).

Personne n'avait prévu ce rouleau compresseur. Et certainement pas Ken Li, l'auteur de l'article par lequel tout a commencé. "J'essaie de ne pas penser au fait que je ne touche rien sur cette saga. J'ai passé toute ma vie à expliquer que les scénaristes ne touchent pas de gros salaires à Hollywood. Donc à chaque fois qu'un nouvel épisode sort en salles, mon meilleur ami se fout de moi. Et ça veut dire que c'est arrivé 10 fois en deux décennies".

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