c‘EST L’HISTOIRE DE LA VIE
Kubo est un jeune garçon borgne qui vit avec sa mère malade dans une caverne face à la mer. Armé de son shamisen (instrument de musique japonais traditionnel), il joue tous les jours sur la place du village voisin pour gagner sa croûte en donnant vie par sa musique à des origamis qui illustrent son histoire. Avec pour consigne de rentrer avant la tombée de la nuit. Hors un soir, évidemment, il enfreint cette règle et deux créatures malfaisantes apparaissent et détruisent le village.
Pour arrêter les agissements du Roi Lune, Kubo va devoir retrouver trois pièces d’armure ayant appartenu à son défunt père. Mais il ne sera pas seul dans sa quête puisqu’il sera accompagné de Madame Singe, figurine venue à la vie par l’ultime sort de sa mère, et de Scarabée, guerrier amnésique victime d’une malédiction.
Ce bref résumé sans spoilers indiquera d’emblée aux lecteurs les plus éclairés la véritable nature du film : le récit initiatique. Et Kubo répond aux moindres codes de ce genre d’histoires où il est question d’arrachement à l’enfance, de découverte de soi et de transcendance de ses origines. De ce point de vue, Kubo remplit son cahier des charges et se montrerait presque trop bon élève puisque, pour qui connait le genre, il respecte la moindre obligation à la lettre, au point de sacrifier à quelques lieux communs.
Héros torturé au passé mystérieux : check. Sidekicks opposés et donc complémentaires: check. Grosse révélation qui lie le héros à son destin : check. Nous y retrouvons les lieux communs, devenus clichés avec le temps, que l’on voit aussi dans Star Wars et Le Seigneur des Anneaux ou tout autre récit initiatique et mythologique. Mais limiter Kubo et l’armure magique à ce simple postulat serait une lourde erreur. Car, voyez-vous, Kubo transcende rapidement le genre et devient une vraie leçon de vie symbolique.
Enquête de soi
Si l’amateur prévoira les moindres rebondissements de l’intrigue à l’avance, il se laissera par contre totalement embarquer dans cette initiation symbolique extrêmement forte et émouvante qui ne parle que de découverte de soi et de l’équilibre nécessaire à trouver entre ce que l’on est, d’où l’on vient et ce que l’on attend de nous pour enfin s’accomplir.
À travers ses péripéties, le film ne parle que de ça : du poids du passé, de ce qu’il laisse en nous et ce que l’on doit en garder pour avancer. Une leçon philosophique et psychologique que l’on n’attendait pas forcément, et que nous n’avons plus vu de manière aussi maitrisée sur un écran depuis fort longtemps. Le tout enrobé dans un récit dark et mélancolique qui ne surprendra pas les fidèles des productions du studio.
Conjuguant le meilleur des Miyazaki, du Disney des grands jours et des Pixar que l’on aimerait un jour retrouver, Kubo et l’armure magique parle de la vie, de la mort, de l’amour et de l’identité sans prendre de gants, ce qui est suffisamment rare aujourd’hui dans les dessins animés destinés à la jeune génération pour être noté.
Par bien des aspects, il rappelle le cinéma de Don Bluth de la grande époque sans pour autant être aussi hardcore (toutes proportions gardées évidemment) qu’un Brisby et le secret de Nimh. Et ce n’est pas l’accumulation de séquences spectaculaires, de moments enchanteurs et d’autres instants inoubliables qui nous prouveront le contraire. D’autant que si en apparence, ces moments semblent un peu forcés par certains, ils sont totalement justifiés du point de vue de la psychologie du héros et de son parcours intérieur, et s’insèrent donc parfaitement dans ce que nous raconte le film, une fois que nous avons dépassé son premier niveau de lecture (en gros, chercher l’armure avec des animaux rigolos).
Une image marquante, parmi beaucoup d’autres
ku-beau
Fidèle à la ligne éditoriale du studio, Kubo met encore à l’honneur le mariage heureux entre la stop-motion et les CGI mais fait passer ces techniques à l’étape supérieure. Après une scène d’introduction fantastique et hallucinante, le film déroule ses prouesses technologiques avec une aisance et un naturel déconcertants.
Jamais nous n’avons vu de l’animation image par image aussi fluide et audacieuse dans sa mise en scène, jamais, nous n’avons assisté à pareil spectacle de marionnettes, à tel point que nous nous demandons plusieurs fois durant le film si nous ne voyons pas des doublures numériques. Un tour de force qui prouve bien à quel degré de maitrise est arrivé les artistes du studio Laïka (Coraline, L’Etrange pouvoir de Norman, Les Boxtrolls), et qui annonce un avenir particulièrement passionnant.
Mais toute cette technique ne serait rien sans la grande humanité et l’énorme sensibilité qui se dégagent de l’ensemble. Entre une direction artistique complètement folle et enchanteresse, une musique magnifique et envoûtante, un casting vocal exemplaire (Rooney Mara, Charlize Theron, Matthew McConaughey et Ralph Fiennes au top) et la mise en scène pertinente et inspirée de Travis Knight, Kubo et l’armure magique compense ses relatives facilités pour nous offrir un spectacle incroyablement touchant, qui nous en met plein la tête du début à la fin et nous laisse sur le carreau avec des étoiles et des larmes dans les yeux.
Un film comme ça ne se manque pas, c’est interdit. Courez le voir, vous ne le regretterez pas.
@philmencre @Kiddo
Bien d’accord !
Quand je vois la quasi unanimité face au Monde de Dory, qui me semble très film-à-formule, je repense à la sortie trop discrète de Paranorman…. et ne comprends pas.
J’attends juste une audace narrative à la hauteur de l’ambition visuelle (Les Boxtrolls m’a de ce côté pas mal déçu).
Mais quand on voit le box-office de Kubo aux US, alors que la presse est excellente, y’a de quoi désespérer…
@Philmencre
Absolument..
Laika est tres loin devant la concurrence aujourd’hui.
Sur la forme, les avis divergeront car la methode old-school pourra en rebuter qquns (un vrai dommage car le stop motion a ce niveau genere une telle poesie..) mais sur le fond, il n’y a pas photo…
Enfin, je suis impatient depuis que j’ai su que Laïka préparait ce film. Tous, absolument tous leurs films sont des merveilles de maitrise technique certes, mais aussi (et surtout) de poésie, d’intelligence et de beauté. Un régal autant pour nos rétines que pour nos sens et notre cerveau. Le meilleur studio d’animation à mes yeux (émerveillés) avec Ghibli.