Critique : L'Esprit de 45

Perrine Quennesson | 7 mai 2013
Perrine Quennesson | 7 mai 2013

Un mineur demande : « Qui a dit à la police de me frapper, moi un travailleur ? ». Cut. L'image suivante est celle d'une Margaret Thatcher, levant le point comme pour répondre par l'affirmative.

C'est ainsi qu'est construit le documentaire de Ken Loach, L'Esprit de 45, tout en opposition, en questions et en réponses. Toujours farouchement engagé dans la lutte pour l'expression et la défense des classes les plus populaires, Ken Loach nous fait découvrir une période de l'histoire anglaise presque idyllique : 1945, l'année post-seconde guerre mondiale. A l'époque, tout est à refaire, à reconstruire, du pays à l'économie en passant par le moral du peuple. C'est aussi l'occasion de se réinventer.

Construit de façon assez binaire, le film, grâce à des images d'archives et des témoignages d'anciens mineurs, infirmières, dockers mais aussi politiciens et économistes plus ou moins jeunes, oppose les années d'entre-deux guerres à celles qui ont suivi la WWII. Dans les années 30, l'Angleterre souffrait d'une immense misère où, pour caricaturer, les pauvres restaient pauvres et les riches soutenaient les riches. Le déterminisme social y était très présent et n'offrait aucune porte de sortie. Puis il y eut la guerre, les morts, la destruction et enfin la victoire des alliées. Cette période de reconstruction a donc permis de ré-imaginer le pays. Point par point, secteur par secteur (santé, logement, emploi,...), Loach explique comment ces années de nationalisation ont créé une image, presque d'Epinal, de bonheur social. Le sentiment d'entraide et la solidarité prédominaient, jusqu'aux plus hauts niveaux du gouvernement et le mot « socialisme » n'avait rien d'une insulte, d'un fantasme ou d'un tabou.

Puis le réalisateur saute allégrement une trentaine d'années pour opposer, une fois de plus, la première partie de son documentaire, à la seconde : celle des années Thatcher. La dame de fer au pouvoir est alors, pour le cinéaste, le synonyme du retour à l'individualisme et à la privatisation, entrainant un nouveau désespoir social qui se répercute de nos jours.

Dans un beau noir et blanc qui semble gommer les années pour ne s'attarder que sur les faits et les idées, Ken Loach offre un film fascinant, proche de son travail sur A question of leadership, le documentaire maudit, commandé par ITV, qu'il avait eu des difficultés à faire diffuser dans les années 80. Même s'il est un peu systématique, L'Esprit de 45 brille par sa capacité à être en adéquation avec l'actualité, à encourager le lien intergénérationnel et à souffler, par l'exemple, un vent d'espoir en direction de la jeunesse contemporaine. 

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire