Critique : Patlabor

Jean-Noël Nicolau | 18 juillet 2007
Jean-Noël Nicolau | 18 juillet 2007
Réalisé en 1989 par Mamoru Oshii, le premier long-métrage adapté de la franchise Patlabor (manga, multiples séries télévisées et autres produits dérivés) est bien loin d'être un simple produit de commande. Oshii l'avait déjà prouvé avec ses débuts sur les films Lamu (en particulier Beautiful Dreamer), il peut se fondre dans n'importe quel univers tout en imposant son style immédiatement reconnaissable. Les codes visuels et narratifs peuvent sembler inébranlables et les personnages, bien connus du grand public, intouchables, le réalisateur trouvera moyen de s'approprier le résultat au maximum. Tant et si bien que l'on se retrouve parfois loin, voire très loin de l'œoeuvre d'origine, ce qui est particulièrement le cas sur les suites Patlabor 2 et Ghost in the shell – Innocence.

Patlabor, premier du nom, est encore en grande partie fidèle au concept de Headgear (collectif de 5 mangakas et animateurs à l'origine de la série). On retrouve les protagonistes sous des incarnations familières, mais Oshii ne met pas longtemps pour corrompre ce terrain des plus balisés. Il fait des robots « Labors » les ennemis potentiels, décrit une apocalyptique machination terroriste et englobe le tout dans une atmosphère nostalgique où vient se greffer une enquête policière contemplative qui résumerait à elle seule toutes les obsessions stylistiques et thématiques du metteur en scène (mégalopole en décrépitude, errance d'êtres taciturnes, symboles à foison, doutes sur la réalité, musique onirique et angoissante de Kenji Kawaï).

Pourtant, dans ses prémisses, l'histoire de ce Patlabor semble suivre les règles d'or du film d'action de science-fiction à base de « méchas ». Et l'on s'attend à suivre d'imposants combats de robots, avec un maximum de destructions et un minimum de réflexion. Dans cette optique, Oshii offre une scène d'introduction vindicative, modèle de découpage, pour mieux prendre ensuite les chemins de traverse et s'attarder sur les questionnements (certes encore peu existentiels) des divers intervenants. Si les détails technologiques et autres circonvolutions du scénario sont bien présentes, Patlabor est, avec sa suite, le plus directement « humain » des films du metteur en scène. Outre quelques passages comiques, l'œuvre prend le temps de rendre ses héros attachants et même de créer une certaine affection pour les Labors, renforçant ainsi notre implication lorsque survient la grande scène d'action finale, la plus décomplexée de la carrière d'Oshii.

Mais avant d'arriver à ce climax, le scénariste Kazunori Itô (Ghost in the shell, Avalon) cisèle un thriller aux détours inattendus, dont le « méchant » est une ombre aux proportions bibliques. Loin d'être un mégalomane caricatural, ce terroriste entraîne Patlabor sur les terres de la fable, et, déjà, vers la remise en cause du tout cybernétique et sur les possibles implications envers l'humanité. Si l'aspect métaphysique du scénario est moins développé que dans les films qui suivront, impossible de ne pas ressentir déjà le pessimisme d'Oshii, au détour d'une ligne de dialogue ou dans la beauté de ses images désenchantées. Si le second opus de Patlabor ira bien plus loin dans la mélancolie et le minimalisme spectaculaire, c'est peut-être avec cette première œoeuvre que le réalisateur se sera dévoilé sous son jour le plus abordable, parvenant à ménager idéalement le divertissement et la réflexion, ses aspirations d'auteur et le plaisir immédiat du public.

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