Avant d’emmener les morts-vivants à Las Vegas dans le Army of the Dead diffusé sur Netflix, Zack Snyder s’était essayé au genre avec le remake d’un des films les plus cultes de George A. Romero : Zombie.
À l’époque, confier à un jeune réalisateur de publicité jamais passé par l’étape long-métrage la relecture d’un des classiques les plus définitifs du genre passait pour de l’hérésie pure. Mais lors de sa sortie en 2004, L’Armée des morts a fait forte impression. Snyder et le scénariste James Gunn (alors à peine sorti de Scooby-Doo) ont parfaitement su se réapproprier le matériau original et prouver qu’ils n’étaient pas de simples contractuels. Comment réussir le remake d’un chef-d’oeuvre : mode d’emploi.
Forcément, ça va spoiler. Eh oui.
Love and zombies
Pour concevoir un bon remake, il faut beaucoup d’amour. La déclaration sonne mièvre, donne l’impression d’enfoncer à coups de bélier géant des portes grandes ouvertes. Néanmoins, à l’aube des années 2000, elle n’est pas évidente pour tout le monde. Le cinéma d’horreur américain, en mal de nouveaux monstres, s’apprête à régurgiter ses plus grands classiques, pas toujours pour les bonnes raisons. Dès 1998, le studio Dark Castle soumet déjà l’héritage de William Castle au style MTV, annonçant une vague de réactualisations à la nécessité aléatoire.
Dawn of the Dead est pourtant bien d’abord l’oeuvre d’un duo de producteurs, Eric Newman et Marc Abraham. Dans le making-of, ce dernier explique avoir reçu beaucoup de propositions pour Zombie, mais n’avoir donné suite à aucun projet : « Rien de ce que j’avais entendu n’était convaincant ». Toutefois, lorsque Newman, fan auto-proclamé de Romero, vient le chercher, il décèle assez de passion pour lui proposer une collaboration. Les deux hommes achètent alors les droits et engagent un James Gunn certes coupable des deux Scooby-Doo, mais également trublion de la grande époque de la Troma, pour le scénario. Newman, une fois de plus, démarche un amateur : « A qui confier ça, sinon au type qui a le poster dans sa chambre ? ».
Et si vous ne l’avez pas vu, regardez Zombie
Et ça se voit. Bien sûr, Dawn of the Dead respecte le postulat de son modèle (les survivants d’une apocalypse zombie se réfugient dans un centre commercial) et incorpore quelques références croustillantes. Les apparitions de Scott H. Reiniger, Ken Foree et surtout Tom Savini sont d’autant plus amusantes qu’elles jouent un rôle dans la narration, court-circuitant le système classique de caméos. Néanmoins, il y a surtout une volonté de répliquer l’efficacité d’un cinéaste qu’on a trop souvent réduit à son goût pour la satire. La scène d’introduction, bien qu’elle soit très différente de la fuite étouffante de 1978, installe les enjeux avec la même frénésie et la même ambition folle : représenter la fin du monde.
Grâce à une équipe de maquilleurs en béton armé, le remake se livre à un carnage gore presque comparable à la version européenne de Zombie. Dans sa version director’s cut, sortie en DVD et Blu-ray, il propose quelques plans ultra-graphiques et deux ou trois mises à mort délirantes, des tronçonneuses embarquées à la petite fille cannibale – un effet très audacieux quand on connaît les restrictions imposées par un tournage avec des enfants.
Enfin – et cet aspect a souvent été éludé par les critiques – il se réapproprie un certain goût pour le commentaire acide. Sans jamais marcher sur les plates-bandes de Romero vis-à-vis du décor, il glisse quelques références mordantes à l’american way of life : les chaînes d’information en continu sont perdues sans leur prompteur, les couples qui tombent aux mains des zombies sont adeptes des télé-crochets du soir, une bière à la main, la rédemption doit passer par la famille, quitte à la suivre dans la mort. Quant au personnage de C.J, sa dévotion presque religieuse à la télévision et son égocentrisme parlent pour lui.
Une rédemption flingue à la main
Zombie 2000
Néanmoins, la célèbre satire qui faisait le sel de l’original est globalement absente, et Snyder utilise le centre commercial comme un décor classique. Ce que beaucoup voyaient comme un gros défaut s’est vite avéré être la première qualité du long-métrage. La vilaine expression « modernisation », utilisée pour justifier les pires resucées, prend tout son sens ici, et prouve à quel point un remake horrifique peut être pertinent.
