Critique : Le Chat du rabbin

Simon Riaux | 30 mai 2011
Simon Riaux | 30 mai 2011
Joann Sfar n'avait pas choisi la facilité en entamant sa carrière cinématographique par Gainsbourg (vie héroïque). L'auteur prit le risque d'être écrasé par un sujet bien plus grand que lui, cher au public, et parvint à transformer l'essai, avec le succès que l'on sait. Après qu'il nous ait transformé en admirateurs forcenés d'Éric Elmosnino (ou pas), on était curieux de voir comment il allait bien pouvoir adapter son propre travail, lui dont le premier film recelait déjà un goût certain pour l'animation et les effets visuels, qui sont ici au centre du projet.

De toute évidence, l'auteur-réalisateur a épuré le trait du Chat du Rabbin, quitte à surprendre un peu ses plus farouches adeptes. Grâce à un trait plus précis, plus vif, Sfar évacue une crainte légitime pour qui a lu la bande dessinée, à savoir la difficulté d'animer un univers dont se dégage une fébrilité et une délicatesse, qui auraient pu à l'écran se transformer en une fragilité problématique. Il n'en est pas question ici, tant les dessins sont riches et remplissent l'écran, leur composition est rehaussée par un superbe travail des couleurs.

On retrouve rapidement le ton de l'oeuvre originale, à l'origine de son succès, un mélange improbable de conte philosophie, d'humour, de poésie et de tolérance. Car alors que ce Chat du Rabbin découvre la parole, il déclenche autour de lui une folle zizanie, religieux scandalisés, imam voyageur, russe pèlerin, ou belge aventureux ne manqueront pas de s'y frotter. Les dialogues sont plaisants, tour à tour fins, drôles, et toujours très simples. Le tour de force qu'est l'adaptation de plusieurs tomes de bande-dessinée pour aboutir à un long-métrage est alors encore plus impressionnant. En effet, le récit ne donne jamais le sentiment d'avoir été pressé comme un citron et avance sans à coups, ni rebondissements artificiels. Tout au plus note-t-on dans la dernière partie que Sfar a quelques difficultés à conclure, mais peut-être n'a-t-il pas envie de nous quitter.

Alors que le film aurait tout pour plaire, on ne peut que s'agacer devant certains problèmes. L'usage de la 3D tout d'abord, proprement stupide. Si l'on a jamais vu l'intérêt d'utiliser la troisième dimension dans l'animation traditionnelle, son usage est ici totalement contre-productif, puisqu'il assombrit les couleurs sublimes du film, à tel point que l'on enlève régulièrement ses lunettes, sidéré par la beauté de ce que l'on est obligé de louper. Rageant. Un autre élément qui nous sort régulièrement de l'histoire, c'est Hafsia Herzi. Alors que le casting vocal, parfaitement maîtrisé, est d'une très haute tenue, la jeune comédienne livre une prestation totalement à côté de la plaque. Loin de l'indolente sensualité du personnage original, elle compose sans finesse une gamine mal dégrossie,  que le récit la laisse finalement de côté.

Dommage que ces défauts impriment durablement la rétine, Le Chat du rabbin avait le potentiel pour être un nouveau jalon de l'animation française. Si cela ne sera probablement pas le cas, le film demeure une réussite, et la confirmation que Sfar est un artiste protéiforme, qu'il faudra suivre de près. On rêve désormais de le voir s'attaquer à un sujet véritablement original, ni biographie, ni adaptation, ni transposition d'aucune sorte.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire