Les Amours imaginaires : Critique

Pierre-Loup Docteur | 10 septembre 2010
Pierre-Loup Docteur | 10 septembre 2010

Une fille, deux garçons et deux possibilités envisagées : Marie et Francis, deux meilleurs amis, tombent tous deux sous le charme de Nicolas, qu'ils viennent juste de rencontrer. Dès lors, ils vont, chacun de leur côté, tout mettre en œuvre pour ne pas vivre avec lui qu'une relation imaginaire. Les Amours imaginaires est scandé par trois scènes, mises en relation par une chanson de Dalida faisant office de leitmotiv, qui montrent les deux amis marchant dans la rue. Gros plans et ralentis excessifs mettent tour à tour en valeur chacun des artifices que les deux amoureux considèrent comme des armes de séduction imparables.

 

 

Bien vite, ils troqueront donc leurs looks initiaux pour revêtir ce qui caractérise les icônes que vénère Nicolas : Audrey Hepburn et James Dean. Et, alors que Marie et Francis cherchent à renvoyer d'eux-mêmes des images belles mais superficielles et loin de leur correspondre, leur amitié se convertira en rivalité et en jalousie, chacun cherchant à capter le regard d'un Nicolas idéalisé, perçu comme un dieu grec, en s'assurant toujours d'être observé... Si Marie comme Francis aspirent à vivre en couple avec Nicolas, ils sont le plus souvent tous les trois dans le champ : lors d'une conversation à deux, la caméra révèle systématiquement, par un brusque mouvement, la présence d'un troisième personnage (Marie ou Francis) qui regarde et écoute impuissamment les deux autres. Comme si, pour que l'un des deux amis soit heureux, il fallait obligatoirement que l'autre souffre...

 

 

Les Amours imaginaires est visuellement magnifique, les cadres et la bande-son sont soignés et pourtant, malgré ce bel emballage, c'est une grande tragédie qui se joue sous nos yeux. Le film adopte des allures de comédie, avec répliques cinglantes (brillamment écrites) et situations cocasses, alors qu'il montre pourtant l'autodestruction de deux êtres. Plus Marie et Francis cherchent à séduire, plus ils deviennent pathétiques et laissent transparaître leur souffrance. La sublime séquence de l'anniversaire de Nicolas est d'ailleurs représentative de cette décadence : alors que des invités insouciants dansent dans l'appartement, un contrechamp à la fois amusant et cruel présente Francis et Marie (déguisés) comme deux êtres « anachroniques » assis sur un canapé, et on perçoit leur déception.

Logiquement, la troisième - et dernière - partie du film sera moins poseuse. Les effets de style se font plus discrets ; les personnages ne cherchent plus à séduire à tout prix. Bien qu'ils espèrent toujours que le bellâtre qui a fini par ne plus s'intéresser à eux les regarde à nouveau, Marie et Francis vivent désormais dans la désillusion. Xavier Dolan utilise alors remarquablement les silences (le plus bel exemple étant cette scène silencieuse très émouvante succédant à celle où Francis à révélé ses sentiments à Nicolas) et retranscrit admirablement la solitude de deux amis qui se sont définitivement perdus. Même au moment de la réconciliation autour d'une tasse de thé, ils continueront à se mentir pour mieux cacher leurs faiblesses.

 

 

Comme dans J'ai tué ma mère, son premier film très remarqué, Xavier Dolan ponctue Les Amours imaginaires de fausses interviews, filmées frontalement et en plan-séquence, à la manière d'un documentaire. Des quidams y confessent leurs échecs sentimentaux les plus douloureux avec un humour ravageur. Ces anonymes endossent le rôle du chœur, leurs histoires faisant écho à ce que vivent Marie et Francis : une histoire universelle, qui se répète à l'infini, la dernière séquence renvoyant inévitablement à la première apparition de Nicolas. 

Résumé

Entouré par de formidables acteurs, Xavier Dolan a réussi à mettre des mots et des images sur le désir puis les blessures provoquées par un amour non réciproque. Son film est rigoureux dans sa mise en scène (cherchant toujours à être en parfaite adéquation avec le sujet), hilarant, poignant, profondément triste mais surtout d'une justesse et d'une intelligence absolument remarquables.

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