Nous évoquions 28 semaines plus tard et à quel point il constituait une suite idéale. Le genre du zombie est particulièrement adapté au remaniement, à l’adaptation, à la déclinaison. Création purement cinématographique inspirée de la culture vaudoue, il traverse les époques tout en reflétant leurs particularités esthétiques et leurs modes de représentation. Ainsi, si Gunn et Snyder décident volontairement de ne pas empiéter sur les thématiques sociales du maître, ils disent tout de même, avec leurs zombies, beaucoup de leur temps.
Deux ans auparavant, 28 jours plus tard a propulsé le genre dans une nouvelle ère en transformant les cadavres ambulants en sprinters enragés. Les « infectés », comme on les appelle désormais, symbolisent l’accélération des montages des années 2000. Bien que le carton du long-métrage de Danny Boyle ait initié le mouvement, Dawn of the Dead confirme son implémentation définitive dans le cinéma d’horreur mainstream, puisqu’il rapporte 102 millions de dollars dans le monde pour un budget de 26 millions.
Sur le toit du centre commercial, le personnage de Ving Rhames cite le classique de Romero lorsqu’on lui demande pourquoi les zombies abondent aux portes de ce temple de la consommation : « Des souvenirs, des instincts… Ou alors ils viennent pour nous ». Cette dernière phrase fait office de note d’intention. Bien conscient qu’il ne pourra jamais rivaliser avec tonton George, Gunn a tout de suite transformé l’histoire en vecteur d’action, soumettant comme condition de ne jamais avoir à rendre de traitement, pour plonger sans filets dans la violence d’une attaque de zombie.
Des bébés et des flingues. On est comblés.
Le scénariste aime l’idée d’un risque omniprésent, qui peut surgir à tout instant et donc booster instantanément les enjeux. Les adeptes de la « capilotractation » feront remonter cette nouvelle vision de l’horreur, niant tout confort narratif pour vomir régulièrement des hordes de zombies sous speed à la tronche du spectateur, au traumatisme du 11 septembre, qui a prouvé aux Américains que leur prétendu havre de sûreté (« Les États-Unis règlent toujours leurs merdes », tente de se convaincre l’Américain par excellence C.J) avait ses failles, et que la mort pouvait être fulgurante. Sans tomber dans la théorie du complot, la toute première image du générique d’ouverture en dit beaucoup.
Mais même si on exclut cette hypothèse plus globale et culturelle, le remake traduit une évolution du rapport à l’horreur. Les films de Romero reposaient sur la pression d’une masse immuable (particulièrement dans La Nuit des morts vivants et Zombie). L’épouvante post-2000 mise sur l’inconfort et la surprise, inclinaison qui va s’accentuer jusqu’à la foire aux jumpscares des gros succès de ces dernières années.
Snyder Cut
Respect de l’original : check. Réactualisation du mythe : check. Il ne manquait plus à Dawn of the Dead qu’un style qui lui est propre. Et c’est justement en ça que peu de fans d’horreur croyaient lors de l’annonce du projet. Si James Gunn était passé par Troma, il n’avait pas encore accompli le génial Horribilis et il était surtout connu pour ses Scooby Doo. Quant au réalisateur, il avait tout de l’exécutif résilient, aux bottes d’un studio vicieux. Les pubards font rarement de bons cinéastes. Toutefois, contre toute attente, Snyder, qui était alors une superstar du milieu, a fait de ce remake – qu’il refuse d’appeler comme tel puisqu’il ne réutilise pas le scénario original – une rampe de lancement très efficace.
Pour autant s’imposer dans l’industrie via un film de genre, un remake vu d’un mauvais œil par une majorité de cinéphiles, il fallait marquer les esprits. C’est la raison d’être de la séquence d’introduction, véritable carte de visite, et instant de bravoure qui reste au panthéon des meilleures scènes dirigées par le nouveau messie des fans de DC. C’était la partie de l’original la plus prompte à la réappropriation puisqu’elle décrit une apocalypse ouvrant un champ des possibles délirants. Snyder et Gunn relèvent le défi avec brio.
Dans un premier temps, ils amorcent l’élément perturbateur avec une touche d’ironie dramatique savoureuse (l’hôpital, et les dialogues qui jouent habilement sur la culture zombiesque du spectateur). Puis ils attaquent frontalement le mythe de la famille nucléaire américaine, inaugurant le bain de sang d’une petite provocation. Enfin, ils composent dans le climax de la scène un véritable tableau de fin du monde, grâce à un panoramique techniquement saisissant, jouant à la fois de la mobilité des figurants et de ses effets spéciaux numériques.
Le style des deux compères s’immisce partout, laissant transparaître la suite de leurs carrières respectives, sans pour autant freiner la simplicité de la féroce série B. La séquence de l’accouchement, qui fait presque penser à Braindead, porte la marque du scénariste, amoureux d’horreur devant l’éternel, en passe de parasiter les majors hollywoodiennes avec ses idées craspec. D’ailleurs, les premières versions du scénario multipliaient encore plus les débordements puisque la mission de sauvetage (foirée) d’Andy impliquait plusieurs chiens qui se bastonnaient avec leurs homologues zombies, dans une bataille malheureusement trop chère en CGI.
Les dents plus grandes que le ventre
De la même manière, les tics de Snyder, qui s’épanouiront pleinement dans son essai suivant, 300, sont déjà là. Passé 30 minutes de film, on ne compte plus les ralentis sur les flingues en action et les balles qui rebondissent sur le sol. Un premier pas dans un engrenage qui va très vite s’emballer. Dans le commentaire audio, lorsqu’il évoque le gore, le cinéaste lâche : « La plupart des gens savent comment s’arrêter. Je n’ai pas cette chance ». Sans le savoir, il vient de déclamer la devise de sa carrière.
Dawn of the Dead est bien plus un long-métrage de Snyder et Gunn qu’un remake de Romero. Blindé de références assumées à Alamo, aussi furieusement efficace qu’évidemment personnel, il montre que la redite horrifique n’empêche pas la créativité. Avec son histoire de centre commercial assiégé, le maître du genre a légué un véritable bac à sable à ses successeurs. Il ne tenait qu’à eux de jouer avec.
Exposition repetitive et prévisible. Générique interminable et complaisant, scénario linéaire et sans idée relayé par un second degré permanent, Acteurs nazes ou mal dirigés où les deux. Mise en scène grandiloquente mais molle. Zombies modern jazz façon Broadway. Un cauchemar vaniteux. Tellement prévisible qu’il se spoile lui même. Misère… plus d’idée dans un plan de Romero que dans un film (de 2h30 ! ) de Snyder
@Rorov94M
J’aime bien ta radicalité en terme de cinéma mais qualifier le zombie de Romero d’islamogauchisme c’est juste un peu la partie facho de ton cerveau qui paralyse la partie qui gère le bon sens, la logique et la rationalité.
1 l’islam n’était pas une préoccupation pour les ricains à l’époque
2 l’aspect gauchiste du film se limite à une critique de la société de consommation qui veut faire des individu des zombies qui èrent sans réfléchir dans les allées de supermarché. Une idée de gauche, sans doute, mais qui trouve écho chez des gens de tout bord
Pauvre xaxaballon ! Ca m’étonne pas de toi ces réac’tions idiotes , Surtout ne change pas, tu pourrais devenir intelligent , ça serait terrible !. …….Et au fait..Cinéma pas mort. Content j’espère !
@Nono
Je préfère une péloche de droite à un pamphlet islamo-gauchiste!
Un film de gauche est un film où les zombies adultes aiment les enfants!
Raté de bout en bout, sauvé uniquement par ses maquillages et ses effets spéciaux, mal réalisé multiplication abusives des plans, un scénario qui mélange du die hard , du film de zombies et autes sans jamais arrivé à la cheville de ses influences, bref à voir uniquement sous substance entre potes, sinon passe ton chemin l’ami
Pas nul, mais très surfait à mon sens. Et pas si gore que ça. Surtout, il transforme un pamphlet de gauche en péloche de droite. V’là le remake… Je lui préfère perso largement Land of the dead & 28 semaines + tard.
Un très bon faux remake (pas meilleur que ses références à mon avis), avec une fin géniale qui fait un énorme clin d’oeil à l’enfer des zombies de Fulci (autre chef d’oeuvre).
Son meilleur film avec Watchmen.
(ses seules deux vraies réussites, d’ailleurs…)
J’ai beaucoup aimé ce film, je préfère l’original, mais celui-ci est quand même très bon.
Cette pépite dans le genre ! Avec les 28 jours/semaines plus tard ça reste le top pour moi. Le nouveau Snyder semble d’ailleurs prendre un peu cette « voie » d’un 2ème volet beaucoup plus « action » mais pour autant très bon, je croise les doigts !