Le Monde de Dory : critique d'une suite noyée

Geoffrey Crété | 26 mai 2022
Geoffrey Crété | 26 mai 2022

Le Monde de Dory est ce soir à 21h10 sur M6.

En digne maître des plaines hollywoodiennes, Pixar puise désormais dans son répertoire à succès des titres susceptibles d'offrir des suites. Toy Story a ainsi conquis le public, tandis que Cars 2 et Monstres Academy ont confirmé que l'exercice était périlleux. Sept mois après la sortie de Le Voyage d'Arlo, passé inaperçu vu l'étiquette Pixar, Le Monde de Dory débarquait donc, 13 ans après Le Monde de Nemo. Bonne ou mauvaise idée ?

NAGE DROIT DEVANT TOI

En 2003, Le Monde de Nemo marque l'âge d'or des studios Pixar : un premier Oscar du meilleur film d'animation, un phénomène dans le monde et un succès record en salles - inégalé en France et détrôné au box-office mondial par un Toy Story 3 qui a coûté deux fois plus cher. Depuis, il y a certes eu Les Indestructibles, Ratatouille, Wall-ELà-haut ou encore Vice Versa, mais aussi CarsCars 2, et Monstres Academy. L'année dernière, le médiocre Le Voyage d'Arlo a confirmé que Pixar, tout en étant vaillamment protégé par ses fans, était un studio hollywoodien comme les autres, capable du meilleur mais aussi du pire. Le Monde de Dory, suite inespérée d'un film moyennement chéri par les puristes, le confirme à nouveau.

L'argument tient dans le titre : cette fois, c'est au tour de Dory, chirurgien bleu amnésique, d'occuper le devant de la scène puisqu'elle partira à la recherche de ses origines oubliées, avec Marin et Nemo à ses côtés. Elle affrontera une nouvelle aventure tonitruante, pleines de bons sentiments et de péripéties, qui se déroulera principalement dans un institut de biologie marine (la production a abandonné l'idée du parc aquatique après avoir vu l'effrayant documentaire Blackfish).

 

Le Monde de DoryParler baleine, ou comment un gag qui aurait pu être drôle et inventif devient pénible

 

SOUS L'OCEAN AGAIN

Premier problème évident : la formule, décortiquée depuis des années par les admirateurs de Pixar, repose ici sur un univers et une dynamique connus. Exit donc le plaisir de la découverte, puisque Le Monde de Dory élargit, sans prendre de vrais risques, les ficelles et la dramaturgie du Le Monde de Nemo. Passé cette évidence, a priori acceptée par le public, la suite à nouveau co-réalisée par Andrew Stanton (revenu de John Carter), offre une nouvelle démonstration des limites de Pixar.

Car ici, la recette censée être d'une efficacité redoutable ne prendra même plus la peine de camoufler sa mécanique. D'un oiseau utilisé comme un vulgaire outil d'évasion pour sauver les héros, à une utilisation grossière de l'écholocation des mammifères marins, le film n'essaie même plus de cacher ses ficelles. L'efficacité et la rapidité passent définitivement avant l'inventivité, notamment lors d'un dernier acte qui fonce tête baissée avec une insolence désagréable. Sacrifié sur l'autel d'un spectacle quelconque, avec un climax cousu de fil blanc, l'imaginaire des studios semble bien timide.

 

Le Monde de DoryHank, meilleure nouveauté

 

MONSIEUR POULPE

Dans cette aventure en pilotage automatique, il faudra bien un nouveau personnage pour détourner l'attention. Ce sera Hank, un poulpe individualiste, présence un peu poussive dans l'intrigue mais absolument indispensable dans le film. Ce n'est certainement pas un hasard si ce maître dans l'art du camouflage est la star du générique de fin : Hank le poulpe est la meilleure carte du Monde de Dory, celui qui incarne l'imaginaire, la légèreté et l'inventivité de Pixar.

Il y a bien ça et là des éclairs de drôlerie indéniables, des apparitions irrésistibles et des gags réjouissants. Mais partout dans Le Monde de Dory, l'impression tenace que Pixar se contente de réemployer ses outils avec un nouvel habillage coloré, comme une gigantesque machine à rêve qui a en partie perdue sa raison d'être (l'originalité, la liberté, la capacité à ouvrir un monde inattendu et en repousser les frontières).

