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Rambo, film culte : c’est quoi sa guerre à Stallone ?

Par Simon Riaux
1 juin 2023
MAJ : 21 mai 2024
52 commentaires
Photo Sylvester Stallone

À ses débuts, Rambo était l’histoire d’un vétéran désœuvré et rejeté par son pays. Le bon temps d’un film pas encore transformé en saga par Hollywood.

Devenue une des franchises emblématiques de la carrière de son interprète, la saga s’est transformée et a muté à travers les âges, au gré des changements de mode, des bouleversements politiques et de la carrière de Sylvester Stallone. On revient sur ce premier chapitre, radicalement différent de ses rejetons, sorti en 1982 et réalisé par Ted Kotcheff.

 

photo Sly à Cannes, lors de l’hommage qui lui a été rendu à l’occasion de la projection de Rambo en mai 2019

 

POURQUOI C’EST SA GUERRE

Cette première apparition à l’écran du personnage est une adaptation du best-seller de David Morrell. John Rambo, vétéran du Viêtnam, où il a officié dans les Forces Spéciales et écopé d’un bon trauma des familles, est incapable de se réinsérer au sein d’une société qui ne le comprend pas, ne veut pas porter la croix de ses anciens combattants amochés, mais surtout, associe cruellement les soldats à l’administration qui les a précipités dans un conflit perçu comme injuste.

Errant dans l’état de Washington à la recherche d’un frère d’armes, il découvre bientôt que ce dernier est décédé. Il est alors pris en grippe par le shérif local, qui le voit comme un parasite possiblement fauteur de troubles. L’agressivité qui est opposée à Rambo réveille en lui la violence et la paranoïa qu’il a hérités de la guerre. Quand la police le malmène, il se transforme en véritable machine de guerre, lancé dans une vendetta contre les autorités.

 

photoLa pêche, la super-pêche

 

Après avoir allégé la charge salariale des forces de l’ordre du comté de Hope, John Rambo met la petite cité à feu et à sang. Seul son ancien supérieur et mentor, le colonel Trautman, parviendra à l’arrêter, en lui permettant de verbaliser la terreur et la rage qui l’animent, alors que le soldat est sur le point de provoquer une sanglante confrontation avec l’armée, qui encercle le commissariat où il s’est retranché.

À noter qu’initialement, le héros devait mourir, ainsi que le shériff, laissant Trautman seul survivant du massacre. Une sorte de Frankenstein inversé donc (le créateur survivant à sa créature) qui constituait déjà la conclusion originale du roman.

 

photo, Sylvester StalloneUn Sylvester sylvestre

 

UNE FLèCHE AU BOX-OFFICE

Le film de Ted Kotcheff est un éclatant succès au box-office. Il rapporte 125 millions de dollars pour une mise de 15 millions. De nos jours, il s’agirait d’un succès remarquable, pour peu qu’on ajuste l’inflation : le film aurait coûté dans les 39 millions de dollars et rapporté plus de 330 millions de billets verts. Une rentabilité dont rêveraient beaucoup de longs-métrages originaux, classés R et ne bénéficiant pas d’une marque établie préalablement au box-office pour assurer leur renommée. Rambo s’impose ainsi instantanément comme un personnage central de la pop culture américaine et de la carrière de Sylvester Stallone.

Mais le projet revient de loin, et avant d’être un énorme succès pour Kotcheff et Stallone, il est passé entre bien des mains. De la Columbia vers Warner Bros, John Milius se pencha sur le projet et Clint Eastwood, Robert De Niro ou encore Kris Kristofferson furent envisagés pour tenir le haut de l’affiche. De même, le script changea plusieurs fois, au gré des velléités de ses auteurs ou producteurs, les personnages décédant ou survivant selon les versions. Au final, John Rambo ne dut sa survie qu’au flair des producteurs sentant le succès venir.

 

photoOn avait dit bien dégagé autour des oreilles, c’est ça ?

 

GUERRE INTERIEURE

Dans son discours, mais aussi sa mise en scène et sa caractérisation des personnages, Rambo témoigne des mutations en cours au coeur de la machine Hollywoodienne. Le Nouvel Hollywood et son cinéma souvent noir, pour ne pas dire nihiliste, sont à l’agonie. Le bide de La Porte du paradis de Michael Cimino vient de couler la United Artists, et les studios ne font plus confiance aux auteurs qui ont émergé dans le sillage de Bonnie et Clyde ou Easy Rider. Le succès de toute une génération d’artistes s’étiole, le public veut des oeuvres plus positives, plus colorées, et les exécutifs trépignent de leur offrir, tout en reprenant directement la main sur le contenu et l’orientation des projets qu’ils valident.

 

photo« Bon c’est un peu ma guerre quand même hein »

 

Ainsi, le métrage apparaît infiniment plus léger et abordable que d’autres oeuvres sur le même sujet, beaucoup plus linéaires et compatibles avec les canons du divertissement grand public. Mais si Rambo n’est pas Voyage au bout de l’enfer, le film n’a pas pour autant abandonné toute complexité ou ambition politique, loin s’en faut. On pourrait même y voir, sous ses oripeaux de divertissement rythmé et intense, une forme de dénonciation extrêmement forte.

Ainsi, le cinéma américain ne l’a pas attendu pour dénoncer les horreurs du Viêtnam et plus globalement, les errements de la classe politique américaine. Toutefois, on note dans ce premier chapitre un élément rarissime dans le cinéma américain traitant de la guerre et de ses conséquences.

