Capitaine Sky et le monde de demain : Critique

Sébastien de Sainte Croix | 26 janvier 2005
Sébastien de Sainte Croix | 26 janvier 2005

Pour ceux qui avaient découvert la article-details_c-trailers sur le net, Sky Captain et le monde de demain avait tout du film événement. Un visuel à couper le souffle, image sépia noir et blanc (de quoi reléguer Avalon aux oubliettes), un univers mélangeant bande dessinée et sérials, peuplé de robots géants (de fer) tout droit issus du film de Brad Bird, un casting alléchant (Gwyneth Paltrow, Giovanni Ribisi, enfin et surtout Angelina Jolie – en Nick Fury au féminin – et Jude Law dans le rôle titre), un réalisateur novice qui ne vient PAS de la pub ni du clip et qui se réfère plus facilement au Cooper de King Kong qu'aux frères Wachowski. Enfin, la promesse du premier film virtuel-réaliste. Au final, Kerry Conran, s'il ne convainc pas complètement, parvient à surprendre et, chose rare, son film est véritablement à l'image de la article-details_c-trailers : un hommage généreux et décomplexé aux films d'action et d'espionnage de l'entre-deux guerres.

Ancré dans l'univers du sérial des années trente/quarante (feuilletons et bédés d'aventures à épisodes riches en rebondissements en tout genre), le film nous balade aux quatre coins du monde à la poursuite de l'énigmatique Dr Totenkopf (Laurence Olivier !!!???!!) talonné par Sky Captain (Tintin en brun mâtiné de Rocketeer) et Polly Perkins (Lauren Bacall en blonde). D'une tanière secrète au Népal, en passant par une base sous-marine au milieu de l'océan Indien à un porte-avions volant, le spectateur parcourt une carte virtuelle du monde ultra codée du serial d'antan (dont le plus prestigieux héritier reste encore Indiana Jones, produit de la mémoire cinéphilique de Spielberg et Lucas, grands recycleurs devant l'Éternel). Kerry Conran nous propose donc un film d'aventures de troisième génération (après Cooper et Spielberg ), tout neuf, à la pointe de la technologie (le tournage a entièrement eu lieu sur fond bleu en vingt-neuf jours, puis tout a été retravaillé pendant des mois) en se reposant sur les films de ses glorieux aînés.

 

 

Généreux avec son public, tout comme l'a été Stephen Sommers à ses débuts (rappelez-vous d'Un cri dans l'océan ou du premier La Momie), Kerry Conran signe un grand nombre de scènes d'action de très haute facture – à charge, pour le spectateur cinéphile, de s'amuser à y décrypter les nombreuses références. Tous les recoins de la planète sont ainsi bons pour que les affrontements se multiplient : sur terre avec une poursuite à travers les rues de New York, envahi par des robots géants (1941 et Star Wars sont ici en ligne de mire), mais également et surtout dans les airs et sur/sous mer (LA scène d'anthologie du film, qui démontre que miss Jolie sait être, lorsqu'elle est dirigée, une action-woman d'envergure sous l'eau).

 

 

Mais malgré la qualité indéniable de ces scènes, le réalisateur peine à donner du corps et de la substance à son scénario et à ses personnages. Contrairement, justement, à un Indiana Jones dont on ne sait jamais comment il va se sortir des incessants traquenards dans lesquels il se fourre, les héros de Conran ne sont jamais véritablement en péril, les situations étant plus ou moins résolues avant même de démarrer… laissant au spectateur le plus souvent le sentiment d'assister plutôt que de ressentir ou de vivre les scènes. Peut-être à cause de la virtualité de leur environnement, les comédiens se calent sur des stéréotypes (Bacall/Bogart) et avancent à vue (peut-être ont-ils peur de heurter un cube bleu ?) sans jamais véritablement convaincre. Trop beau pour être vrai ? Le film ne parvient ainsi jamais vraiment à susciter l'émotion.

 

 

Un léger manque de ressenti, que l'on mettra sur le compte de la technique encore vacillante du jeune réalisateur et du choix du tout virtuel (pour un Tron réussi, combien de Cobaye et de sous Matrix ?), car la démarche de Conran – certes naïve – est honnête (la philosophie humaniste écolo de la fin), et le film dégage par instants de purs moments de poésie et de grâce.


Signe des temps, Robert Rodriguez a utilisé la même technique pour mener à bien son adaptation de Sin City, autre univers graphique à haute teneur référentielle. La question de l'affect reste d'actualité. Sera-t-il capable de nous procurer une réelle émotion ? N'est pas James Cameron qui veut.

Capitaine Sky et le monde de demain fait l'ouverture, ce mercredi 26 janvier, du 12e festival Fantastic'Arts de Gérardmer, dont nous vous proposerons un compte rendu journalier, à commencer par cette introduction.

 

 

 

Résumé

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