Critique : Old joy

Jean-Noël Nicolau | 18 juillet 2007
Jean-Noël Nicolau | 18 juillet 2007

Avec Old joy, la réalisatrice Kelly Reichardt, ancienne collaboratrice de Hal Hartley, signe une épure du road movie. Genre américain par excellence, le voyage initiatique au fil des paysages et des individus rencontrés demeure une des figures de style de prédilection du cinéma indépendant. De Jim Jarmusch à Gus Van Sant, à pied ou en voiture, presque tous se sont fendus d’errances contemplatives et existentielles. Mais Old joy nous expose un fait que nous percevions sans vraiment l’appréhender : les road movies rêveurs sont encore trop marqués par les règles du cinéma pour atteindre pleinement leur objectif. Ainsi, en comparaison du film de Reichardt, Gerry et les œuvres de Apichatpong Weerasethakul semblent terriblement apprêtés et soumis aux pires travers de la dramatisation.

En effet, dans Old joy nul besoin d’événements impressionnants (ni d’événements tout court) ou de poésie absconse, la plus grande des simplicités équivaut à la fois logiquement à la plus grande pureté mais aussi à l’évidence émotionnelle. Des plans simples, un seul thème musical par Yo La Tengo, un rythme régulier qui permet au film d’atteindre tout juste les 1h15 et de s’accomplir avant d’ennuyer.

Si la forme s’avère ascétique, c’est la narration qui transcende Old joy. Certains spectateurs auront le sentiment que rien n’est raconté, tant la parole et les explications sont rares. Tout passe par le non-dit, le deviné, le ressenti : un silence qui dure un peu trop longtemps, un monologue incongru, une gêne passagère et des caractères entiers se mettent à exister. Riche de ce qu’il refuse d’imposer, le récit évolue vers une immense respiration et surtout une révélation.

Une épiphanie qui surgit à l’esprit du personnage de Kurt, comme une vérité longtemps cachée qui donne soudainement sens à toute l’œuvre, à tout un pan de l’existence. Dans le rôle, le chanteur Will Oldham est une découverte exceptionnelle. Surtout connu pour son œuvre musicale entre country et folk, très sombre et sensible (et sous le pseudonyme de Bonnie Prince Billy), Oldham déborde à l’écran de naturel et d’excentricité insaisissable. Il semble ainsi faire corps avec la forêt et les éléments, se retrouvant d’autant plus déconnecté du monde de la ville, de celui des adultes et des hommes en général.

Baignant dans une atmosphère d’apaisement progressif, doucement tendu vers une résolution anti-spectaculaire qui ne tient qu’à une phrase et à un geste, Old joy risque de désarçonner le spectateur qui refusera de se laisser porter par son humble mélodie. En revanche, l’œuvre charmera ceux prêts à abandonner leur esprit au fil de l’eau, à se plonger dans l’œuvre comme un bain bien chaud et à retrouver l’effleurement de sensations premières. Pour eux, Old joy se dévoilera comme l’un des plus beaux films de 2007, si ce n’est le plus beau.

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