Le personnage de John évoque à plusieurs reprises le front et le combat, mais jamais, absolument jamais, ne s’autorise à diaboliser son ennemi. Pour critique que le genre soit à l’égard de l’administration américaine, rarement l’ennemi des troupes états-uniennes aura été décrit avec autant de respect (une donnée qu’abandonnera totalement la saga dès Rambo II : La Mission). Car le récit embrasse totalement la nature de son anti-héros, devenu un outil envoyé à la boucherie, désormais inutilisable, brisé, rejeté par le système qui l’a engendré. Le super-soldat ne souffre pas seulement d’un manque de considération, il souffre d’avoir été dupé et poussé à commettre des actes qui le hantent.

 

Photo Sylvester StalloneJeux de couteaux, jeux brutaux

 

Cette conscience politique aiguë s’accompagne de plusieurs ingrédients qui demeureront les signatures de la saga. La présence de la nature, la capacité de John à ne faire qu’un avec elle, le camouflage, son armement, la nécessité de se soigner à la dure, le bandeau, la destruction finale, le trauma de la détention et de la torture… Toutes ces marques constitutives de l’identité de la franchise et présentes jusqu’à aujourd’hui impriment la pellicule, à l’exception de l’arc, qui fera son apparition dès l’épisode suivant.

Sur un plan artistique, le film doit beaucoup, pour ne pas dire tout à Sylvester Stallone. Il se battra comme un beau diable pour ramener le montage (initialement de plus de 3h) à une durée raisonnable de moins de 100 minutes, et assure une interprétation bouleversante du personnage. Ce dernier deviendra constitutif de son image, et cristallise la star comme l’ambassadeur d’un cinéma certes musclé, mais aussi porte-voix d’hommes brisés par l’histoire de leur pays. Un héros populaire, un déçu de l’American Way of Life qui n’a plus que ses poings pour parler.

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Très bon article.
Le meilleur Rambo de la série et sans doute un des tous meilleurs films avec Stallone acteur.

Miami8 1

Oui, sans conteste, le meilleur.
Je reviens sur les critiques d’hier sur le côté hyper violent des Rambo.
Franchement, les 3 premiers sont très soft par rapport au 4, visuellement parlant en tout cas.
John Rambo pour moi, n’est pas si représentatif que ça de la saga au niveau de la violence.

Yellow Knight

C’est le seul Rambo que j’apprécie perso, je trouve qu’il a de nombreux mérites que ce soit comme histoire qui se laisse bien regarder ou pour l’Histoire de la période ou plus actuelle.

Du point de vue de l’Histoire de la période, le film est une belle synthèse de ce qu’on pourrait penser un ancien combattant revenant des guerres du Vietnam, que ce soit français ou américain. Il a le mérite de rappeler que ces guerres n’ont pas été perçues médiatiquement comme héroïques, influant grandement l’opinion publique, fait que l’armée américaine prendra grandement en compte par la suite. Et que l’héroïsme du soldat revenant de la guerre et son culte au états unis et une chose récente datant de la Guerre du Golfe.
Si le cinéma français avait fait une telle œuvre, il aurait pu parlé des sabotages des parachutes et des volontaires de Dien Bien Phu faisant le 1000m en chute libre, des cadavres revenant en France, jetés à la mer par les dockers Marseille, les cheminots de la SNCF qui refusèrent de transporter ces cercueils, des humoristes parlant de fous revenus d’Indochine dans leurs sketchs, alors que peu en sont revenus et la plupart avait connus les marches forcées, les privations et la torture dans les camps tenu par des français, culturellement que ce soit en France ou aux USA le rejet des anciens combattants fut fort, entrainant leur radicalisation envers le socialisme même libérale de centre gauche et un déplacement vers la droite.
On pourrait en dire beaucoup de chose comme allégorie de cette période, d’ailleurs pour avoir 2 livres sur cette périodes, les historiens ne se sont pas trompés et le prennent comme référence pour appuyer leurs synthèses.

Puis par rapport à l’Histoire actuelle, il fait un beau paradoxe, car si les faits de cette époque ont été perçus aux USA comme négatifs, de nos jours, quoi qu’il arrive l’opinion publique américaine prend très rarement position contre leur pouvoir ou l’armée, l’armée américaine s’est vu reprochée de nombreux crimes, comme les tortures en Irak, les enlèvements par la CIA vers des prisons secrètes dans le Monde, le centre de détention à Cuba, les munitions à l’uranium appauvrie qui était en fait des déchets d’uranium, qui avaient été utilisées comme tests grandeur nature durant la guerre du golfe, dont les retombées ont provoqué des tumeurs effrayante parmi la population irakienne, … L’administration américaine a par encore exemple menti en 2003 quant aux armes non conventionnelles irakienne, accusant la France de trahison et au boycott quant elle s’est opposée, on a beau eu au final avoir eu raison, qu’il a été prouvé de manière indépendante aux usa que c’était une mystification, qu’il y’ait même eu aveu des protagonistes qu’ils visaient en faite le pétrole, ça n’a jamais retournée la population américaine contre la guerre en Irak, l’armée ou les Républicains, alors que si de tels fait s’était passé à l’époque, il y’aurait eu des manifestations montres et un mouvement fort francophile.

C’est un film sympa qui fait réfléchir sur l’Histoire et pas uniquement sur la période du Vietnam.

Lucthom

Vous voulez un tres bon article sur Rambo alors lisez le Mad Movies Classic qui vient de sortir.

Simon Riaux

@Lucthom

On y trouve un peu plus qu’un article hein 😉

Et il est très bon en effet.