La Dame en noir : Critique

Aude Boutillon | 16 février 2012
Aude Boutillon | 16 février 2012

Voilà désormais trois ans, et autant d'exercices cinématographiques, que la perspective d'une renaissance de l'inénarrable firme de la Hammer, tombée en désuétude à la fin des années 1980, excite une communauté nostalgique de classiques horrifiques, portant une foi sans faille en une entité synonyme de légendes. Force est de constater que l'attente aura rarement été récompensée à sa hauteur ; d'un remake dispensable (Let me In) à une Locataire que l'on qualifiera poliment d'oubliable, en passant par une fable joliment emballée mais pas entièrement convaincante (Wake Wood), les productions Hammer des années 2000 peinaient jusqu'à aujourd'hui à rendre à la glorieuse firme sa superbe passée. C'était sans compter sur le talent du prometteur James Watkins (Eden Lake), entouré d'une solide équipe dont les efforts combinés aboutissent à la création d'un petit bijou d'horreur gothique d'une insolente beauté.

Enième adaptation de l'œuvre éponyme de Susan Hill (et première tentative cinématographique aboutie, après moults remaniements scénaristiques), La Dame en Noir offre à Daniel Radcliffe l'occasion de se faire enfin pousser le bouc, et, accessoirement, d'interpréter Arthur Kipps, jeune notaire marqué par le deuil de sa défunte épouse et père esseulé, contraint de se rendre dans le village de Crythin Glifford, où il se trouve confronté aux sombres secrets d'une communauté hantée par une étrange et redoutée silhouette féminine.

En choisissant d'installer son intrigue au sein d'une contrée reculée de l'époque victorienne, James Watkins pose ce qui constituera la pierre angulaire de son métrage : une atmosphère particulièrement soignée, entre élégance ténébreuse et épouvante pure et dure. Planté dans une Angleterre rurale, forte de ses traditions (les voitures comme les étrangers y sont scrutés d'un mauvais œil) et sujette aux superstitions de ses résidents, La Dame en Noir bénéficie avant tout d'une direction artistique proprement somptueuse, qui n'est pas sans rappeler les intentions de notre Livide national. Des décors inspirés et soignés (à l'image de cette imposante demeure coupée du monde par une marée capricieuse, aux composantes tantôt cramoisies, tantôt verdâtres de décomposition) se trouvent de fait sublimés par la photographie de Tim Maurice-Jones, dont le travail minutieux contribue à la création d'une atmosphère cotonneuse et délétère. On savourera tout particulièrement des jeux d'ombres et de lumières diablement efficaces, ainsi que l'envoutant score de Marco Beltrami.

 

 

Si la composition d'un univers aussi sombre que poétique sied si bien à La Dame en Noir, c'est parce que le film de James Watkins, plutôt que d'offrir un simple rollercoaster horrifique (au demeurant fort efficace), propose de sonder deuil et chagrin avec une pudeur bienvenue. Si la détresse perle au détour d'un rasoir qui s'attarde le long d'une gorge, ou prend la forme d'une mariée évanescente déambulant entre les tombes, jamais elle ne cèdera à la facilité de scènes expansives et pataudes. Finalement, Daniel Radcliffe, bien qu'à des lieues de ses prestations adolescentes des Harry Potter, bénéficie grandement de cette retenue, qui lui permettra de conserver une justesse élégante tout au long du film, voire d'effacer progressivement l'ombre du sorcier qui plane encore au-dessus de lui. Ses partenaires ne sont toutefois pas en reste ; on aura ainsi tout le loisir d'apprécier la présence charismatique de Ciaran Hinds, mais également de louer l'habileté de la scénariste Jane Goldman à évacuer d'emblée les clichés inhérents aux personnages de contrées reculées, en dressant les portraits fugaces de personnages meurtris. Wake Wood et sa communauté secrète ne sont alors pas bien loin, bien que cet aspect soit progressivement délaissé au profit du personnage de la fameuse Dame en Noir.

 

 

Grande réussite du film qui porte son nom -détail méritant d'être souligné-, ladite Woman in Black ne manquera pas de faire tressaillir le quidam venu apaiser ses pulsions horrifiques. Ombre endeuillée fugace, Liz White, entre beauté fanée et putréfaction, glace à plusieurs reprises le sang, tandis que l'on se prend à scruter chaque recoin de l'immense demeure à la recherche d'un mouvement incertain ou d'une silhouette entraperçue. Lorsque la caméra s'appesantit sur sa présence inerte au fond d'une pièce où le drame s'apprête à survenir, c'est alors une véritable Faucheuse, tétanisante de menace et de cruauté, qui prend toute sa dimension à l'écran.  

 

Résumé

On l'aura compris, La Dame en Noir constitue un film d'épouvante gothique classique dans le sens le plus pur du terme, mais surtout d'excellente facture. Le spectateur charmé par cette réussite, qui constitue bien plus qu'un simple exercice de style, saura dès lors pardonner un scénario linéaire et sans grandes surprises, à l'exception peut-être d'une conclusion à la fois abrupte, déchirante et extrêmement sincère, voire joliment naïve. Le sceau de la Hammer serait-il en passe de retrouver son éclat d'antan ?

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