Critique : Alamar

Nicolas Thys | 1 décembre 2010
Nicolas Thys | 1 décembre 2010

Alamar est un petit film. Un budget minuscule, à peine soixante-dix minutes, une équipe réduite au maximum, 4 acteurs et le réalisateur fait office de producteur, monteur, directeur photo, chef décorateur. Aujourd'hui, la plupart des courts-métrages, même produits entre amis, ont souvent davantage de moyens ! Mais Alamar est également un film dont on se souvient, un film qui passe en un éclair mais un film qui reste.

Découvert début juillet au Festival de la Rochelle, au milieu d'une sélection de haut niveau et d'une pléthore de personnalités présentes, Alamar aurait pu n'être qu'un de ces métrages qu'on voit une fois et dont on oublie l'existence. Mais 5 mois après, son souvenir est encore vif dans les mémoires. Et il se rappelle inlassablement à nous : ses paysages magnifiques transcendés par une photographie à couper le souffle, sa mer bleue comme on n'en voit plus, la manière dont il parvient, avec trois rien, à nous transporter hors de notre monde, hors de la salle, pour nous faire partager le quotidien d'un pêcheur mexicain et de son fils de 5 ans.

Peut-être parce qu'il nous fait redevenir enfant à notre tour. L'histoire est simple : un petit garçon de 5 ans dont les parents sont divorcés vit en Italie avec sa mer. Son père est à des milliers de kilomètres de là, sur une petite île et l'enfant l'accompagne pendant ses vacances et, en même temps qu'il découvre un monde, son père, un métier, nous les découvrons avec lui, pratiquement à travers ses yeux. La manière dont le réalisateur brouille les frontières entre réel et fiction est admirable.

A l'origine directeur photo et documentariste, Alamar est la première « fiction » de Pedro González-Rubio. Fiction puisque le film est joué et que la séquence avec l'oiseau par exemple n'est pas naturelle, mais pas uniquement. Le père et le fils sont vraiment père et fils dans la vie réelle, et cette histoire est la leur. L'authenticité des gestes, des mots, des images est indéniable. Et, la contemplation dans laquelle nous entraine le cinéaste, l'absolu des lumières et des sons, les micro-événements qui interviennent, nous fait entrer au cœur de l'attachement qui les unit. La pêche est également filmée comme un document sur une pratique qui se transmet de génération en génération, d'autant plus quand on sait que face à l'industrialisation croissante, elle est vouée à disparaitre.

Alamar est finalement un grand film. Un grand film car il ne choisit pas entre la pêche et la relation sensible et touchante de cet homme et de cet enfant qui finalement ne se connaissent pas. Il les mêle sans préférer l'un à l'autre et, sans formalisme excessif ni sentimentalisme outrancier, il fait ressurgir des émotions passées. Le titre est significatif, savoureux jeu de mot entre A la mar (à la mer) et Al amar (en aimant). Un grand film car il réussit à ne pas tomber dans le reportage grandiloquent sur la fin d'un monde mais qu'il le montre simplement, tel qu'il est sans jugement, sans penser au futur. Enfin, un grand film parce que simplement beau, maîtrisé et humble, à l'image de son réalisateur.

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