Le spectacle parfaitement calibré est naturellement assuré, et saura sans nul doute séduire un public de masse. Mais difficile d'être rassasié, et ne pas y voir une entreprise qui se repose un peu trop sur la nostalgie pour être réellement aimable.

 

Affiche

Résumé

Une suite pas utile qui rappelle deux choses : la maîtrise désormais attendue de Pixar en matière de spectacle fédérateur, et la tendance du studio à se reposer sur une formule qui laisse de moins en moins de place à l'imaginaire.

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commentaires
Flo
26/05/2023 à 11:49

Des années de travail, pour arriver seulement à un quasi remake du premier. L’aventure en moins – pas de nouvelles explorations des mers, on arrive direct dans un centre marin/parc de loisirs, à peine périlleux.
Toujours très peu d’animaux hostiles, à peine râleurs (le septopode Hank), et absurdement capables de faire les mêmes actions que les humains.
Le personnage handicapé principal, c’est donc maintenant Dory et ses problèmes de mémoire… Mais le film ne fait qu’effleurer le côté horrifique de cette pathologie.
On le ressent à divers moments, certes, mais pas plus sinon les enfants seraient trop traumatisés. Dommage car ça fait partie des thématiques récurrentes de Pixar (Bing-Bong était d’ailleurs bien réussi dans « Vice-versa »).
L’ironie fait qu’on se retrouve avec un film peu mémorable, au point de le confondre avec le premier.

L'indien Zarbi.
27/05/2022 à 07:19

Vite, un dossier Ray Liotta.

Babar77
06/07/2018 à 22:17

Pas d'accord du tout. Dory est un très beau film. la pieuvre la plus fun et le plus géniale de l'univers. Un récit de filiation traité avec humour. Très bien

Baneath88
06/07/2018 à 21:17

À l'instar de Monstres Academy, une suite sympathique mais à des lieues de l'original. Cela reste très beau (Pixar quand même) mais évoque plus la politique industrielle de Disney que la création 100% Pixar.

Caporal
13/06/2016 à 17:42

@Sly 1138

Curieux, le site n'a pourtant aucune critique du Voyage d'Arlo...

Curieux également de se baser sur les critiques pour faire ses choix : je vois plus ça comme des pistes de réflexions, des clés pour comprendre et mettre des choses en perspective, que comme un guide pour voir ou ne pas voir. Sauf à peut-être se baser sur plusieurs critiques de différents horizons.

C'est peut-être pour ça qu'on sent régulièrement un mépris et une agressivité contre la presse, et notamment sur les 3/4 des critiques sur ecran large : si on attend des critiques une forme de grande vérité, on se sent trahi ou trompé quand on réalise que la vérité n'existe pas sur un film et qu'on n'aurait pas du suivre l'avis de quelqu'un...? Pourtant je doute fortement que les critiques attendent qu'on suive religieusement leur opinion avant de payer son ticket de cinéma.

Sly1138
13/06/2016 à 17:20

A voir quand il sortirat. J'avais ecouté ecran large et fait l'impasse sur Arlo au cinema (j'avais peut de temps a l'epoque) au final j'ai loupé un des meilleurs Pixar en salle. Je ne ferais pas la meme erreur avec dory.

Caporal
13/06/2016 à 15:38

@Hum

Y'a encore relativement peu de critiques sur RT pour Dory (16, alors qu'on en a 311 pour Vice Versa) : l'échantillon est donc négligeable.

Hum
13/06/2016 à 14:57

De son côté la critique anglo-saxonne est enthousiaste (94% d'avis positifs sur Rotten Tomatoes), ça sent le grand Pixar, encore une fois.

Paehon
13/06/2016 à 09:18

@drocmerej

Tu oublies les Indestructibles 2, qui lui fait vraiment rêver.

Fennec
12/06/2016 à 21:15

J'avais plutôt apprécié Le Voyage d'Arlo par son côté un peu simple, justement. On était plus dans l'idée de raconter une histoire plutôt que de nous fouetter les yeux avec de la technique, je trouvais que ça tenait la route.

En tout cas je me demande s'ils vont revoir leur politique de suites vu l'échec critique quasi systématique.

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